La victoire du pot de terre LVMH perd deux procès contre la CGT et des associations qui avaient envahi la Samaritaine
«Gagner face à l’homme le plus riche du monde, ça n’arrive pas tous les jours !» Le porte-parole du Droit au logement (DAL), Jean-Baptiste Eyraud, ne masque pas la satisfaction un peu taquine auprès de Libé. Son association ainsi que celle d’Action contre le chômage (AC !) et des fédérations CGT Chômeurs et Spectacle avaient été assignées en justice par l’entreprise DFS, filiale de LVMH, pour leur occupation de la Samaritaine, en février lors de la réforme des retraites, et en décembre 2022 pour la CGT Chômeurs, qui s’est payé le luxe d’être convoquée deux fois… Et de gagner à chaque fois.

Le tribunal judiciaire de Paris a débouté mardi l’entreprise pour ses deux demandes, et lui a ordonné de s’acquitter de 3 000€ auprès des associations et syndicats, d’après les ordonnances que Libération a pu consulter ce mercredi 26 juillet.

La succursale du groupe de luxe de Bernard Arnault estimait que les envahissements militants du grand magasin parisien, dont elle a la gestion, avaient plongé ses employés «dans la peur». Celle que ce genre d’action «d’une extrême violence» (pourtant pacifique, lors de l’action de février, et avec des bris matériels et des bousculades en décembre 2022) ne se réitère. C’est ce que son avocat avait défendu lors de l’audience l’opposant aux associations et fédérations CGT en juin. Avant d’exiger qu’une astreinte de 2 000 euros par jour et par personne soit ordonnée à chaque nouvelle intrusion.

Une demande rare, «qu’on ne voit que dans des cas très particuliers [comme] des grèves dures avec occupation, sabotage ou séquestration», avait alors souligné auprès de Libé l’avocat de la CGT, d’AC ! et du DAL.

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Dans son ordonnance rendue sur la procédure visant les quatre associations et syndicats, la juge des référés a pourtant estimé que «la société requérante [DFS] craint une réitération de l’occupation illicite du magasin [mais] ne produit aucune pièce démontrant que de telles actions sont annoncées ni prévisibles à bref délai, de sorte qu’elle n’établit pas la preuve […] d’un dommage imminent».

Même topo dans la seconde ordonnance, où seule la CGT Chômeurs était visée, puisqu’elle statue que «l’imminence» d’un «trouble manifestement illicite, ou d’un dommage hypothétique […] n’est pas établie». En bref : la «peur» dépeinte par la filiale de LVMH est jugée infondée. Contacté, le cabinet d’avocat représentant l’entreprise n’a pas, pour le moment, souhaité communiquer sur son éventuelle volonté de faire appel.

«Satisfait», le porte-parole du DAL Jean-Baptiste Eyraud déplore tout de même, chez les grandes entreprises, «une volonté de judiciariser les actions militantes et les coups de gueule pacifiques qui émanent des mouvements sociaux». Pari doublement perdant pour LVMH.

Par Léna Coulon (publié le 26/07/2023)
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