Lourde condamnation dans la mégafraude aux aides corona
L'instigateur d'une importante fraude aux aides corona aux entreprises a été condamné à cinq ans de prison, mercredi. Le symbole d'une volonté de rapidité dans ces dossiers considérés comme prioritaires.

Le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné, mercredi matin, un homme de 46 ans à une peine de cinq ans de prison dont quatre ferme dans le dossier dit de la "mégafraude aux aides corona", escroquerie dont il fut l'instigateur. Ce Français, universitaire et diplômé d'école d'une haute école de commerce, a décidé de plaider coupable des faits qui lui sont reprochés par le parquet fédéral. Il devra s'acquitter d'une peine d'amende ainsi que d'une confiscation de 500.000 euros. Toujours en détention préventive sous le régime de la surveillance électronique, l'homme sera incarcéré sous peu pour purger sa peine.

La condamnation intervient après une négociation entre le fraudeur et le parquet fédéral, représenté par le magistrat Raphaël Malagnini. "Au regard des éléments du dossier et du risque d’une peine qui aurait pu être plus lourde, la solution nous est apparue acceptable", a commenté Me Yannick Balsarini, avocat de l'homme aujourd'hui définitivement condamné.

Un an entre les perquisitions et le jugement

Cet aboutissement judiciaire intervient en un temps record. En effet, les faits remontent au mois de mars 2020, quelques jours après l'annonce par le gouvernement fédéral d'un soutien massif à l'économie, notamment via le chômage temporaire. Dès le 25 mars est mis en place, principalement en région de Charleroi, un ingénieux système de détournement de ces aides. Et c'est en décembre 2020, il y a un an, qu'une série de perquisitions était menée à travers le pays, avec 15 mandats d'arrêt décernés à la clé.

Le principal auteur a ainsi eu recours à 29 sociétés dormantes, des coquilles vides – et fléau économique, notamment à Bruxelles – pour déclarer, via de fausses identités, des faux chômeurs. D'ordinaire, l'enregistrement d'un chômeur est contrôlé de près, mais au moment où la machine économique s'est stoppée net, le gouvernement fédéral avait décidé, pour raison de simplification administrative face à l'urgence, d'attribuer ce chômage sur base d'une simple déclaration Dimona. Il suffisait ainsi aux fraudeurs de s'inscrire sur internet via son syndicat ou la Capac et les aides allaient pleuvoir.

L'argent du chômage corona était ensuite transféré vers les comptes de mules bancaires et financières, des prête-noms qui font transiter des fonds d'origine douteuse, une activité devenue un grand classique du blanchiment de la grande fraude et de la grande criminalité.

Fraude aux aides corona, une priorité

Selon le parquet fédéral, le montant total de la fraude s'élève à 2 millions d'euros, sans compter le détournement du pécule de vacances et le droit passerelle. "Il s'agit d'un aboutissement du tout premier dossier de fraude aux aides corona et il est très exemplatif. C'est un avertissement pour les fraudeurs", a commenté le porte-parole du parquet fédéral, Eric Van Duyse. La suite du procès, dans lequel 42 personnes seront jugées, aura lieu à Bruxelles, au mois de février. L'Onem et l'ONSS sont constituées parties civiles.

D'autres affaires de fraude aux aides corona sont en cours à travers le pays. L'auditeur du travail de Liège Christian Gaber indique que "plusieurs dossiers de fraude au chômage corona sont ouverts, qui concernent des employeurs déclarant des ouvriers au chômage alors qu'ils continuaient à travailler, notamment dans le domaine de la construction". Nadine Meunier, substitut à l'auditorat général du travail de Bruxelles et responsable du "pool fraude sociale" le rappelle: "la fraude aux aides corona est un sujet qui fait l’objet de l’attention des auditeurs et inspecteurs sociaux. Et ce n'est sans doute pas fini." Les fraudes covid sont, depuis mars 2020, considérées comme une priorité par le Collège des procureurs généraux, qui dispense ses instructions à tous les parquets et auditorats du pays.

Par Julien Balboni (publié le 16/12/2021)
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