28 Jan 2018
“Les talibans! Les talibans!!“ crie soudain une femme au milieu de la place de ce petit village des environs de Bamyan, au centre de l'Afghanistan.
Immédiatement une trentaine d'enfants, garçons et filles, qui jouaient paisiblement devant une modeste maison transformée en école, partent en courant.
"Vite, vite, cachez-vous! hurle-t-elle.
Les plus grands portent les plus petits, les plus costauds entrainent les plus faibles. On essaye de se dissimuler où l'on peut, derrière un muret, dans un fossé ou au fond d'un trou, tandis que l'institutrice tente de faire disparaitre en un instant toute trace de son crime: celui d'enseigner!
Là-bas, à quelques centaines de mètres, sur la route qui mène au village, arrive un homme inconnu, tout de noir vêtu. Il pédale de toutes ses forces sur un vélo supportant une grosse boite métallique à l'arrière. La femme a crû y reconnaitre un de ces vélos piégés que les talibans utilisent régulièrement pour tuer, ici et là, instituteurs et écoliers.
Pour ces barbares, la lecture, la culture et l'éducation - en particulier celles des jeunes filles et des femmes - est un affront à leur idéologie qu'ils punissent irrémédiablement de mort.
Mais l'homme au vélo n'est pas un taliban! Loin de là! Il est au contraire un de leurs ennemis acharnés! Et jouant en permanence à cache-cache avec la mort, il approvisionne chaque semaine de nombreuses écoles en livres et les enfants l'attendent partout le coeur battant!
Jeune instituteur au grand coeur, natif de la ville de Bamyan, Saber Hosseini a longtemps souffert de savoir que des milliers d'enfants vivant dans les villages reculés de cette région, pour la plupart encore sous la coupe des talibans, n'avaient accès ni à l'éducation, ni aux livres.
Chaque jour, il en parlait autour de lui, à ses amis et à ses collègues: “Il faut absolument les aider, disait-il! Les soutenir! Leur distribuer des livres!“
Ici et là, on acquiestait poliment, puis on haussait tristement les épaules. “Tu as raison bien sûr, mais que peut-on faire, alors même que les autorités se déclarent impuissantes?“
Sadigh Sadighi, porte-parole du ministère de l’Intérieur de la République islamique d'Afghanistan le confirme en personne : “Certes, notre priorité est de sécuriser les écoles mais nous ne pouvons pas, hélas, déployer l’armée ou la police à chaque coin de rue..."
Résultat: en un an, les talibans afghans ont commis plus de 130 attentats contre des écoles et se sont rendus coupables de la fermeture de 400 d'entre elles.
Une situation intolérable pour le jeune et passionné Saber qui, envers et contre tous, décide, un beau matin, d'entrer en résistance contre cet état de fait. Seul, peut-être! Avec ses petits moyens, peut-être! Mais de tout son coeur! Et avec une farouche détermination!
D'abord rassembler un premier stock de livres adaptés aux enfants.
Ce ne fut pas un gros problème pour Saber. Car, mises au courant du projet, de nombreuses personnes vinrent lui en apporter. Il en eu très vite plus de 200. Largement de quoi bien commencer son action.
La difficulté fut plutôt de déterminer et de mettre en place un moyen de transport discret et efficace.
Une voiture, n'en parlons pas! Le jeune instituteur n'a pas les moyens d'en avoir une.
Une moto? L'idée pourrait être intéressante mais l'engin serait vite repérée dans ces régions très pauvres.
A pied, alors? Impossible pour accèder à des villages situés à des dizaines kilomètres les uns des autres.
C'est alors que Saber eut l'idée la plus lumineuse et symbolique qui soit!
Un vélo! Voila ce qu'il lui fallait! Un vélo!
Ce moyen de locomotion passe inaperçu sur les chemins de montagne. Il permet de se faufiler discrètement partout et il ne demande pas grand moyen. D'ailleurs, Saber en a déjà un!
De surcroit, il est hautement symbolique! C'est en effet avec des vélos piégés que les talibans commettent la plupart de leurs attentats contre les écoles!
C'était décidé! Saber allait contre-attaquer les talibans avec un vélo piégé! Mais piégé avec des livres! Des livres soigneusement dissimulés dans une grande boite métallique rouge vissée sur le porte-bagage!
Un vélo devenu désormais “arme d'instruction massive” contre les kalachnikovs obscurantistes!
Cela fait plus de 2 ans que Saber a lancé son audacieuse opération et il risque la mort chaque jour pour apporter des livres à des centaines d'enfants.
Depuis, il a monté une association, “ChildFoundation2015“ et son stock de livres a considérablement grossi. Des journaux internationaux ont même publié quelques articles sur lui.
Il n'en tire aucune gloriole. Loin de là. Ce qu'il désire juste au plus profond de lui, c'est pouvoir continuer à faire ce qu'il fait. Continuer à avoir la force de pédaler dur sur les sentiers escarpés des montagnes afghanes. Continuer à rester extrêmement vigilant pour pouvoir échapper aux djihadistes! Et continuer à sauver des milliers d'enfants de l'obscurantisme taliban.
Quand on lui demande s'il perd le moral, de temps en temps, il répond de suite, fier comme un afghan: “ Jamais!“
Quand on lui demande si ce n'est pas trop dur physiquement, s'il n'est pas à bout de forces, parfois, il détourne le regard et murmure: “Oui, souvent…”
Mais il se reprend bien vite et ajoute: “Mais que ma fatigue, même extrême, disparait lorsque j'aperçois, au détour d'un sentier, ces dizaines d'enfants, petits et grands qui m'attendent les yeux pleins d'espoir! Et que je me sens heureux et me moque du danger quand je vois leurs sourires et leurs visages éclairés devant les livres que je viens de faire des centaines de kilomètres pour leur apporter!“
Saber, mon ami, mon frère, je te serre contre moi et je t'embrasse - nous t'embrassons - de tout notre coeur.
A partager le plus largement possible, mes amies et amis!
Partager, c'est déjà agir.
Par Pierre MARTIAL
A lire sur pierremartial.com
Immédiatement une trentaine d'enfants, garçons et filles, qui jouaient paisiblement devant une modeste maison transformée en école, partent en courant.
"Vite, vite, cachez-vous! hurle-t-elle.
Les plus grands portent les plus petits, les plus costauds entrainent les plus faibles. On essaye de se dissimuler où l'on peut, derrière un muret, dans un fossé ou au fond d'un trou, tandis que l'institutrice tente de faire disparaitre en un instant toute trace de son crime: celui d'enseigner!
Là-bas, à quelques centaines de mètres, sur la route qui mène au village, arrive un homme inconnu, tout de noir vêtu. Il pédale de toutes ses forces sur un vélo supportant une grosse boite métallique à l'arrière. La femme a crû y reconnaitre un de ces vélos piégés que les talibans utilisent régulièrement pour tuer, ici et là, instituteurs et écoliers.
Pour ces barbares, la lecture, la culture et l'éducation - en particulier celles des jeunes filles et des femmes - est un affront à leur idéologie qu'ils punissent irrémédiablement de mort.
Mais l'homme au vélo n'est pas un taliban! Loin de là! Il est au contraire un de leurs ennemis acharnés! Et jouant en permanence à cache-cache avec la mort, il approvisionne chaque semaine de nombreuses écoles en livres et les enfants l'attendent partout le coeur battant!
Jeune instituteur au grand coeur, natif de la ville de Bamyan, Saber Hosseini a longtemps souffert de savoir que des milliers d'enfants vivant dans les villages reculés de cette région, pour la plupart encore sous la coupe des talibans, n'avaient accès ni à l'éducation, ni aux livres.
Chaque jour, il en parlait autour de lui, à ses amis et à ses collègues: “Il faut absolument les aider, disait-il! Les soutenir! Leur distribuer des livres!“
Ici et là, on acquiestait poliment, puis on haussait tristement les épaules. “Tu as raison bien sûr, mais que peut-on faire, alors même que les autorités se déclarent impuissantes?“
Sadigh Sadighi, porte-parole du ministère de l’Intérieur de la République islamique d'Afghanistan le confirme en personne : “Certes, notre priorité est de sécuriser les écoles mais nous ne pouvons pas, hélas, déployer l’armée ou la police à chaque coin de rue..."
Résultat: en un an, les talibans afghans ont commis plus de 130 attentats contre des écoles et se sont rendus coupables de la fermeture de 400 d'entre elles.
Une situation intolérable pour le jeune et passionné Saber qui, envers et contre tous, décide, un beau matin, d'entrer en résistance contre cet état de fait. Seul, peut-être! Avec ses petits moyens, peut-être! Mais de tout son coeur! Et avec une farouche détermination!
D'abord rassembler un premier stock de livres adaptés aux enfants.
Ce ne fut pas un gros problème pour Saber. Car, mises au courant du projet, de nombreuses personnes vinrent lui en apporter. Il en eu très vite plus de 200. Largement de quoi bien commencer son action.
La difficulté fut plutôt de déterminer et de mettre en place un moyen de transport discret et efficace.
Une voiture, n'en parlons pas! Le jeune instituteur n'a pas les moyens d'en avoir une.
Une moto? L'idée pourrait être intéressante mais l'engin serait vite repérée dans ces régions très pauvres.
A pied, alors? Impossible pour accèder à des villages situés à des dizaines kilomètres les uns des autres.
C'est alors que Saber eut l'idée la plus lumineuse et symbolique qui soit!
Un vélo! Voila ce qu'il lui fallait! Un vélo!
Ce moyen de locomotion passe inaperçu sur les chemins de montagne. Il permet de se faufiler discrètement partout et il ne demande pas grand moyen. D'ailleurs, Saber en a déjà un!
De surcroit, il est hautement symbolique! C'est en effet avec des vélos piégés que les talibans commettent la plupart de leurs attentats contre les écoles!
C'était décidé! Saber allait contre-attaquer les talibans avec un vélo piégé! Mais piégé avec des livres! Des livres soigneusement dissimulés dans une grande boite métallique rouge vissée sur le porte-bagage!
Un vélo devenu désormais “arme d'instruction massive” contre les kalachnikovs obscurantistes!
Cela fait plus de 2 ans que Saber a lancé son audacieuse opération et il risque la mort chaque jour pour apporter des livres à des centaines d'enfants.
Depuis, il a monté une association, “ChildFoundation2015“ et son stock de livres a considérablement grossi. Des journaux internationaux ont même publié quelques articles sur lui.
Il n'en tire aucune gloriole. Loin de là. Ce qu'il désire juste au plus profond de lui, c'est pouvoir continuer à faire ce qu'il fait. Continuer à avoir la force de pédaler dur sur les sentiers escarpés des montagnes afghanes. Continuer à rester extrêmement vigilant pour pouvoir échapper aux djihadistes! Et continuer à sauver des milliers d'enfants de l'obscurantisme taliban.
Quand on lui demande s'il perd le moral, de temps en temps, il répond de suite, fier comme un afghan: “ Jamais!“
Quand on lui demande si ce n'est pas trop dur physiquement, s'il n'est pas à bout de forces, parfois, il détourne le regard et murmure: “Oui, souvent…”
Mais il se reprend bien vite et ajoute: “Mais que ma fatigue, même extrême, disparait lorsque j'aperçois, au détour d'un sentier, ces dizaines d'enfants, petits et grands qui m'attendent les yeux pleins d'espoir! Et que je me sens heureux et me moque du danger quand je vois leurs sourires et leurs visages éclairés devant les livres que je viens de faire des centaines de kilomètres pour leur apporter!“
Saber, mon ami, mon frère, je te serre contre moi et je t'embrasse - nous t'embrassons - de tout notre coeur.
A partager le plus largement possible, mes amies et amis!
Partager, c'est déjà agir.
Par Pierre MARTIAL
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