21 May 2014
C'est une victoire pour les opposants aux pesticides. Après sept années de combat judiciaire, Sylvie S. (elle a souhaité que son nom ne soit pas cité), salariée dans un domaine viticole en Dordogne et intoxiquée par une pulvérisation de pesticides, a obtenu la reconnaissance de la « faute inexcusable de son employeur ».
« Si les maladies dues à l'exposition aux pesticides sont de plus en plus souvent reconnues comme professionnelles, cette reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est une première », estime Nadine Lauverjeat, porte-parole de Générations futures, une association de défense de l'environnement.
MAUX DE TÊTE ET VERTIGES
La bataille fut rude et donna lieu à de nombreux rebondissements. Employée par le château Monestier La Tour, un domaine qui propose blancs et rouges notamment dans l'appellation bergerac, Mme S. est amenée, le 8 juin 2007, à travailler sur des vignes traitées la veille avec deux produits phytosanitaires reconnus comme irritants, le Cabrio Top et le Clameur (du groupe BASF).
Souffrant de maux de tête, de vertiges et de grosses fatigues, la salariée, alors en contrat à durée déterminée, fait reconnaître qu'elle est victime d'un accident du travail, en août 2007, et bénéficie d'un arrêt de travail. Ce dernier dure jusqu'au 25 mai 2010, date à laquelle la Mutualité sociale agricole (MSA) déclare qu'elle est « consolidée ».
« Dans ce genre d'accident, deux procédures différentes sont essentielles, explique l'avocat de la victime, Stéphane Cottineau. D'une part la reconnaissance de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle et, d'autre part, la bataille du salarié qui attend de la justice qu'elle condamne la faute inexcusable de l'employeur. » Dans le cas de la salariée viticole, un premier jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bordeaux a rejeté sa demande en février 2012. « La cause exacte à l'origine des troubles n'est pas démontrée », disait alors le jugement.
MATÉRIEL DE PROTECTION ABSENT
Le 31 octobre 2013, la chambre sociale de la cour d'appel de Bordeaux infirmait la décision, reconnaissant la faute inexcusable : « L'utilisation de produits précités, à savoir le Clameur et le Cabrio Top, classifiés irritants, permet d'établir que l'employeur avait nécessairement conscience du danger auquel ses salariés pouvaient être exposés ». Les magistrats relèvent aussi que « la preuve de la fourniture de matériel de protection adapté au travail de la salariée n'est pas davantage fournie ». Après cet arrêt de la cour d'appel, les propriétaires du château avaient décidé de se pourvoir en cassation.
Dernier épisode de la bataille, jeudi 10 avril, maître Cottineau a appris qu'il y avait un « désistement total de l'entreprise, qui ne va plus en cassation ». La responsabilité de l'employeur de Mme S. est donc reconnue. « Il est probable qu'ils n'aient pas souhaité prendre le risque d'une décision de la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, estime l'avocat. Cela aurait fait du bruit et cela risquait de fixer la jurisprudence, de faire un précédent. »
UN ENCOURAGEMENT POUR LES FUTURS PROCÈS
Pour Stéphane Cottineau, le jugement « fait avancer la jurisprudence et aura, nous l'espérons, des retombées positives pour tous les autres salariés victimes de pesticides qui ont engagé, ou pensent engager, de telles procédures ».
Mme S., elle, toujours victime de troubles importants et qui n'a repris aucune activité professionnelle depuis 2007, espère que cette décision va ouvrir la voie au doublement de sa rente d'accident de travail, qui s'élève actuellement à 107 euros mensuels. Un autre jugement pour faute inexcusable de l'employeur est attendu, le 5 juin, concernant deux ex-salariés de Nutréa-Triskalia, groupe d'agroalimentaire breton, qui se battent depuis trois ans pour faire reconnaître leur intoxication aux pesticides.
Par Rémi Barroux le 14/04/2014
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« Si les maladies dues à l'exposition aux pesticides sont de plus en plus souvent reconnues comme professionnelles, cette reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est une première », estime Nadine Lauverjeat, porte-parole de Générations futures, une association de défense de l'environnement.
MAUX DE TÊTE ET VERTIGES
La bataille fut rude et donna lieu à de nombreux rebondissements. Employée par le château Monestier La Tour, un domaine qui propose blancs et rouges notamment dans l'appellation bergerac, Mme S. est amenée, le 8 juin 2007, à travailler sur des vignes traitées la veille avec deux produits phytosanitaires reconnus comme irritants, le Cabrio Top et le Clameur (du groupe BASF).
Souffrant de maux de tête, de vertiges et de grosses fatigues, la salariée, alors en contrat à durée déterminée, fait reconnaître qu'elle est victime d'un accident du travail, en août 2007, et bénéficie d'un arrêt de travail. Ce dernier dure jusqu'au 25 mai 2010, date à laquelle la Mutualité sociale agricole (MSA) déclare qu'elle est « consolidée ».
« Dans ce genre d'accident, deux procédures différentes sont essentielles, explique l'avocat de la victime, Stéphane Cottineau. D'une part la reconnaissance de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle et, d'autre part, la bataille du salarié qui attend de la justice qu'elle condamne la faute inexcusable de l'employeur. » Dans le cas de la salariée viticole, un premier jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bordeaux a rejeté sa demande en février 2012. « La cause exacte à l'origine des troubles n'est pas démontrée », disait alors le jugement.
MATÉRIEL DE PROTECTION ABSENT
Le 31 octobre 2013, la chambre sociale de la cour d'appel de Bordeaux infirmait la décision, reconnaissant la faute inexcusable : « L'utilisation de produits précités, à savoir le Clameur et le Cabrio Top, classifiés irritants, permet d'établir que l'employeur avait nécessairement conscience du danger auquel ses salariés pouvaient être exposés ». Les magistrats relèvent aussi que « la preuve de la fourniture de matériel de protection adapté au travail de la salariée n'est pas davantage fournie ». Après cet arrêt de la cour d'appel, les propriétaires du château avaient décidé de se pourvoir en cassation.
Dernier épisode de la bataille, jeudi 10 avril, maître Cottineau a appris qu'il y avait un « désistement total de l'entreprise, qui ne va plus en cassation ». La responsabilité de l'employeur de Mme S. est donc reconnue. « Il est probable qu'ils n'aient pas souhaité prendre le risque d'une décision de la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, estime l'avocat. Cela aurait fait du bruit et cela risquait de fixer la jurisprudence, de faire un précédent. »
UN ENCOURAGEMENT POUR LES FUTURS PROCÈS
Pour Stéphane Cottineau, le jugement « fait avancer la jurisprudence et aura, nous l'espérons, des retombées positives pour tous les autres salariés victimes de pesticides qui ont engagé, ou pensent engager, de telles procédures ».
Mme S., elle, toujours victime de troubles importants et qui n'a repris aucune activité professionnelle depuis 2007, espère que cette décision va ouvrir la voie au doublement de sa rente d'accident de travail, qui s'élève actuellement à 107 euros mensuels. Un autre jugement pour faute inexcusable de l'employeur est attendu, le 5 juin, concernant deux ex-salariés de Nutréa-Triskalia, groupe d'agroalimentaire breton, qui se battent depuis trois ans pour faire reconnaître leur intoxication aux pesticides.
Par Rémi Barroux le 14/04/2014
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