Revers électoraux pour les partis d’extrême droite en Allemagne et en Finlande
Le parti d’extrême droite AfD a perdu son pari de remporter une deuxième circonscription, lors d’une élection locale dans le district de Saale-Orla, dans la région de Thuringe. Son candidat, Uwe Thrum, a obtenu 47,6 % des voix au second tour du scrutin dimanche 27 janvier, améliorant d’à peine 1,9 point son score du premier tour et cédant la première place à son rival conservateur, Christian Herrgott, qui a bénéficié d’un meilleur report des voix, étant crédité de 52,4 %.

Le chef de la minorité parlementaire CDU du Land, Mario Voigt, a remercié les électeurs “pour ce vote fort”, estimant qu’il s’agissait d’un “bon et important jour” pour la Thuringe, rapporte le quotidien conservateur Die Welt. “Ensemble, alliés avec les citoyens, nous avons la force de vaincre la prétendue alternative de Höcke [le responsable local de l’AfD]”, a-t-il clamé. Quant aux Verts, ils ont estimé que ce résultat était dû à “la forte participation électorale et à la mobilisation de la société civile”.

Cette élection, sans grand enjeu, était considérée comme “un premier test d’opinion” avant les prochaines élections régionales cet automne, en Thuringe, en Saxe et dans le Brandebourg, explique la Süddeutsche Zeitung. Dans ces Länder, l’AfD fait actuellement figure de favori, pointant récemment à plus de 30 % dans certains sondages.

Et ce malgré les accusations à son encontre. Le quotidien bavarois précise en effet que la branche thuringeoise de l’AfD est “surveillée” de près par l’Office fédéral de protection de la Constitution, le service de renseignement intérieur, chargé notamment des groupes extrémistes potentiellement dangereux. Le 10 janvier, le média d’investigation Correctiv a révélé que des responsables de l’AfD avaient participé à une réunion, dans une villa à Potsdam, et y avait discuté, aux côtés d’idéologues controversés (notamment des néonazis), de projets d’expulsion massive d’immigrés, y compris de citoyens allemands.

“Comment combattre l’AfD ?”

C’est dans ce contexte que, ces dernières semaines, “des centaines de milliers de personnes dans toute l’Allemagne sont descendues dans la rue contre l’extrémisme de droite”, rappelle la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Rien qu’à Düsseldorf ce week-end, près de 100 000 personnes ont manifesté. Et la semaine dernière, en Thuringe, “une large coalition de plus de 3 400 communes, associations, entreprises, églises et particuliers” s’est présentée au public en tant que “Thuringe cosmopolite”, avec l’objectif de lutter contre l’intolérance.

Mais la question demeure : “Comment combattre l’AfD ?” se demande Die Zeit dans un long éditorial publié juste après l’annonce des résultats. Sans remettre en cause la légitimité et le caractère salvateur des récentes manifestations, l’hebdomadaire de centre gauche juge qu’“on ne combat pas l’AfD en combattant l’AfD”, mais “en menant des politiques différentes”. Et pas seulement “une politique migratoire différente”, mais une autre politique économique, rompant avec la sacro-sainte “austérité budgétaire” qui a donné le pouvoir à des “technocrates sans légitimité démocratique, adhérant aux instructions de Bruxelles et au verdict des marchés”.

L’éditorialiste conclut son attaque en règle contre le néolibéralisme en avertissant que si les élus allemands “n’agissent pas politiquement, s’ils ne tiennent pas compte des recherches historiques et économiques […], les manifestations de masse contre l’AfD n’auront probablement aucun effet durable sur les élections”. Et de citer en exemple la Suède, où l’extrême droite fait déjà partie de la coalition gouvernementale.

Échec de l’extrême droite en Finlande

Mais il aurait également pu citer la Finlande. Dans ce pays scandinave dirigé par les conservateurs, l’extrême droite et le centre droit s’est tenu dimanche le premier tour de l’élection présidentielle, qui a vu l’ancien Premier ministre conservateur Alexander Stubb et l’ancien ministre des Affaires étrangères soutenu par les Verts Pekka Haavisto se qualifier pour le second tour, le 11 février, avec respectivement 27,2 % et 25,8 % des voix. La troisième place est occupée par Jussi Halla-aho, candidat d’extrême droite du Parti des Finlandais, qui a réalisé un score insuffisant, mais non négligeable, de 19 %, rapporte le site du groupe de radiotélévision public YLE.

Selon les sondages réalisés avant le jour du scrutin, cités par le quotidien Helsingin Sanomat, le candidat de centre droit Alexander Stubb “est le favori pour devenir le prochain président”, mais il ne devrait pas encore être déclaré vainqueur, “tant le résultat du premier tour a été serré”. Les deux prochaines semaines de campagne devraient ainsi permettre de “faire ressortir de nouveaux traits de caractère chez les candidats”.

Et l’enjeu est énorme car, comme l’écrit le plus grand quotidien finlandais, “la tâche principale des présidents finlandais, non inscrite dans la Constitution, a toujours été de maintenir la Russie de l’autre côté de la frontière”. Or depuis la guerre en Ukraine et l’adhésion de la Finlande à l’Otan, le danger n’est plus hypothétique. Et alors qu’ils ont tous deux affiché la plus grande fermeté face à ce voisin encombrant, “ce sont leurs valeurs et leurs personnalités” qui les départageront auprès des électeurs, prévoit Helsingin Sanomat.

Publié le 29/01/2024
A lire sur le site Courrier International