31 May 2024
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré lundi 20 mai avoir demandé un mandat d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés commis dans la bande de Gaza. Le ministre de la Défense d’Israël, Yoav Gallant, ainsi que trois dirigeants du Hamas sont également dans le viseur de la CPI. Israël dénonce le « déshonneur historique » de la CPI.
« Sur la base des éléments de preuve recueillis et examinés par mon bureau, j'ai des motifs raisonnables de croire que Benyamin Netanyahu, le Premier ministre d'Israël, et Yoav Gallant, le ministre de la Défense d'Israël, portent la responsabilité pénale de crimes de guerre et crimes contre humanité commis sur le territoire de l'État de Palestine (dans la bande de Gaza) à partir du 8 octobre 2023 au moins », a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye.
Parmi les crimes présumés reprochés, il liste le fait « d'affamer délibérément des civils comme méthode de guerre », « de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile » ou encore « l'homicide intentionnel ». Les juges indépendants de la CPI devront déterminer si les conditions sont réunies pour délivrer des mandats d'arrêt, précise Karim Khan.
Trois dirigeants du Hamas sont également concernés par la requête : Ismaïl Haniyeh (chef du bureau politique du Hamas), Mohammed Diab Ibrahim al-Masri, plus connu sous le nom de Mohammed Deif, commandant des Brigades al-Qassam, branche armée du Hamas, et Yahya Sinwar, chef du mouvement dans Gaza. Les accusations portées contre ces dirigeants incluent « l'extermination », « le viol et d'autres formes de violence sexuelle » et « la prise d'otages en tant que crime de guerre ».
Une pression supplémentaire sur le Premier ministre israélien
Cette déclaration d’intention dérange les dirigeants israéliens. Car elle fait passer Israël pour un paria. « Et l'État hébreu ne souhaite pas être mis au ban des nations », confie l'avocat Yaakov Garson, spécialiste en droit international, selon qui « Israël n’a commis ni crime de guerre, ni crime contre l'humanité à Gaza ».
« Ce que le procureur dit, ajoute-t-il, c'est qu'il va accuser [les responsables israéliens], et il lui faut des éléments pour [les] accuser. Mais le niveau de preuves qu'il faut pour accuser n'est pas celui qu'il faut pour condamner. Et donc, je prédis que la condamnation ne se fera pas, faute de preuves sur l'intentionnalité. Parce que l'intentionnalité n'existe pas. »
Même si l'avocat reconnaît que la guerre à Gaza cause un désastre humanitaire, pour lui, « rien ne prouve que les responsables israéliens ont voulu délibérément tuer des civils gazaouis ». Même si depuis le début de la guerre, des ministres d’extrême droite israéliens appellent régulièrement à « raser Gaza » et à « éradiquer l’ensemble de sa population ».
Quoi qu'il en soit, si la CPI valide la requête de son procureur, Benyamin Netanyahu verrait son pire cauchemar se réaliser, commente notre correspondant à Jérusalem, Sami Boukhelifa. Ces dernières semaines, à la faveur de rumeurs concernant un éventuel mandat d'arrêt international à son encontre, il « a fait part de sa vive inquiétude à des responsables étrangers en visite en Israël », confie une source diplomatique occidentale à notre confrère.
Pour rappel, depuis le 8 octobre, au lendemain de l'attaque du Hamas contre Israël, l’État hébreu riposte violemment en ciblant l'ensemble du réduit palestinien. Des tonnes de bombes s'abattent chaque jour sur une population démunie. « Une guerre de vengeance, aveugle. Des bombardements aléatoires qui ont fait plus de 35 000 morts, majoritairement des femmes et des enfants », dénoncent les Palestiniens.
Mais pour rappel également, contrairement à plus de 120 pays dans le monde, Israël, comme les États-Unis, ne reconnaît pas la CPI. Tant qu'ils ne quittent pas le territoire de leur pays, M. Netanyahu et son ministre n'ont donc aucune crainte à se faire. Ils ne seront pas arrêtés, si cette requête du procureur Khan est validée par la CPI.
Côté Hamas, Sinwar et Deif sont supposément à Gaza, mais personne ne sait en réalité où ils se trouvent. Quant à Haniyeh, il se trouve entre le Qatar et la Turquie. Deux pays qui ne sont pas non plus des États parties au Statut de Rome et qui donc, en théorie, n'ont aucune obligation d'arrêter une personne visée par un mandat d’arrêt international se trouvant chez eux.
Pour le moment, ces mandats d'arrêt sont au stade de la simple requête. C'est une première étape. Ils n'ont aucune valeur tant qu'ils n'ont pas franchi la seconde étape, essentielle, à savoir être officiellement émis par la CPI, rappelle par ailleurs Me Yaakov Garson.
« Il faut bien comprendre que la déclaration du procureur est une déclaration d'intention, explique-t-il. Donc, ce n'est pas le procureur qui émet des mandats. Il n'a pas la compétence d'émettre un mandat d'arrêt. Le mandat d'arrêt est une décision judiciaire, qui doit être rendue par la Cour. »
« C'est une recommandation, les juges peuvent éventuellement suivre, mais de toute façon, sur le fond, ça ne changera pas grand-chose à la situation puisque ça avait été anticipé – plus ou moins explicitement d'ailleurs – par le chef du gouvernement israélien et que, de toute façon, Israël n'est pas signataire de la CPI », analyse également David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique, chercheur associé à l'Iris, rédacteur en chef de la revue Orients stratégiques.
Donc elle n'estimera pas être redevable de donner suite à la procédure, s'il y en a une.
Et le chercheur de poursuivre : « Ça va accentuer l'embarras américain, mais en même temps, d'une certaine manière, ça peut aussi faciliter un certain nombre de choses, notamment par rapport à une alternative éventuelle pour le Premier ministre, puisqu'on a vu que, au sein du cabinet de guerre, les tensions étaient devenues patentes. Il y avait eu d'abord le pavé dans la mare jeté par Yoav Gallant, mais qui est concerné par l'émission du mandat, mais surtout de Benny Gantz, qui a mis un ultimatum justement au Premier ministre pour proposer une alternative politique et une perspective stratégique, faute de quoi il démissionnerait. Donc c'est une pression supplémentaire sur la personne de Benyamin Netanyahu, même s'il montrera qu'il n'en a cure. Mais en réalité, c'est une pression supplémentaire effectivement. Et du point de vue des Américains, c'est à court terme un embarras éventuel sur le soutien. Mais en réalité, ça peut aussi rendre service dans la mesure où ça peut favoriser justement cette alternative. »
Réactions au vitriol du président américain et du Premier ministre israélien
La meilleure défense, c'est l'attaque. Joe Biden a déclaré ce lundi, dans un communiqué, que la demande du procureur de la CPI contre Benyamin Netanyahu était « scandaleuse », rien de moins. « Je vais être clair : quoi qu'insinue le procureur, il n'y a pas d'équivalence entre Israël et le Hamas, il n'y en a aucune », s'indigne le numéro un américain. « Nous nous tiendrons toujours aux côtés d'Israël contre les menaces à sa sécurité », conclut-il.
Son secrétaire d'État, Antony Blinken, dans un communiqué distinct, surenchérit : « Nous rejetons l'équivalence établie par le procureur entre Israël et le Hamas. C'est une honte. » Et d'ajouter qu'elle « pourrait compromettre » à ses yeux les pourparlers sur un cessez-le-feu à Gaza. « Le Hamas est une organisation terroriste violente qui a perpétré le pire massacre de juifs depuis l'Holocauste et qui retient encore des dizaines d'innocents en otage, y compris des Américains », insiste le chef de la diplomatie américaine, rappelant enfin que la Cour n'a « pas de juridiction » sur Israël.
M. Netanyahu a lui-même fait part de son malaise en termes crus, toujours par communiqué. Le chef du gouvernement israélien informe qu'il rejette « avec dégoût » les mandats d'arrêt réclamés contre lui et son ministre : « En tant que Premier ministre d'Israël, je rejette avec dégoût la comparaison du procureur de La Haye entre Israël », un pays « démocratique », rappelle-t-il, et « les meurtriers de masse du Hamas ». « C'est un déshonneur historique pour la Cour pénale internationale », s'insurge son ministre des Affaires étrangères.
Enfin, l'Allemagne est sur une ligne similaire, regrettant que la décision du procureur donne une « impression fausse d'équivalence » : « La demande simultanée de mandats d'arrêt contre les dirigeants du Hamas, d'une part, et contre les deux responsables israéliens, d'autre part, a donné l'impression fausse d'équivalence », indique en effet par communiqué le ministère allemand des Affaires étrangères, tout en soulignant respecter « l'indépendance » de la Cour.
Aux yeux de Berlin, le tribunal de la Haye « devra évaluer des faits très différents » : « Les dirigeants du Hamas sont responsables d'un massacre barbare au cours duquel, le 7 octobre, des hommes, des femmes et des enfants ont été sauvagement assassinés, violés et enlevés en Israël. Le Hamas continue de détenir des otages israéliens dans des conditions innommables, d'attaquer Israël à la roquette et d'utiliser la population civile de Gaza comme bouclier humain », expose la diplomatie allemande.
Source : RFI
« Sur la base des éléments de preuve recueillis et examinés par mon bureau, j'ai des motifs raisonnables de croire que Benyamin Netanyahu, le Premier ministre d'Israël, et Yoav Gallant, le ministre de la Défense d'Israël, portent la responsabilité pénale de crimes de guerre et crimes contre humanité commis sur le territoire de l'État de Palestine (dans la bande de Gaza) à partir du 8 octobre 2023 au moins », a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye.
Parmi les crimes présumés reprochés, il liste le fait « d'affamer délibérément des civils comme méthode de guerre », « de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile » ou encore « l'homicide intentionnel ». Les juges indépendants de la CPI devront déterminer si les conditions sont réunies pour délivrer des mandats d'arrêt, précise Karim Khan.
Trois dirigeants du Hamas sont également concernés par la requête : Ismaïl Haniyeh (chef du bureau politique du Hamas), Mohammed Diab Ibrahim al-Masri, plus connu sous le nom de Mohammed Deif, commandant des Brigades al-Qassam, branche armée du Hamas, et Yahya Sinwar, chef du mouvement dans Gaza. Les accusations portées contre ces dirigeants incluent « l'extermination », « le viol et d'autres formes de violence sexuelle » et « la prise d'otages en tant que crime de guerre ».
Une pression supplémentaire sur le Premier ministre israélien
Cette déclaration d’intention dérange les dirigeants israéliens. Car elle fait passer Israël pour un paria. « Et l'État hébreu ne souhaite pas être mis au ban des nations », confie l'avocat Yaakov Garson, spécialiste en droit international, selon qui « Israël n’a commis ni crime de guerre, ni crime contre l'humanité à Gaza ».
« Ce que le procureur dit, ajoute-t-il, c'est qu'il va accuser [les responsables israéliens], et il lui faut des éléments pour [les] accuser. Mais le niveau de preuves qu'il faut pour accuser n'est pas celui qu'il faut pour condamner. Et donc, je prédis que la condamnation ne se fera pas, faute de preuves sur l'intentionnalité. Parce que l'intentionnalité n'existe pas. »
Même si l'avocat reconnaît que la guerre à Gaza cause un désastre humanitaire, pour lui, « rien ne prouve que les responsables israéliens ont voulu délibérément tuer des civils gazaouis ». Même si depuis le début de la guerre, des ministres d’extrême droite israéliens appellent régulièrement à « raser Gaza » et à « éradiquer l’ensemble de sa population ».
Quoi qu'il en soit, si la CPI valide la requête de son procureur, Benyamin Netanyahu verrait son pire cauchemar se réaliser, commente notre correspondant à Jérusalem, Sami Boukhelifa. Ces dernières semaines, à la faveur de rumeurs concernant un éventuel mandat d'arrêt international à son encontre, il « a fait part de sa vive inquiétude à des responsables étrangers en visite en Israël », confie une source diplomatique occidentale à notre confrère.
Pour rappel, depuis le 8 octobre, au lendemain de l'attaque du Hamas contre Israël, l’État hébreu riposte violemment en ciblant l'ensemble du réduit palestinien. Des tonnes de bombes s'abattent chaque jour sur une population démunie. « Une guerre de vengeance, aveugle. Des bombardements aléatoires qui ont fait plus de 35 000 morts, majoritairement des femmes et des enfants », dénoncent les Palestiniens.
Mais pour rappel également, contrairement à plus de 120 pays dans le monde, Israël, comme les États-Unis, ne reconnaît pas la CPI. Tant qu'ils ne quittent pas le territoire de leur pays, M. Netanyahu et son ministre n'ont donc aucune crainte à se faire. Ils ne seront pas arrêtés, si cette requête du procureur Khan est validée par la CPI.
Côté Hamas, Sinwar et Deif sont supposément à Gaza, mais personne ne sait en réalité où ils se trouvent. Quant à Haniyeh, il se trouve entre le Qatar et la Turquie. Deux pays qui ne sont pas non plus des États parties au Statut de Rome et qui donc, en théorie, n'ont aucune obligation d'arrêter une personne visée par un mandat d’arrêt international se trouvant chez eux.
Pour le moment, ces mandats d'arrêt sont au stade de la simple requête. C'est une première étape. Ils n'ont aucune valeur tant qu'ils n'ont pas franchi la seconde étape, essentielle, à savoir être officiellement émis par la CPI, rappelle par ailleurs Me Yaakov Garson.
« Il faut bien comprendre que la déclaration du procureur est une déclaration d'intention, explique-t-il. Donc, ce n'est pas le procureur qui émet des mandats. Il n'a pas la compétence d'émettre un mandat d'arrêt. Le mandat d'arrêt est une décision judiciaire, qui doit être rendue par la Cour. »
« C'est une recommandation, les juges peuvent éventuellement suivre, mais de toute façon, sur le fond, ça ne changera pas grand-chose à la situation puisque ça avait été anticipé – plus ou moins explicitement d'ailleurs – par le chef du gouvernement israélien et que, de toute façon, Israël n'est pas signataire de la CPI », analyse également David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique, chercheur associé à l'Iris, rédacteur en chef de la revue Orients stratégiques.
Donc elle n'estimera pas être redevable de donner suite à la procédure, s'il y en a une.
Et le chercheur de poursuivre : « Ça va accentuer l'embarras américain, mais en même temps, d'une certaine manière, ça peut aussi faciliter un certain nombre de choses, notamment par rapport à une alternative éventuelle pour le Premier ministre, puisqu'on a vu que, au sein du cabinet de guerre, les tensions étaient devenues patentes. Il y avait eu d'abord le pavé dans la mare jeté par Yoav Gallant, mais qui est concerné par l'émission du mandat, mais surtout de Benny Gantz, qui a mis un ultimatum justement au Premier ministre pour proposer une alternative politique et une perspective stratégique, faute de quoi il démissionnerait. Donc c'est une pression supplémentaire sur la personne de Benyamin Netanyahu, même s'il montrera qu'il n'en a cure. Mais en réalité, c'est une pression supplémentaire effectivement. Et du point de vue des Américains, c'est à court terme un embarras éventuel sur le soutien. Mais en réalité, ça peut aussi rendre service dans la mesure où ça peut favoriser justement cette alternative. »
Réactions au vitriol du président américain et du Premier ministre israélien
La meilleure défense, c'est l'attaque. Joe Biden a déclaré ce lundi, dans un communiqué, que la demande du procureur de la CPI contre Benyamin Netanyahu était « scandaleuse », rien de moins. « Je vais être clair : quoi qu'insinue le procureur, il n'y a pas d'équivalence entre Israël et le Hamas, il n'y en a aucune », s'indigne le numéro un américain. « Nous nous tiendrons toujours aux côtés d'Israël contre les menaces à sa sécurité », conclut-il.
Son secrétaire d'État, Antony Blinken, dans un communiqué distinct, surenchérit : « Nous rejetons l'équivalence établie par le procureur entre Israël et le Hamas. C'est une honte. » Et d'ajouter qu'elle « pourrait compromettre » à ses yeux les pourparlers sur un cessez-le-feu à Gaza. « Le Hamas est une organisation terroriste violente qui a perpétré le pire massacre de juifs depuis l'Holocauste et qui retient encore des dizaines d'innocents en otage, y compris des Américains », insiste le chef de la diplomatie américaine, rappelant enfin que la Cour n'a « pas de juridiction » sur Israël.
M. Netanyahu a lui-même fait part de son malaise en termes crus, toujours par communiqué. Le chef du gouvernement israélien informe qu'il rejette « avec dégoût » les mandats d'arrêt réclamés contre lui et son ministre : « En tant que Premier ministre d'Israël, je rejette avec dégoût la comparaison du procureur de La Haye entre Israël », un pays « démocratique », rappelle-t-il, et « les meurtriers de masse du Hamas ». « C'est un déshonneur historique pour la Cour pénale internationale », s'insurge son ministre des Affaires étrangères.
Enfin, l'Allemagne est sur une ligne similaire, regrettant que la décision du procureur donne une « impression fausse d'équivalence » : « La demande simultanée de mandats d'arrêt contre les dirigeants du Hamas, d'une part, et contre les deux responsables israéliens, d'autre part, a donné l'impression fausse d'équivalence », indique en effet par communiqué le ministère allemand des Affaires étrangères, tout en soulignant respecter « l'indépendance » de la Cour.
Aux yeux de Berlin, le tribunal de la Haye « devra évaluer des faits très différents » : « Les dirigeants du Hamas sont responsables d'un massacre barbare au cours duquel, le 7 octobre, des hommes, des femmes et des enfants ont été sauvagement assassinés, violés et enlevés en Israël. Le Hamas continue de détenir des otages israéliens dans des conditions innommables, d'attaquer Israël à la roquette et d'utiliser la population civile de Gaza comme bouclier humain », expose la diplomatie allemande.
Source : RFI