27 Fév 2023
La décision de la cour d’appel était jugée « aberrante » par les parties civiles. Ce mardi 21 février, la Cour de cassation a annulé la relaxe d’Éric Zemmour, poursuivi pour injure et provocation à la haine après un violent discours tenu en septembre 2019 lors d’un rassemblement organisé par Marion Maréchal et le magazine L’Incorrect, et diffusé en direct sur LCI.
« Ainsi se comportent-ils comme en terre conquise comme se sont comportés les pieds-noirs en Algérie ou les Anglais en Inde. Ils se comportent en colonisateurs, les caïds et leurs bandes s’allient à l’imam pour faire régner l’ordre dans la rue et dans les consciences, selon la vieille alliance du sabre et du goupillon, en l’occurrence, la kalach et la djellaba », avait notamment déclaré le polémiste d’extrême droite. Plusieurs associations – SOS Racisme, la LDH, la Maison des potes, la Licra… – avaient porté plainte. Éric Zemmour avait été condamné en première instance, puis relaxé en appel.
« Il convient de constater qu’aucun des propos poursuivis ne vise l’ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes », estimait alors la cour d’appel, en l’absence d’un groupe constitué. Elle s’était lancée dans un étonnant procédé d’élimination pour estimer que le polémiste ne s’en était pas pris à l’ensemble de la communauté musulmane.
Dans son arrêt publié ce mardi, la Cour de cassation annule cette décision, jugeant au contraire : « Les propos litigieux désignent les immigrés de confession musulmane venant d’Afrique, soit un groupe de personnes déterminé tant par leur origine que par leur religion, entrant dans les prévisions de la loi. » Le président de Reconquête sera donc convoqué – une énième fois – devant la justice.
La cour d’appel de Paris a relaxé le polémiste Éric Zemmour mercredi 8 septembre. Condamné en première instance, il était poursuivi pour injure et provocation à la haine après un violent discours tenu en septembre 2019 lors d’un rassemblement organisé par Marion Maréchal et le magazine L’Incorrect et diffusé en direct sur LCI.
Plusieurs associations – SOS Racisme, la LDH, la Maison des potes, la Licra… – avaient attaqué les propos prononcés par le polémiste dont le discours était un torrent de haine ciblant majoritairement les musulmans. Le polémiste d’extrême droite, possiblement candidat à la présidentielle, avait notamment déclaré :
« Ainsi se comportent-ils comme en terre conquise comme se sont comportés les pieds-noirs en Algérie ou les Anglais en Inde. Ils se comportent en colonisateurs, les caïds et leurs bandes s’allient à l’imam pour faire régner l’ordre dans la rue et dans les consciences, selon la vieille alliance du sabre et du goupillon, en l’occurrence, la kalach et la djellaba ».
Les étonnantes catégories recensées par la cour d’appel
La cour d’appel devait juger si les propos litigieux visaient des personnes ou groupes protégés par les articles 33 et 24 de la loi du 29 juillet 1981 en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une race ou une religion déterminée.
Dans la décision rendue mercredi, obtenue dans son intégralité par Mediapart, et qui ne dépasse pas deux pages, les trois magistrats taclent d’abord les associations parties civiles au procès qui ne seraient pas d’accord sur la communauté précisément visée par Éric Zemmour.
La cour estime que le « tribunal et le ministère public ont retenu que les propos litigieux visent la communauté musulmane dans son ensemble à raison de sa religion ». En revanche, selon elle, les parties civiles n’ayant pas visé précisément la même communauté « adoptent des positions plus nuancées » : selon les magistrats, « à la lecture de leurs conclusions, on peut notamment relever que :
D’après elle, le premier passage poursuivi viserait « des immigrés de confession musulmane en provenance d’Afrique ». « Les propos critiqués ne visent donc nullement l’ensemble des Africains, des musulmans ou des immigrés, mais seulement une partie de ceux-ci. »
« Un crachat jeté au visage de la République »
Même procédé, selon elle, pour le deuxième passage attaqué par les associations. « Là aussi les propos querellés ne visent nullement l’ensemble des immigrés ou des musulmans, mais uniquement les immigrés de confession musulmane », écrit-elle.
Pour les troisième, quatrième et cinquième passages, les magistrats estiment qu’ils « ne visent que les immigrés de confession musulmane, auquel (sic) il est imputé de vouloir “venir en France pour continuer à vivre comme au pays” et placer les autochtones “sous la domination des mœurs islamiques” ».
Enfin, pour le sixième et dernier passage, la cour n’y voit pas une attaque contre « les musulmans dans leur ensemble », mais « seulement une partie d’entre eux, qui affiche une appartenance communautaire par le port d’un voile pour les femmes ou d’une djellaba pour les hommes ». Et de conclure : « Il convient de constater qu’aucun des propos poursuivis ne vise l’ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes. » Autrement dit : on peut s’en prendre aux immigrés musulmans mais pas à tous les immigrés ou à tous les musulmans.
Chez les parties civiles, cette décision suscite colère et interrogations. « C’est un véritable recul en matière d’antiracisme, déplore Samuel Thomas de la Maison des potes. Selon eux, si l’on ne vise pas l’intégralité d’une communauté, il n’y a plus d’injure et d’incitation à la haine. Cela signifie donc qu’on peut s’en prendre aux musulmans étrangers ou aux immigrés musulmans en toute impunité. C’est une décision aberrante et dangereuse, poursuit-il. Un feu vert pour que certains profèrent de plus en plus de propos haineux contre des groupes de personnes que la justice décide de ne plus protéger. »
Jérôme Karsenti, l’avocat de l’association, y voit « un crachat jeté au visage de la République ». « On est à la veille d’une élection présidentielle, on a bien compris que Zemmour allait y jouer un rôle et que la question de l’identité allait être au cœur de cette élection. La question de l’identité telle qu’elle va être posée, à l’abri de cette jurisprudence, risque d’être tragique », estime l’avocat qui dénonce « une décision politique » et conteste la logique juridique de la décision. « C’est une construction byzantine. Il y a des subtilités de sous-ensembles. C’est une vision tronquée presque mensongère de la réalité des propos qui ont été tenus au long d’un long discours où l’on comprend parfaitement qu’il visait les musulmans et uniquement les musulmans. Il y a clairement une volonté d’épargner Zemmour. »
D’après nos informations, la Maison des potes et la LDH doivent se pourvoir en cassation ce jeudi. Que va faire le parquet général qui, si l’on en croit les avocats des parties civiles, avait requis une condamnation ? Contacté par Mediapart, celui-ci n’a pas donné suite.
Pour mémoire, Éric Zemmour avait notamment tenu ces propos lors de la convention de 2019 : « À l’époque, le dynamisme démographique de notre continent a permis aux Blancs de coloniser le monde. Ils ont exterminé les Indiens et les aborigènes, asservi les Africains. Aujourd’hui, nous vivons une inversion démographique qui entraîne une inversion des courants migratoires, qui entraîne une inversion de la colonisation. Je vous laisse deviner qui seront leurs Indiens et leurs esclaves, c’est vous. »
Il déclarait aussi : « Aujourd’hui, les immigrés viennent en France pour continuer à vivre comme dans leur pays. Ils gardent […] leurs lois qu’ils imposent aux Français de souche qui doivent se soumettre ou se démettre, c’est-à-dire vivre sous la domination du pouvoir islamique et du hallal ou fuir. »
« Il y a une continuité entre les viols, vols, trafics jusqu’aux attentats de 2015, ce sont les mêmes qui les commettent […]. C’est le djihad partout, ajoutait-il. Ils se comportent en colonisateurs. Les caïds et leurs bandes s’allient à l’imam pour faire régner l’ordre dans la rue et dans les consciences selon la vieille alliance du sabre et du goupillon, en l’occurrence, la kalach et la djellaba […]. Dans la rue, les femmes voilées et les hommes en djellaba sont une propagande par le fait, une islamisation de la rue, comme les uniformes d’une armée d’occupation rappellent aux vaincus leur soumission. »
Comme l’a relevé le site Checknews, Éric Zemmour a été condamné à plusieurs reprises. Une condamnation définitive est intervenue en 2011 pour « provocation à la discrimination raciale », après des propos tenus chez Thierry Ardisson. Il a également été condamné en appel en 2018 à 3 000 euros d’amende pour « provocation à la haine religieuse » après avoir tenu des propos islamophobes.
Par David Perrotin (publié le 21/02/2023)
A lire sur le site Mediapart
« Ainsi se comportent-ils comme en terre conquise comme se sont comportés les pieds-noirs en Algérie ou les Anglais en Inde. Ils se comportent en colonisateurs, les caïds et leurs bandes s’allient à l’imam pour faire régner l’ordre dans la rue et dans les consciences, selon la vieille alliance du sabre et du goupillon, en l’occurrence, la kalach et la djellaba », avait notamment déclaré le polémiste d’extrême droite. Plusieurs associations – SOS Racisme, la LDH, la Maison des potes, la Licra… – avaient porté plainte. Éric Zemmour avait été condamné en première instance, puis relaxé en appel.
« Il convient de constater qu’aucun des propos poursuivis ne vise l’ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes », estimait alors la cour d’appel, en l’absence d’un groupe constitué. Elle s’était lancée dans un étonnant procédé d’élimination pour estimer que le polémiste ne s’en était pas pris à l’ensemble de la communauté musulmane.
Dans son arrêt publié ce mardi, la Cour de cassation annule cette décision, jugeant au contraire : « Les propos litigieux désignent les immigrés de confession musulmane venant d’Afrique, soit un groupe de personnes déterminé tant par leur origine que par leur religion, entrant dans les prévisions de la loi. » Le président de Reconquête sera donc convoqué – une énième fois – devant la justice.
La cour d’appel de Paris a relaxé le polémiste Éric Zemmour mercredi 8 septembre. Condamné en première instance, il était poursuivi pour injure et provocation à la haine après un violent discours tenu en septembre 2019 lors d’un rassemblement organisé par Marion Maréchal et le magazine L’Incorrect et diffusé en direct sur LCI.
Plusieurs associations – SOS Racisme, la LDH, la Maison des potes, la Licra… – avaient attaqué les propos prononcés par le polémiste dont le discours était un torrent de haine ciblant majoritairement les musulmans. Le polémiste d’extrême droite, possiblement candidat à la présidentielle, avait notamment déclaré :
« Ainsi se comportent-ils comme en terre conquise comme se sont comportés les pieds-noirs en Algérie ou les Anglais en Inde. Ils se comportent en colonisateurs, les caïds et leurs bandes s’allient à l’imam pour faire régner l’ordre dans la rue et dans les consciences, selon la vieille alliance du sabre et du goupillon, en l’occurrence, la kalach et la djellaba ».
Les étonnantes catégories recensées par la cour d’appel
La cour d’appel devait juger si les propos litigieux visaient des personnes ou groupes protégés par les articles 33 et 24 de la loi du 29 juillet 1981 en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une race ou une religion déterminée.
Dans la décision rendue mercredi, obtenue dans son intégralité par Mediapart, et qui ne dépasse pas deux pages, les trois magistrats taclent d’abord les associations parties civiles au procès qui ne seraient pas d’accord sur la communauté précisément visée par Éric Zemmour.
La cour estime que le « tribunal et le ministère public ont retenu que les propos litigieux visent la communauté musulmane dans son ensemble à raison de sa religion ». En revanche, selon elle, les parties civiles n’ayant pas visé précisément la même communauté « adoptent des positions plus nuancées » : selon les magistrats, « à la lecture de leurs conclusions, on peut notamment relever que :
- L’association SOS Racisme – Touche pas à mon pote – estime que les propos de M. Zemmour visent “l’ensemble des musulmans”, “la communauté d’origine africaine ou des personnes noires de peau dans son ensemble”, “la communauté d’origine africaine et musulmane”.
- Les association UEFJ et AIPJ estiment que les propos poursuivis visent “à l’évidence les Maghrébins et Africains de confession musulmane” ou “les Africains, les Maghrébins et les musulmans”.
- La Licra estime pour sa part que les propos poursuivis visent “indéniablement tout à la fois les Maghrébins et Africains et les personnes de confession musulmane”.
- Les associations Maison des potes et Maison de l’égalité et Fédération des Maisons des potes considèrent que le groupe visé est composé “de toutes les personnes de confession musulmane”, “les musulmans et principalement les musulmans de France” ou “tant les musulmans que les Français perçus comme issus des immigrations africaines, maghrébines ou subsahariennes”.
- La LDH a considéré que les propos de M. Zemmour “visent principalement les personnes issues de l’immigration mais également les personnes de confession musulmane”. »
D’après elle, le premier passage poursuivi viserait « des immigrés de confession musulmane en provenance d’Afrique ». « Les propos critiqués ne visent donc nullement l’ensemble des Africains, des musulmans ou des immigrés, mais seulement une partie de ceux-ci. »
« Un crachat jeté au visage de la République »
Même procédé, selon elle, pour le deuxième passage attaqué par les associations. « Là aussi les propos querellés ne visent nullement l’ensemble des immigrés ou des musulmans, mais uniquement les immigrés de confession musulmane », écrit-elle.
Pour les troisième, quatrième et cinquième passages, les magistrats estiment qu’ils « ne visent que les immigrés de confession musulmane, auquel (sic) il est imputé de vouloir “venir en France pour continuer à vivre comme au pays” et placer les autochtones “sous la domination des mœurs islamiques” ».
Enfin, pour le sixième et dernier passage, la cour n’y voit pas une attaque contre « les musulmans dans leur ensemble », mais « seulement une partie d’entre eux, qui affiche une appartenance communautaire par le port d’un voile pour les femmes ou d’une djellaba pour les hommes ». Et de conclure : « Il convient de constater qu’aucun des propos poursuivis ne vise l’ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes. » Autrement dit : on peut s’en prendre aux immigrés musulmans mais pas à tous les immigrés ou à tous les musulmans.
Chez les parties civiles, cette décision suscite colère et interrogations. « C’est un véritable recul en matière d’antiracisme, déplore Samuel Thomas de la Maison des potes. Selon eux, si l’on ne vise pas l’intégralité d’une communauté, il n’y a plus d’injure et d’incitation à la haine. Cela signifie donc qu’on peut s’en prendre aux musulmans étrangers ou aux immigrés musulmans en toute impunité. C’est une décision aberrante et dangereuse, poursuit-il. Un feu vert pour que certains profèrent de plus en plus de propos haineux contre des groupes de personnes que la justice décide de ne plus protéger. »
Jérôme Karsenti, l’avocat de l’association, y voit « un crachat jeté au visage de la République ». « On est à la veille d’une élection présidentielle, on a bien compris que Zemmour allait y jouer un rôle et que la question de l’identité allait être au cœur de cette élection. La question de l’identité telle qu’elle va être posée, à l’abri de cette jurisprudence, risque d’être tragique », estime l’avocat qui dénonce « une décision politique » et conteste la logique juridique de la décision. « C’est une construction byzantine. Il y a des subtilités de sous-ensembles. C’est une vision tronquée presque mensongère de la réalité des propos qui ont été tenus au long d’un long discours où l’on comprend parfaitement qu’il visait les musulmans et uniquement les musulmans. Il y a clairement une volonté d’épargner Zemmour. »
D’après nos informations, la Maison des potes et la LDH doivent se pourvoir en cassation ce jeudi. Que va faire le parquet général qui, si l’on en croit les avocats des parties civiles, avait requis une condamnation ? Contacté par Mediapart, celui-ci n’a pas donné suite.
Pour mémoire, Éric Zemmour avait notamment tenu ces propos lors de la convention de 2019 : « À l’époque, le dynamisme démographique de notre continent a permis aux Blancs de coloniser le monde. Ils ont exterminé les Indiens et les aborigènes, asservi les Africains. Aujourd’hui, nous vivons une inversion démographique qui entraîne une inversion des courants migratoires, qui entraîne une inversion de la colonisation. Je vous laisse deviner qui seront leurs Indiens et leurs esclaves, c’est vous. »
Il déclarait aussi : « Aujourd’hui, les immigrés viennent en France pour continuer à vivre comme dans leur pays. Ils gardent […] leurs lois qu’ils imposent aux Français de souche qui doivent se soumettre ou se démettre, c’est-à-dire vivre sous la domination du pouvoir islamique et du hallal ou fuir. »
« Il y a une continuité entre les viols, vols, trafics jusqu’aux attentats de 2015, ce sont les mêmes qui les commettent […]. C’est le djihad partout, ajoutait-il. Ils se comportent en colonisateurs. Les caïds et leurs bandes s’allient à l’imam pour faire régner l’ordre dans la rue et dans les consciences selon la vieille alliance du sabre et du goupillon, en l’occurrence, la kalach et la djellaba […]. Dans la rue, les femmes voilées et les hommes en djellaba sont une propagande par le fait, une islamisation de la rue, comme les uniformes d’une armée d’occupation rappellent aux vaincus leur soumission. »
Comme l’a relevé le site Checknews, Éric Zemmour a été condamné à plusieurs reprises. Une condamnation définitive est intervenue en 2011 pour « provocation à la discrimination raciale », après des propos tenus chez Thierry Ardisson. Il a également été condamné en appel en 2018 à 3 000 euros d’amende pour « provocation à la haine religieuse » après avoir tenu des propos islamophobes.
Par David Perrotin (publié le 21/02/2023)
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