La Grèce légalise le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe
C’est le premier pays à majorité orthodoxe à légaliser le mariage civil entre personnes de même sexe. Le Parlement grec a adopté, jeudi 15 février au soir, à une large majorité un projet de loi sur le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe − une réforme sociétale majeure face à l’opposition farouche de l’Eglise orthodoxe.

Porté par le parti de droite au pouvoir, Nouvelle Démocratie, du premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, le texte a été approuvé par 176 des 254 députés présents au Parlement à l’issue de deux jours de débat parfois houleux. Deux députés se sont abstenus.

M. Mitsotakis a salué « un tournant pour les droits de l’homme » dans un « pays progressiste et démocratique, passionnément attaché aux valeurs européennes » au moment où le Parlement européen, dans une récente résolution, s’est alarmé « des menaces très graves qui pèsent sur la démocratie, l’Etat de droit et les droits fondamentaux en Grèce » notamment autour du recul de la liberté de la presse.

Au moment de l’annonce du résultat, des dizaines de personnes, brandissant des drapeaux arc-en-ciel, ont laissé éclater leur joie devant le Parlement, dans le centre d’Athènes. Pour les associations LGBT+, la Grèce a vécu avec ce vote « une journée historique », selon Adriana Zahari, une étudiante de 22 ans présente devant le Parlement. « Nous sommes si heureux de ce résultat, nous l’attendions depuis si longtemps », s’est félicitée la jeune femme.

Soutien de l’opposition de gauche

L’adoption du projet de loi ne faisait guère de doutes en raison du soutien de plusieurs partis d’opposition de gauche. Mais le premier ministre était confronté à la rébellion de l’aile la plus conservatrice de son parti Nouvelle-démocratie (ND) opposée à cette réforme.

Confortablement réélu l’an dernier, le conservateur a fait du mariage entre personnes du même sexe une mesure phare de son deuxième mandat. « A partir de demain une barrière de plus entre nous [les citoyens] sera supprimée et deviendra un pont de coexistence dans un Etat libre entre citoyens libres », avait-il promis lors d’une intervention devant les députés avant le vote.

Cette loi « améliore considérablement la vie de nos concitoyens » homosexuels et de leurs enfants, avait-il aussi jugé, rappelant qu’il s’agissait d’« une réalité sociale existante » et qu’en votant pour le mariage homosexuel, les députés allaient lever « une grave inégalité pour notre démocratie ». Depuis 2015, la Grèce dispose d’une union civile mais elle n’offre pas les mêmes garanties juridiques que le mariage civil.

Le premier ministre avait également insisté sur la nécessité de mettre un terme à des situations ubuesques en ce qui concerne l’homoparentalité. Car jusqu’à présent, seul le parent biologique dispose de droits sur l’enfant. En cas de décès de celui-là, l’Etat retire la garde à l’autre parent. Et les enfants de deux pères ne peuvent pas obtenir de papiers d’identité, le nom d’une mère étant obligatoire à l’état civil.

Certains ont toutefois déploré que le projet de loi n’accorde pas la gestation pour autrui (GPA) aux couples homosexuels.

Vif débat sur l’homoparentalité

L’essentiel de l’âpre débat qui a agité le pays ces dernières semaines a concerné la question de l’homoparentalité. Les études d’opinion ont montré que les Grecs étaient plutôt favorables au mariage homosexuel mais opposés à l’adoption par les couples de même sexe.

Dans un pays à une écrasante majorité orthodoxe, l’Eglise s’est totalement opposée au projet. « Les enfants ont un besoin inné et donc le droit de grandir avec un père de sexe masculin et une mère de sexe féminin », assure le Saint-Synode qui a adressé une missive à tous les députés.

Mais seuls 4 000 opposants environ, emmenés notamment par Niki, le parti d’extrême droite proche de la Russie, se sont retrouvés dimanche devant le Parlement, brandissant des icônes de la Vierge et des croix chrétiennes.

Symbole du changement en cours au sein de la société, en septembre, Stefanos Kasselakis qui affiche publiquement son homosexualité et s’est récemment marié aux Etats-Unis à son partenaire, a pris les rênes du parti de gauche Syriza, première force d’opposition au parlement.

Par Le Monde avec AFP (publié le 15/02/2024)
A lire sur le site Le Monde