IVG dans la Constitution : une étape historique en France ce lundi, « un message d’espoir » au monde entier
Sauf surprise, le Parlement va entériner ce lundi l’inscription dans la Constitution de l’interruption volontaire de grossesse. La France est le premier pays au monde à engager une telle démarche


À rebours de nombre de pays où le droit à l’avortement recule, la France va devenir lundi le premier pays à inscrire explicitement dans sa Constitution l’interruption volontaire de grossesse, une question devenue consensuelle dans l’opinion et désormais dans la classe politique.

Députés et sénateurs réunis solennellement en Congrès dans une aile du château de Versailles devraient approuver à une très large majorité la modification de la Constitution proposée par le gouvernement, au nom duquel s’exprimera le Premier ministre, Gabriel Attal.

« Une nouvelle page du droit des femmes »

À quatre jours du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, cette réforme introduira à l’article 34 du texte fondamental la phrase suivante : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés est requise pour approuver ce changement. Elle devrait être atteinte sans difficulté, après les votes massifs de l’Assemblée (493 députés contre 30) et du Sénat (267 voix contre 50).

Le vote des sénateurs, qui a levé mercredi le dernier verrou vers la constitutionnalisation, a surpris par son ampleur jusqu’aux plus fervents défenseurs de cette inscription. « Le Sénat a écrit une nouvelle page du droit des femmes », a applaudi le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, affirmant que la France serait « le premier pays au monde » à engager une telle démarche.

    « En France et à travers le monde, le droit à l’avortement est encore gravement menacé »

De fait, il s’agira de « la première disposition constitutionnelle aussi explicite et large en la matière, pas juste en Europe, mais dans le monde », selon Leah Hoctor, du Center for Reproductive Rights, organisation américaine défendant le droit à l’avortement. Militant inlassable de cette constitutionnalisation, le Planning familial a salué le « message d’espoir » qu’enverra le Congrès « aux féministes du monde entier ». « Car en France et à travers le monde, le droit à l’avortement est encore gravement menacé », a souligné l’association.

L’électrochoc venu des États-Unis

Démonstration en a été faite de manière spectaculaire avec l’annulation en juin 2022 aux États-Unis de l’arrêt Roe v. Wade, qui protégeait l’accès à l’avortement au niveau fédéral. Depuis, de nombreux États ont fortement restreint voire interdit l’avortement sur leur sol et des milliers d’Américaines sont obligées d’entreprendre des voyages pénibles et coûteux pour avorter.

Cette décision a eu l’effet d’un électrochoc sur l’opinion et les élus. À l’Assemblée, elle convainc la présidente du groupe LFI Mathilde Panot de déposer une proposition de loi constitutionnelle garantissant le droit à l’IVG, votée en novembre 2022 à une écrasante majorité grâce au soutien de la majorité.

Le Sénat, plus conservateur, et dominé par la droite et le centre, s’empare à son tour de la question et se prononce à une courte majorité (166 voix contre 152) pour l’inscription dans la Constitution d’une « liberté » des femmes d’avorter en février 2023.

En mars, le président de la République Emmanuel Macron annonce sa volonté d’inscrire dans la Constitution la « liberté » de recourir à l’avortement, lors d’un hommage national à Gisèle Halimi. Le projet de loi constitutionnel du gouvernement est présenté le 12 décembre. Proposant d’inscrire la « liberté garantie » des femmes d’avorter, il est plébiscité dans les deux chambres, contre l’avis du président du Sénat Gérard Larcher, et de celui du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau.

Une bataille culturelle

Ont pesé la « mobilisation de la société civile », la « pression populaire » - avec des sondages montrant une adhésion supérieure à 80 % à la constitutionnalisation -, mais aussi « l’engagement de plusieurs ministres » dont le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, selon le député Guillaume Gouffier Valente (Renaissance), rapporteur du projet de loi.

Depuis le feu vert au Sénat, peu de voix hostiles se sont fait entendre. La Conférence des évêques de France a fait part de sa « tristesse », tandis qu’à l'extrême droite, la tête de liste du parti Reconquête ! aux européennes, Marion Maréchal, a raillé un « gadget juridique » destiné à « faire plaisir à une petite minorité politisée ». Les opposants à l’IVG ont annoncé une mobilisation à Versailles lundi après-midi.

En France, « on a remporté la bataille culturelle, il est devenu de plus en plus difficile pour des élus de voter pour détricoter le droit à l’interruption volontaire de grossesse », s’était félicitée mercredi la sénatrice écologiste Mélanie Vogel.

Par Sudouest.fe avec AFP (publié le 04/03/2024)
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