EN AUSTRALIE, UNE VILLE VEUT INTERDIRE LE PORNO POUR DES RAISONS HUMANISTES
Des habitants et élus de Toowoomba, près de Brisbane, dénoncent l’industrie du X à cause de «l’exploitation» et des «violences» que subissent les femmes.

Il y a des villes qui se déclarent sans OGM, d’autres sans burkini. Pour ce qui est du porno, d'habitude, les volontés d'interdiction proviennent de l’extrême droite ou des religieux intégristes. Mais pas à Toowomba, une commune australienne du Queensland (est), proche de Brisbane, connue comme «la Ville des fleurs» et le point de départ de la barrière anti-dingos (on parle des chiens sauvages). Cette cité réputée aussi pour sa tolérance assume toujours ses sex shops, son club de strip tease et même ses maisons closes. Les films pornos, par contre, c’est niet.

Plusieurs citoyens, représentants politiques et du monde associatif, issus «de toutes les générations», se sont rassemblés mercredi en plein air pour appeler à la création d’une ville «porn free». En pratique, il ne s’agira évidemment pas de censurer les sites pour adultes mais de sensibiliser aux ravages de cette industrie. «Regarder de la pornographie revient à promouvoir l’exploitation des femmes et les violences faites aux femmes et […] crée des dommages au sein des familles», indique un texte lu à haute voix par les manifestants mercredi et cité par le journal australien ABC. Le credo poursuit : «Je m’engage à ne pas regarder de porno et à aider à la création d’une ville sans porno».

Le maire libéral en première ligne

Le mouvement se veut indépendant d’un quelconque lobby religieux, et la présence en première ligne du maire Paul Antonio a de quoi rassurer. Cet élu étiqueté «libéral», n’est pas à proprement parler une grenouille de bénitier. Installé à l’hôtel de ville depuis 2012, reconduit dans son mandat au printemps dernier, Antonio a soutenu l’ouverture d’une mosquée dans sa commune au nom de «la paix et de l’harmonie» ou encore proposé de faciliter l’accueil des migrants. Son nouveau combat : le porno, au nom d’une certaine idée du vivre-ensemble – ce qu’il appelle les «vraies valeurs relationnelles».


Les préliminaires sont encore timides, avec un peu moins de 400 personnes adhérant à la page Facebook officielle de la ville «porn free». Et ils n'étaient que 200 rassemblées mercredi (sur une population de 146 000 habitants). Pourtant, le maire ne désespère pas de faire entendre son message au reste de l'Australie. Il compte pour cela rallier 50 000 hommes et garçons à la cause.

Sur la page Facebook, d’autres arguments hostiles aux films X sont résumés dans un clip vidéo : ce genre de film est notamment accusé de «modifier votre cerveau», créer des «réactions similaires à la cocaïne», «blesser votre partenaire» ou plus largement «ruiner votre vie sexuelle». Un réquisitoire a priori fourre-tout. Mais une étude de l’institut Max Planck de Berlin, publiée en 2014, arrivait effectivement à la conclusion que le porno cause des dégâts sur le cerveau de ses plus gros consommateurs. Pour une cure de désintox, penser à visiter Toowomba.

Par Pierre Carrey

Lire sur Libération (16/10/2016)