Cité Air Bel : on ne peut pas empoisonner les pauvres impunément
Est-il légitime d'empoisonner les habitants d'une cité ? À Air-Bel de Marseille, la légionellose sévit depuis 2001. Le combat des habitants de la cité, emmenés par trois femmes exceptionnelles, a permis de condamner les bailleurs le 22 décembre 2023. Toute contagion face à cette décision de justice sera la bienvenue. Le jugement prouve qu'aucune bataille n'est perdue d'avance.

1200 familles, soit 6000 habitants, habitent la cité Air Bel située à l'est de Marseille. 50% de cette population vit en dessous du seuil de pauvreté. Trois bailleurs sociaux, Erilia, Logirem, et Unicil, administrent la cité.

Les faits obligent à dire qu'en règle générale, même quand les puissants ont tort, ils ont finalement raison. Pourquoi ? D'abord parce qu'ils sont puissants, ensuite et surtout parce qu'une propagande aussi insidieuse que bien menée décourage toute velléité de s'opposer à eux.

À quoi bon se battre quand on est sûr de perdre ? Le 22 décembre, le tribunal a condamné Les bailleurs d'Air-Bel pour trouble de jouissance exposant les habitants à un risque manifeste pouvant porter atteinte à la santé. Aujourd'hui, 12 dossiers sur 273 ont été retenus pour être indemnisés.

Cette victoire, les habitants la doivent principalement à trois femmes : Djamila Aouache, présidente de l'association "il fait bon vivre dans ma cité", Rania Aougaci, coordinatrice du collectif des locataires, et à Soraya Slimani, leur avocate. La pugnacité de ces femmes n'a d'égale que leur intelligence, leur expertise et leur esprit de solidarité.

2001 : un premier cas de légioncellose est signalé dans la cité. Silence radio. 2011, Halia, la soeur de Djamila, est contaminée, elle en supporte encore les séquelles. 2017 : Djamel, le frère de Djamila, est à son tour atteint, il en meurt. Imaginez ce qu'ont pu vivre les habitants de la cité quand l'eau du robinet coule noire, brune, gorgée de saletés ?

Pour toute réponse, les bailleurs ont chloré l'eau à un niveau inadmissible. Imaginez vos enfants fermant la bouche quand ils prennent une douche de peur d'absorber une eau polluée. Face à ce mépris du peuple, les locataires d'Air Bel  n'ont jamais baissé les bras. Djamila, Rania, Soraya pour les plus connues, les ont galvanisés.

Le 22 décembre fera date dans l'histoire populaire de Marseille et de la justice.

Même si les indemnisations ne sont pas à la hauteur de ce qui était espéré, le jugement prouve qu'aucune bataille, si elle est menée, n'est perdue d'avance.

D'autres cas de légionellose ont été signalés à Marseille. Le jugement du 22 Décembre pourrait faire tâche d'huile. D'autres procès sont en cours. Le premier concerne la mort de Djamel, le deuxième prend à partie Djamila, sa soeur, qui, devant le président Macron, a osé traiter les bailleurs d'assassins. Elle est poursuivie pour diffamation. Aujourd'hui, a justice a fait son travail. Honneur aux combattantes et combattants d'Air Bel, Marseille leur doit beaucoup.

Par François Bernheim (publié le 26/12/2023)
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