En Serbie, le gouvernement recule sur son projet de mine de lithium
En Serbie, le gouvernement a retiré la loi d’expropriation, qui devait permettre d’exploiter une grande mine de lithium à Loznica. C’est une victoire pour le mouvement populaire qui s’oppose depuis des semaines à ce projet, rapporte Le Courrier, à Genève, dont voici un extrait de son reportage à Belgrade.

Belgrade (Serbie), reportage

« Casse-toi de la Drina. » Voilà deux week-ends que le slogan est scandé par des milliers d’opposant·es au projet d’exploitation du lithium de la compagnie Rio Tinto dans la vallée du Jadar, dans l’ouest de la Serbie. Routes et ponts bloqués, marches dans une quarantaine de villes, manifestation houleuse au cœur de Belgrade… Soufflé par un collectif d’organisations environnementales et de la société civile baptisé Soulèvement écologique, le vent de la révolte a en partie porté ses fruits : le gouvernement a annoncé le 8 décembre le retrait – provisoire – de la loi sur l’expropriation qui avait mis le feu aux poudres. Cette dernière, adoptée fin novembre au parlement, devait autoriser la saisie forcée des biens des personnes, sous cinq jours, pour tout projet jugé d’intérêt national, y compris privé.

Expert de la politique du coup de menton, le président serbe, Aleksandar Vucic, a surpris en suspendant – pour mieux l’amender plus tard, sans doute – « sa » loi d’expropriation. Un acte de prudence à l’approche des élections nationales et municipales du printemps, mais aussi la preuve d’une colère populaire mal anticipée par l’homme fort de Serbie contre la multiplication de projets et d’exploitations minières à travers le pays, de Loznica à Bor. « Pour la première fois, Vucic ne dicte pas l’agenda politique », note Igor Stiks, écrivain et politologue, coauteur de The New Balkan Left. « Là où la dénonciation de l’autocratie, du clientélisme, de la corruption échoue à mobiliser depuis des années, par lassitude, apathie, désillusion, devant la répétition des scandales, le lithium, lui, a réussi à fédérer les oppositions. »

Succès des mobilisations pour les causes environnementales

Jamais démentis depuis sept ans, les succès des mobilisations pour les causes environnementales ont aiguisé les envies de s’engouffrer dans l’arène politique. Ainsi la plateforme citoyenne Action et le tout nouveau parti Soulèvement écologique ont-ils décidé de mener campagne commune. « Un exercice salutaire, aux yeux d’Igor Stiks. D’abord parce que non issues des partis traditionnels, ces nouvelles têtes ne sont pas suspectes de corruption. »

Reste cependant un défi de taille à relever. « Face à un mouvement très hétéroclite, où l’on retrouve des éconationalistes, des écologistes, des conservateurs, des libéraux, etc. comment éviter l’explosion ? Mobiliser devant le parlement est une chose, construire un programme commun en est une autre », juge le politologue. Qui croit davantage aux chances d’une plateforme citoyenne écologiste et de gauche au niveau local, et notamment à Belgrade, plutôt que de déboulonner Vucic. « Sur les sujets nationalistes comme le Kosovo ou la Bosnie, il reste le maître des horloges. »

Publié le 11/12/2021
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