04 Nov 2024
La dernière centrale électrique au charbon du Royaume-Uni ferme ce lundi, une première dans les pays du G7. Pour ses riverains, c’est la disparition d’un repère historique, mais ils se disent « prêts à aller de l’avant ».
Depuis les fenêtres du train, elles s’imposent au passager. Huit tours massives de béton de la centrale électrique au charbon de Ratcliffe-on-Soar sont, depuis 56 ans, le repère des habitants du Nottinghamshire, au cœur de l’Angleterre.
« Quand on arrive de l’autoroute, on les aperçoit à environ 10-15 miles. On sait alors qu’on est proches de la maison. C’est un peu notre tour Eiffel », dit Sid. Attablé à un pub, ce commerçant de la petite ville voisine de Beeston, souhaiterait que le paysage reste inchangé : « C’est purement sentimental. » « Il faut faire la place au progrès, non ? » lui sourit Colin, son compagnon de pinte.
Car les huit tours sont promises à la disparition. La centrale à charbon, la dernière en activité du Royaume-Uni, cesse définitivement de fonctionner ce lundi 30 septembre. Uniper, son propriétaire allemand, s’apprête à enclencher la phase d’après : le démantèlement, un processus qui durera deux ans, puis la démolition, qui sera progressive jusqu’à 2030.
Pour les habitants, une page se tourne. Le charbon fut autrefois roi dans les East Midlands. À son apogée, la région comptait près de 80 mines. Elles alimentaient la vingtaine de centrales environnantes qui se sont multipliées dans les années 1960 et 1970.
Ray State, 82 ans, était chargé de la surveillance des trains qui transportaient le charbon. « C’était un travail très sale. Lorsque le train déraillait, nous étions ensevelis sous la poussière de charbon », raconte-t-il, ajoutant ne pas être « nostalgique ».
« J’étais fier de travailler dans cette industrie »
De son côté, Roy Fardell, 87 ans, a les yeux qui s’animent lorsqu’il évoque devant son neveu ses 23 années de labeur dans la centrale. « J’étais fier de travailler dans cette industrie parce que le Royaume-Uni était le leader européen dans la production d’électricité, se souvient-il. La direction organisait des visites pour les étrangers. »
Le changement climatique n’était alors « pas un sujet ». La centrale fournissait en électricité 2 millions de foyers dans la région et employait 3 000 personnes, réduites aujourd’hui à 350.
L’abandon du charbon a été progressif. Dès les années 1960, le Royaume-Uni a fermé ses mines les unes après les autres. En cause, des coûts de production trop élevés par rapport aux importations. Puis, les dégâts environnementaux du charbon devenant une évidence, le pays s’est tourné vers d’autres sources d’énergie, comme le gaz, et, de plus en plus, les éoliennes et le solaire. S’il produisait encore 80 % de l’électricité en 1990, le chiffre est tombé à 1 % en 2023.
« Cette fermeture était inéluctable, cela fait vingt ans que nous nous y préparons », dit Paul Burns, en charge des rencontres au club de cricket de Thrumpton, un village voisin verdoyant, qui se souvient avec plaisir de matchs organisés avec les employés Uniper. « J’espère que le site deviendra une source d’emploi pour les jeunes et qu’il se convertira dans les énergies vertes », poursuit-il.
Si Uniper entend transformer la centrale en un « centre technologique et d’énergie sans carbone pour les East Midlands », aucun projet n’est arrêté. Pour le président conservateur du conseil municipal de Rushcliffe, Neil Clarke, « des dizaines de milliers d’emplois pourraient être créés ».
Un nouvel espoir pour l’économie
Et ce d’autant que le site est situé dans l’une des douze zones franches du Royaume-Uni — bénéficiant d’avantages fiscaux pour les investisseurs — mises en place suite au Brexit pour dynamiser l’économie. « C’est la seule située à l’intérieur des terres », se félicite M. Clarke.
L’entreprise Uniper, propriétaire des lieux, a exprimé son intention de transformer la centrale en un « centre technologique et d’énergie sans carbone ».
Dans le Nottinghamshire, l’heure n’est ni à la déprime, ni à la colère, ni aux revendications. Idéalement située au centre du pays, la région a toujours bénéficié d’une économie diversifiée : elle accueille à Derby le centre aérospatial de Rolls-Royce, le siège social de Boots (une entreprise pharmaceutique) à Beeston ou encore l’usine Fred Perry à Leicester, où le tout premier polo est né.
Toutefois, les habitants devront trouver d’autres repères dans le paysage. « C’est la fin d’une époque, conclut Roy Fardell, et je serai présent lorsque les tours seront dynamitées. Maintenant, il faut aller de l’avant. »
Lire sur le site de Reporterre (Par Laure Van Ruymbeke 30 septembre 2024 )
Depuis les fenêtres du train, elles s’imposent au passager. Huit tours massives de béton de la centrale électrique au charbon de Ratcliffe-on-Soar sont, depuis 56 ans, le repère des habitants du Nottinghamshire, au cœur de l’Angleterre.
« Quand on arrive de l’autoroute, on les aperçoit à environ 10-15 miles. On sait alors qu’on est proches de la maison. C’est un peu notre tour Eiffel », dit Sid. Attablé à un pub, ce commerçant de la petite ville voisine de Beeston, souhaiterait que le paysage reste inchangé : « C’est purement sentimental. » « Il faut faire la place au progrès, non ? » lui sourit Colin, son compagnon de pinte.
Car les huit tours sont promises à la disparition. La centrale à charbon, la dernière en activité du Royaume-Uni, cesse définitivement de fonctionner ce lundi 30 septembre. Uniper, son propriétaire allemand, s’apprête à enclencher la phase d’après : le démantèlement, un processus qui durera deux ans, puis la démolition, qui sera progressive jusqu’à 2030.
Pour les habitants, une page se tourne. Le charbon fut autrefois roi dans les East Midlands. À son apogée, la région comptait près de 80 mines. Elles alimentaient la vingtaine de centrales environnantes qui se sont multipliées dans les années 1960 et 1970.
Ray State, 82 ans, était chargé de la surveillance des trains qui transportaient le charbon. « C’était un travail très sale. Lorsque le train déraillait, nous étions ensevelis sous la poussière de charbon », raconte-t-il, ajoutant ne pas être « nostalgique ».
« J’étais fier de travailler dans cette industrie »
De son côté, Roy Fardell, 87 ans, a les yeux qui s’animent lorsqu’il évoque devant son neveu ses 23 années de labeur dans la centrale. « J’étais fier de travailler dans cette industrie parce que le Royaume-Uni était le leader européen dans la production d’électricité, se souvient-il. La direction organisait des visites pour les étrangers. »
Le changement climatique n’était alors « pas un sujet ». La centrale fournissait en électricité 2 millions de foyers dans la région et employait 3 000 personnes, réduites aujourd’hui à 350.
L’abandon du charbon a été progressif. Dès les années 1960, le Royaume-Uni a fermé ses mines les unes après les autres. En cause, des coûts de production trop élevés par rapport aux importations. Puis, les dégâts environnementaux du charbon devenant une évidence, le pays s’est tourné vers d’autres sources d’énergie, comme le gaz, et, de plus en plus, les éoliennes et le solaire. S’il produisait encore 80 % de l’électricité en 1990, le chiffre est tombé à 1 % en 2023.
« Cette fermeture était inéluctable, cela fait vingt ans que nous nous y préparons », dit Paul Burns, en charge des rencontres au club de cricket de Thrumpton, un village voisin verdoyant, qui se souvient avec plaisir de matchs organisés avec les employés Uniper. « J’espère que le site deviendra une source d’emploi pour les jeunes et qu’il se convertira dans les énergies vertes », poursuit-il.
Si Uniper entend transformer la centrale en un « centre technologique et d’énergie sans carbone pour les East Midlands », aucun projet n’est arrêté. Pour le président conservateur du conseil municipal de Rushcliffe, Neil Clarke, « des dizaines de milliers d’emplois pourraient être créés ».
Un nouvel espoir pour l’économie
Et ce d’autant que le site est situé dans l’une des douze zones franches du Royaume-Uni — bénéficiant d’avantages fiscaux pour les investisseurs — mises en place suite au Brexit pour dynamiser l’économie. « C’est la seule située à l’intérieur des terres », se félicite M. Clarke.
L’entreprise Uniper, propriétaire des lieux, a exprimé son intention de transformer la centrale en un « centre technologique et d’énergie sans carbone ».
Dans le Nottinghamshire, l’heure n’est ni à la déprime, ni à la colère, ni aux revendications. Idéalement située au centre du pays, la région a toujours bénéficié d’une économie diversifiée : elle accueille à Derby le centre aérospatial de Rolls-Royce, le siège social de Boots (une entreprise pharmaceutique) à Beeston ou encore l’usine Fred Perry à Leicester, où le tout premier polo est né.
Toutefois, les habitants devront trouver d’autres repères dans le paysage. « C’est la fin d’une époque, conclut Roy Fardell, et je serai présent lorsque les tours seront dynamitées. Maintenant, il faut aller de l’avant. »
Lire sur le site de Reporterre (Par Laure Van Ruymbeke 30 septembre 2024 )