Cette jeune Kényane a sauvé de l’excision et du mariage forcé plus de 1.000 fillettes
Récemment, Le Monde a dressé le portrait de Josephine Kulea, une jeune Kényane qui a fait de sa vie un combat puissant pour la scolarisation des filles africaines et contre les pratiques de mutilation génitales traditionnelles en Afrique. L’article revient notamment sur le discours à la jeunesse de Barack Obama de 2015 à Nairobi où ce dernier a mentionné la jeune fille en liant son nom à un mot très spécial pour le leader des États-Unis : l’espoir.

Josephine Kulea : héroïne des temps modernes

Depuis déjà plusieurs années, Josephine Kulea, âgée de 32 ans et née dans une famille polygame de 3 femmes et 15 frères et sœurs continue d’impressionner la scène internationale. En 5 ans seulement, elle a sauvé plus de 1 000 jeunes filles de l’excision et du mariage forcé afin de les scolariser et de leur offrir un avenir. Issue de la tribu Samburu, elle a fondé il y a quatre ans la SGF (Samburu Girls Foundation), cette organisation a pour but de secourir les jeunes filles kényanes à travers le pays et de changer les mentalités ancrées dans des traditions ancestrales. Avec ses 200 000 membres, la tribu Samburu vit sur des terres arides aux alentours des déserts somalis ; le plus souvent bergers de profession, ce sont plus de 7 personnes sur 10 qui sont touchées par l’illettrisme et la pauvreté. Parmi les nombreuses traditions qui font foi en Afrique, l’excision et le mariage forcé des jeunes filles, dès leur plus jeune âge, sont des symboles culturels et religieux très complexes à contester et à altérer. Josephine Kulea parle aussi de la pratique du « perlage » qui consiste à faire porter un collier tressé de perles aux jeunes filles (dès 6 ans) qui autorise à un « fiancé » désigné d’avoir des rapports sexuels avec elle lorsqu’il en a envie. Ces pratiques font de la femme un objet sexuel et la dénature de son espèce humaine.
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Le prix à payer du combat

Comme bon nombre de combats, le prix à payer est souvent le prix fort. En effet, Josephine Kulea reçoit des appels aux secours au quotidien de femmes, de mères de familles ou de jeunes filles au dernier moment. Elle a souvent dû interrompre des cérémonies de mariages ou d’excisions. Ces opérations puissantes sont aussi dangereuses qu’efficaces, les filles peuvent trouver refuge au centre de la SGF avant d’être scolarisées et réintégrées dans un tout nouveau système. Menaces de morts et actes violents font partie du prix à payer pour sauver toutes ces jeunes filles des griffes de traditions cruelles. Le centre de la SGF prend également soin des nourrissons nés des viols lors du « perlage », 45 pour le moment. Si la mère de Josephine Kulea secourait déjà des jeunes filles de leurs mariages forcés, sa propre famille a organisé des cérémonies traditionnelles pour implorer sa mort auprès de Dieu. En effet, le premier sauvetage qu’elle a effectué après le sien, a eu lieu en 2008, après ses études auprès de sa petite cousine qui allait être mariée à un sexagénaire. Cette intervention seulement un jour avant le mariage lui a valu d’être haïe par les membres de sa communauté. Elle explique avoir continué ses sauvetages en piochant dans son salaire pour payer la scolarité de ses petites rescapées, le tout sans aucune aide extérieure provenant de l’État ou de l’Église. En effet, si les mutilations génitales sont aujourd’hui interdites au Kenya et même critiquées par les différentes communautés religieuses, les pratiques sont tellement ancrées que si ces institutions se mobilisent, elles risqueraient de perdre des électeurs et des fidèles.
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L’excision : cruauté au nom des traditions

Le dernier rapport de l’UNICEF est le premier rapport qui a recueilli autant de données sur cette pratique dans 29 pays d’Afrique et du Moyen Orient. Ce rapport a permis de mettre en lumière l’ampleur de cette coutume, les comportements qui l’entourent et les raisons pour lesquelles elle continue d’exister. Aujourd’hui, on ne compte pas moins de 200 millions de victimes dans le monde dont près de la moitié vivent en Égypte, en Éthiopie et en Indonésie. « La Somalie, la Guinée et Djibouti restent les pays avec le taux de mutilation le plus élevé : 98 % des filles subissent des mutilations génitales dans le premier, 97 % dans le second et 93 % dans le troisième (…) le taux a en revanche régressé dans une trentaine de pays, dont le Liberia ou le Burkina Faso ». Cette tradition d’excision consiste à priver la femme de son clitoris et de ses petites lèvres, elles peuvent aussi être cousues entre elles, elle permettrait selon les croyances de réguler l’appétit sexuel de la femme, jugé trop important et aussi de préserver la femme vierge pour son mari, qui, lors de la nuit de noce peut défaire les coutures qui tiennent les lèvres ensemble. Fun night. En plus des morts occasionnées par une trop grande perte de sang, des problèmes sanitaires et d’accouchement terribles, la femme est sans son consentement, dès son plus jeune âge injustement mutilée et considérée comme un objet, propriété de l’homme. On se rappelle avec émotion, l’histoire de la jeune mannequin Waris Dirie qui avait rencontré un succès glaçant et retentissant suite à la sortie de son livre et de son film « Fleur du Désert » qui explique son parcours en tant que jeune femme excisée puis expatriée.

Dix ans après, la courbe commence à s’inverser

Aujourd’hui, les initiatives se multiplient afin de combattre ce phénomène barbare en éduquant les populations, en sauvant les jeunes filles et en opérant les femmes excisées. Cinq pays africains ont d’ailleurs adopté des lois qui criminalisent l’excision : le Kenya, l’Ouganda, la Guinée-Bissau et plus récemment le Nigéria et la Gambie. Les voix s’élèvent et apprennent aux jeunes filles à dire non, aux hommes et aux familles les dangers de l’excision pour les femmes et les jeunes filles. Dans un article du Monde, le docteur burkinabé Akotionga déclare « L’argument traditionaliste ne tient pas. Nous nous sommes déjà défaits d’autres traditions moins dangereuses. Avant, pour se distinguer, les 60 ethnies du Burkina Faso se scarifiaient le visage. Plus personne ne le fait aujourd’hui. Les gens se limaient les dents en pointe pour ressembler aux félins. Une tradition abandonnée elle aussi. Pourquoi garder l’excision ? Une coutume qui rend malade ou tue n’est pas une bonne coutume. », cette vision des choses est une des façons de penser que des associations groupes et leaders tentent d’inculquer progressivement aux populations.

Le combat est loin d’être gagné avec les 30 millions d’excisions prévues annoncées par l’UNICEF dans les 10 années à venir, mais l’évolution positive suit son cours ; « Dans les centres urbains, les mariages forcés et les mutilations diminuent ou ne se font plus en plein jour », se réjouit Josephine Kulea pour Le Monde avant de rappeler que « malgré tout, à la campagne, les trois quarts des filles sont toujours mariées de force ». Bien sûr que des traditions ancrées ne disparaissent pas d’un claquement de doigt mais grâce aux merveilleux outils que sont la communication et l’éducation ainsi que des figures déterminées telles que Josephine Kuela, les mentalités commencent à évoluer.

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