Comment maraîchage bio et énergie solaire permettent l’autonomie de villageoises au Sénégal
Dans la communauté rurale d’Ouonck, dans le sud du Sénégal, des femmes cultivent des jardins maraîchers bio en partenariat avec une ONG française. En deux ans, elles ont acquis l’autonomie alimentaire et financière.

Dans le village de Diagho, en Casamance, au sud du Sénégal, un petit groupe de femmes arrose et surveille son jardin maraîcher. Les parcelles de légumes sont entourées d’une clôture, mais elles se trouvent au beau milieu de la forêt. Dès que les villageoises ont le dos tourné, des singes s’aventurent à piquer les récoltes. « Ici, on fait pousser des poivrons, des oignons, des gombos, et même des bananiers », énumère la maraîchère Diebou Manga, assise sur un tapis à l’ombre.

Depuis 2022, les femmes du village de Diagho participent à un projet de maraîchage en agriculture biologique, baptisé « Égales ». L’ONG française Fondation énergies pour le monde (Fondem) a installé des jardins dans sept villages de la communauté rurale d’Ouonck, nichée entre les forêts de baobabs et le fleuve Casamance. L’objectif est de structurer l’activité agricole d’environ 300 femmes, pour développer leurs ressources alimentaires et économiques.

En Casamance, des associations et entreprises privées multiplient désormais les projets d’électricité solaire. La Fondem est spécialisée dans l’électrification rurale en Afrique, et elle a investi dans un système de pompe solaire dans les jardins de Ouonck. Plusieurs habitants de la commune sénégalaise ont formé un comité de gestion d’électrification solaire pour fournir eux-mêmes le service et la maintenance de l’énergie solaire.

« Chaque jardin a un panneau solaire qui est relié à des pompes, explique Mobutou Diédhiou, agriculteur et coordinateur du comité. Les pompes permettent d’alimenter le jardin en eau pour arroser les légumes. Comme cela, il n’y a pas besoin d’extraire l’eau manuellement. » Dix-huit panneaux ont été installés en tout.

Une source de revenus

L’arrivée de l’énergie solaire a un peu chamboulé la vie des femmes d’Ouonck. Dans cette commune au mode de vie traditionnel, la plupart des foyers n’ont pas l’électricité et les mères passent de longues heures à cuisiner au charbon. Avant de cultiver des légumes, les villageoises travaillaient dans les rizières.

« Le riz servait à nourrir nos familles et on avait du mal à mettre de l’argent de côté, témoigne Diebou Manga, présidente du jardin de Diagho. Les vaches et les chèvres abîmaient nos champs parce que les familles n’ont pas forcément les moyens de les garder dans un enclos ici. Et notre matériel tombait souvent en panne. »

À Ouonck, de nombreuses jeunes femmes ne veulent plus connaître les conditions de travail difficiles des rizières. D’autant qu’elles ont souvent bien d’autres activités à gérer pour la communauté, assez isolée. Dans son village, Mariama Diédhiou aide par exemple les femmes à accoucher. « C’est une activité bénévole et cela ne m’assure aucun revenu, regrette-t-elle. Mais depuis que je travaille au jardin maraîcher, j’ai pu ouvrir mon premier compte bancaire. »
Une femme dont la tête est couverte d'un chapeau verse du compost dans un champs.

Dans les jardins d’Ouonck, chaque femme gère deux parcelles de légumes destinées à sa consommation personnelle et trois parcelles destinées à la vente au marché. « Avec l’argent des ventes, je peux acheter du charbon et des fournitures scolaires, poursuit Mariama. J’économise aussi pour que ma fille aille à l’université, parce qu’elle va bientôt passer le bac. »

Très investie dans le projet, Mariama est devenue la secrétaire du jardin de Diagho. Chaque terrain est géré par les femmes des villages sous la forme d’un groupement d’intérêt économique, avec une présidente, une secrétaire et une trésorière. Certaines maraîchères ont d’autres responsabilités comme l’entretien quotidien du panneau solaire...

Par Caroline Celle (publié le 29/02/2024)
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