09 Fév 2021
Depuis plus d’un an, leur vie n’est plus la même. Arrivées en France sans diplôme pour trouver du travail, elles tiennent désormais un bras de fer contre l’une des plus grosses entreprises du pays : le groupe hôtelier Accor. Depuis plus d’un an, elles se rassemblent, s’encouragent, se soutiennent. Depuis plus d’un an, elles crient, chantent, se montrent dans les médias et se font entendre dans la rue. Elles sont femmes de chambre et depuis plus d’un an, elles se battent pour de meilleures conditions de travail.
Tout commence en juillet 2019 à l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles, dans le XVIIe arrondissement de Paris. Dans cet établissement, de catégorie « économique » de 700 chambres, aucune des femmes de chambres n’est employée directement par l’hôtel, car toutes dépendent d’un sous-traitant externe : l’entreprise de nettoyage SAS-STN. Implanté dans toute la France avec plus de 4.000 employés, le groupe est un acteur important dans le secteur de la propreté, notamment en région parisienne.
Si pour le groupe Accor, propriétaire de l’hôtel, elle permet une plus grande flexibilité du travail ainsi que l’accès à une main d’œuvre moins chère, pour les femmes de chambre, la sous-traitance rime surtout avec « souffrance au travail », voire « exploitation ».
Des heures supplémentaires non rémunérées, des cadences infernales, des cotisations sociales réduites au minimum, une absence de considération pour le travail effectué, la peur d’être remplacée du jour au lendemain…tel est le quotidien de ces femmes de chambres, gouvernantes et équipières.
« Sur le contrat, il y a des horaires, mais en réalité nous sommes payées à la chambre. On nous demande parfois d’en faire quarante-cinq en sept heures de travail, ce qui est physiquement impossible. Nous sommes obligées de faire des heures supplémentaires, mais celles-ci n’apparaissent pas dans la fiche de paie. Si on refuse de finir les chambres ? Si on se plaint ? Ils nous disent que des centaines d’autres femmes sont prêtes à prendre notre place... », soupire Sylvie Kinissa, femme de chambre à l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles depuis 2015.
Grève illimitée contre la sous-traitance
Le 17 juillet 2019, sur 40 femmes de chambres, gouvernantes et équipières présentes chaque jour à l’hôtel, 24 d’entre elles (dont un collègue masculin), fatiguées de travailler dans des conditions qu’elles jugent indignes, décident de débrayer et d’entamer une grève illimitée.
« Notre première revendication est l’internalisation », déclare Rachel Keke, gouvernante à l’hôtel Ibis et porte-parole du mouvement. « Nous réclamons le même statut social que les autres employés de l’hôtel. Nous travaillons pour Ibis, il serait normal qu’Ibis nous embauchent non ? Nous voulons simplement un salaire décent, une diminution des cadences de travail et un ticket restaurant pour le repas de midi, comme des salariées normales ».
D’après les grévistes, le système de sous-traitance permet aux différents organismes de se déresponsabiliser en se renvoyant mutuellement la balle. De son côté, le groupe Accor estime qu’il n’est pas garant des conditions de travail de ses sous-traitants tandis que l’entreprise STN se justifie comme étant dépendante des règles dictées par Accor.
« L’hébergement est le cœur de métier d’un hôtelier. Sans femmes de chambre, tu fermes l’hôtel », martèle Claude Levy, secrétaire général du syndicat CGT-HPE (Hôtels de prestige et économiques), qui accompagne les grévistes de l’Ibis depuis le début de leur mouvement. D’après lui, le recours à la sous-traitance ne se justifie pas pour des tâches comme le nettoyage ou la préparation des chambres.
« Malheureusement, c’est une pratique très courante dans le secteur et ce n’est pas la première fois que des femmes de chambre décident de s’y opposer », ajoute-t-il.
Au cours des vingt dernières années, de nombreuses grèves ont eu lieu en France pour des raisons similaires : le parc EuroDisney en 1998, la société Arcade en 2002, l’hôtel Astor en 2005, le Concorde Lafayette en 2006, le Concorde Montparnasse en 2012… autant de combats qui servent aujourd’hui d’exemple aux femmes de chambre de l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles, que rien ne prédisposait à une telle lutte.
« Le pouvoir, ça ne se demande pas, ça s’arrache ! Avant de partir en grève, je voyais ça comme quelque chose d’infaisable », raconte Sylvie Kinissa. « Chez moi, ça ne se passe pas comme ça. Pour les gens de mon entourage, c’était vraiment inconcevable. Quand tu es une femme immigrée africaine qui arrive en France, ton seul objectif est de travailler pour élever tes enfants. Tu ne vas certainement pas penser au droit du travail. Certaines grévistes ici ne savent ni lire ni écrire, comment veux-tu qu’elles se battent pour leurs droits ? Si les heures supplémentaires ne sont pas comptabilisées et qu’on leur paye 600 euros au lieu de 900 euros, pour elles ça suffit déjà… »
« Si on ne reste pas en mouvement, on est mortes… »
C’est en s’informant et en rencontrant les syndicats que les travailleuses de l’Ibis se rendent compte que d’autres femmes se sont battues avant elles et que des mouvements semblables existent aussi à l’étranger. Celles qui n’avaient jamais pris part à une manifestation auparavant, commencent à s’organiser, à entrer en contact avec d’autres groupes et à développer une véritable culture de la lutte, leur culture de la lutte. Elles inventent leurs propres chants, comme l’Hymne des exploité-e-s du nettoyage (un clip est actuellement en phase de préparation), ainsi que les chorégraphies qui vont avec, impriment des tracts, se forment à la communication devant les médias, etc.
Elles sont conscientes du fait que face au groupe Accor, le rapport de force est inégal. Numéro six mondial de son secteur avec une quarantaine de marques dont les hôtels Ibis, Novotel, Mercure ou encore Sofitel, Accor est présent dans 110 pays et emploie plus de 280.000 personnes à travers le monde : c’est un des fleurons de l’économie française.
Pour faire plier un tel géant, les grévistes savent pertinemment qu’arrêter de travailler ne suffira pas. Il faudra se montrer, crier et se faire entendre. C’est pourquoi, plutôt que de rester chez elles, elles se retrouvent chaque jour devant l’hôtel, de 9 heures à 15 heures 30. « On se met dans la tête que c’est comme si on travaillait. Ce n’est pas parce qu’on est en grève qu’on ne doit pas se lever le matin, au contraire ! De toute façon, si on ne reste pas en mouvement, on est mortes… », explique Sylvie Kinissa d’un ton ferme. Cette présence quotidienne leur permet non seulement de rester visibles aux yeux de la direction, des clients de l’hôtel et des journalistes, mais surtout de se soutenir les unes les autres et de garder le moral.
La force du nombre est un de leur atout principal : quand l’une se décourage, les autres viennent en soutien.
« Nous avons traversé tellement de choses ensemble pendant cette année de lutte que nous sommes devenues comme une famille…presque plus qu’une famille ! », s’émeut Rachel Keke en évoquant ses sœurs de lutte. « Avant, tu arrivais au travail, tu demandais quelques nouvelles du mari et des enfants et cela s’arrêtait là. Maintenant, nous avons appris à nous connaître, à savoir qui est qui, cela va beaucoup plus loin qu’une relation normale entre collègues. »
L’une des femmes de chambre a même donné la vie à un enfant pendant la période de grève et le prend avec elle à chaque rendez-vous. Pendant les manifestations, il passe de bras en bras et semble ne pas avoir une seule mère, mais bien 23. D’une certaine façon, il représente à lui tout seul ce lien imperceptible qui s’est créé entre les grévistes. Désormais porté comme une mascotte, le petit Aboubakar a même été surnommé « bébé-grève ».
Les femmes de chambre peuvent également compter sur des soutiens venant de l’extérieur. En premier lieu, il y a le syndicat qui, en plus du réseau humain et de l’expérience militante, apporte une aide financière en contribuant à hauteur d’un tiers au financement de la caisse de grève. Les deux tiers restants sont financés par des dons récoltés en ligne ou lors d’événements de soutien. Cette caisse a été mise en place pour permettre aux grévistes de compenser la perte de revenus pendant l’arrêt de travail.
Un combat symbolique
« Sans cette initiative de solidarité, le combat serait impossible à tenir », souligne Sylvie Kinissa, qui a pu toucher l’équivalent de son salaire plein pendant la quasi-totalité du mouvement. En plus de ce soutien économique indispensable, les femmes de chambre bénéficient également de l’appui moral de plusieurs collectifs, notamment dans les milieux féministes et anti-racistes. Compte tenu des enjeux et débats sociaux actuels sur ces questions, la condition de femmes d’origine africaine a peut-être joué un peu pour rassembler des soutiens et interpeller les médias ou les politiques.
« Il est vrai que notre mouvement de grève a quelque chose d’inédit et de symbolique. Peut-être que cela peut toucher l’opinion publique, mais il ne faut pas oublier notre réalité quotidienne dans l’hôtellerie, c’est la misère. Si le groupe Accor se permet de nous traiter ainsi, c’est aussi, car nous sommes des femmes africaines. Si on était blanches, ce serait autre chose… », observe Mme Keke.
Avec l’arrivée de l’épidémie de Covid-19, le mouvement a été temporairement interrompu. « On était sur une bonne lancée, mais quand le confinement est arrivé, cela nous a un peu découragées… », constate M. Levy. Comme dans tout le secteur, l’hôtel Ibis est resté fermé depuis le mois de mars 2020 et les grévistes ont obtenu de la société STN d’être placées en chômage partiel, ce qui leur a permis de toucher 84 % de leur salaire. Lors de la réouverture de l’hôtel, le 1er septembre dernier, les femmes de chambre ont mené une action pour marquer le coup et reprendre la grève « plus fort que jamais ». Le secteur de l’hôtellerie étant particulièrement touché par la crise sanitaire, le bras de fer avec le groupe Accor sera encore plus difficile à tenir cette année, mais les grévistes ne feront pas marche arrière.
« Cela fait presque 15 mois qu’on est en grève et qu’on se bat, on ne peut plus s’arrêter. Si on reprend le travail maintenant, ils vont nous muter, nous licencier, nous humilier… Ce n’est pas envisageable. La Covid nous a mis un frein, mais nous sommes déterminées et nous tiendrons une année de plus s’il le faut », prévient Mme Keke.
Par Clément Dechamps (publié le 17/09/2020)
A lire sur le site Equal Times
Tout commence en juillet 2019 à l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles, dans le XVIIe arrondissement de Paris. Dans cet établissement, de catégorie « économique » de 700 chambres, aucune des femmes de chambres n’est employée directement par l’hôtel, car toutes dépendent d’un sous-traitant externe : l’entreprise de nettoyage SAS-STN. Implanté dans toute la France avec plus de 4.000 employés, le groupe est un acteur important dans le secteur de la propreté, notamment en région parisienne.
Si pour le groupe Accor, propriétaire de l’hôtel, elle permet une plus grande flexibilité du travail ainsi que l’accès à une main d’œuvre moins chère, pour les femmes de chambre, la sous-traitance rime surtout avec « souffrance au travail », voire « exploitation ».
Des heures supplémentaires non rémunérées, des cadences infernales, des cotisations sociales réduites au minimum, une absence de considération pour le travail effectué, la peur d’être remplacée du jour au lendemain…tel est le quotidien de ces femmes de chambres, gouvernantes et équipières.
« Sur le contrat, il y a des horaires, mais en réalité nous sommes payées à la chambre. On nous demande parfois d’en faire quarante-cinq en sept heures de travail, ce qui est physiquement impossible. Nous sommes obligées de faire des heures supplémentaires, mais celles-ci n’apparaissent pas dans la fiche de paie. Si on refuse de finir les chambres ? Si on se plaint ? Ils nous disent que des centaines d’autres femmes sont prêtes à prendre notre place... », soupire Sylvie Kinissa, femme de chambre à l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles depuis 2015.
Grève illimitée contre la sous-traitance
Le 17 juillet 2019, sur 40 femmes de chambres, gouvernantes et équipières présentes chaque jour à l’hôtel, 24 d’entre elles (dont un collègue masculin), fatiguées de travailler dans des conditions qu’elles jugent indignes, décident de débrayer et d’entamer une grève illimitée.
« Notre première revendication est l’internalisation », déclare Rachel Keke, gouvernante à l’hôtel Ibis et porte-parole du mouvement. « Nous réclamons le même statut social que les autres employés de l’hôtel. Nous travaillons pour Ibis, il serait normal qu’Ibis nous embauchent non ? Nous voulons simplement un salaire décent, une diminution des cadences de travail et un ticket restaurant pour le repas de midi, comme des salariées normales ».
D’après les grévistes, le système de sous-traitance permet aux différents organismes de se déresponsabiliser en se renvoyant mutuellement la balle. De son côté, le groupe Accor estime qu’il n’est pas garant des conditions de travail de ses sous-traitants tandis que l’entreprise STN se justifie comme étant dépendante des règles dictées par Accor.
« L’hébergement est le cœur de métier d’un hôtelier. Sans femmes de chambre, tu fermes l’hôtel », martèle Claude Levy, secrétaire général du syndicat CGT-HPE (Hôtels de prestige et économiques), qui accompagne les grévistes de l’Ibis depuis le début de leur mouvement. D’après lui, le recours à la sous-traitance ne se justifie pas pour des tâches comme le nettoyage ou la préparation des chambres.
« Malheureusement, c’est une pratique très courante dans le secteur et ce n’est pas la première fois que des femmes de chambre décident de s’y opposer », ajoute-t-il.
Au cours des vingt dernières années, de nombreuses grèves ont eu lieu en France pour des raisons similaires : le parc EuroDisney en 1998, la société Arcade en 2002, l’hôtel Astor en 2005, le Concorde Lafayette en 2006, le Concorde Montparnasse en 2012… autant de combats qui servent aujourd’hui d’exemple aux femmes de chambre de l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles, que rien ne prédisposait à une telle lutte.
« Le pouvoir, ça ne se demande pas, ça s’arrache ! Avant de partir en grève, je voyais ça comme quelque chose d’infaisable », raconte Sylvie Kinissa. « Chez moi, ça ne se passe pas comme ça. Pour les gens de mon entourage, c’était vraiment inconcevable. Quand tu es une femme immigrée africaine qui arrive en France, ton seul objectif est de travailler pour élever tes enfants. Tu ne vas certainement pas penser au droit du travail. Certaines grévistes ici ne savent ni lire ni écrire, comment veux-tu qu’elles se battent pour leurs droits ? Si les heures supplémentaires ne sont pas comptabilisées et qu’on leur paye 600 euros au lieu de 900 euros, pour elles ça suffit déjà… »
« Si on ne reste pas en mouvement, on est mortes… »
C’est en s’informant et en rencontrant les syndicats que les travailleuses de l’Ibis se rendent compte que d’autres femmes se sont battues avant elles et que des mouvements semblables existent aussi à l’étranger. Celles qui n’avaient jamais pris part à une manifestation auparavant, commencent à s’organiser, à entrer en contact avec d’autres groupes et à développer une véritable culture de la lutte, leur culture de la lutte. Elles inventent leurs propres chants, comme l’Hymne des exploité-e-s du nettoyage (un clip est actuellement en phase de préparation), ainsi que les chorégraphies qui vont avec, impriment des tracts, se forment à la communication devant les médias, etc.
Elles sont conscientes du fait que face au groupe Accor, le rapport de force est inégal. Numéro six mondial de son secteur avec une quarantaine de marques dont les hôtels Ibis, Novotel, Mercure ou encore Sofitel, Accor est présent dans 110 pays et emploie plus de 280.000 personnes à travers le monde : c’est un des fleurons de l’économie française.
Pour faire plier un tel géant, les grévistes savent pertinemment qu’arrêter de travailler ne suffira pas. Il faudra se montrer, crier et se faire entendre. C’est pourquoi, plutôt que de rester chez elles, elles se retrouvent chaque jour devant l’hôtel, de 9 heures à 15 heures 30. « On se met dans la tête que c’est comme si on travaillait. Ce n’est pas parce qu’on est en grève qu’on ne doit pas se lever le matin, au contraire ! De toute façon, si on ne reste pas en mouvement, on est mortes… », explique Sylvie Kinissa d’un ton ferme. Cette présence quotidienne leur permet non seulement de rester visibles aux yeux de la direction, des clients de l’hôtel et des journalistes, mais surtout de se soutenir les unes les autres et de garder le moral.
La force du nombre est un de leur atout principal : quand l’une se décourage, les autres viennent en soutien.
« Nous avons traversé tellement de choses ensemble pendant cette année de lutte que nous sommes devenues comme une famille…presque plus qu’une famille ! », s’émeut Rachel Keke en évoquant ses sœurs de lutte. « Avant, tu arrivais au travail, tu demandais quelques nouvelles du mari et des enfants et cela s’arrêtait là. Maintenant, nous avons appris à nous connaître, à savoir qui est qui, cela va beaucoup plus loin qu’une relation normale entre collègues. »
L’une des femmes de chambre a même donné la vie à un enfant pendant la période de grève et le prend avec elle à chaque rendez-vous. Pendant les manifestations, il passe de bras en bras et semble ne pas avoir une seule mère, mais bien 23. D’une certaine façon, il représente à lui tout seul ce lien imperceptible qui s’est créé entre les grévistes. Désormais porté comme une mascotte, le petit Aboubakar a même été surnommé « bébé-grève ».
Les femmes de chambre peuvent également compter sur des soutiens venant de l’extérieur. En premier lieu, il y a le syndicat qui, en plus du réseau humain et de l’expérience militante, apporte une aide financière en contribuant à hauteur d’un tiers au financement de la caisse de grève. Les deux tiers restants sont financés par des dons récoltés en ligne ou lors d’événements de soutien. Cette caisse a été mise en place pour permettre aux grévistes de compenser la perte de revenus pendant l’arrêt de travail.
Un combat symbolique
« Sans cette initiative de solidarité, le combat serait impossible à tenir », souligne Sylvie Kinissa, qui a pu toucher l’équivalent de son salaire plein pendant la quasi-totalité du mouvement. En plus de ce soutien économique indispensable, les femmes de chambre bénéficient également de l’appui moral de plusieurs collectifs, notamment dans les milieux féministes et anti-racistes. Compte tenu des enjeux et débats sociaux actuels sur ces questions, la condition de femmes d’origine africaine a peut-être joué un peu pour rassembler des soutiens et interpeller les médias ou les politiques.
« Il est vrai que notre mouvement de grève a quelque chose d’inédit et de symbolique. Peut-être que cela peut toucher l’opinion publique, mais il ne faut pas oublier notre réalité quotidienne dans l’hôtellerie, c’est la misère. Si le groupe Accor se permet de nous traiter ainsi, c’est aussi, car nous sommes des femmes africaines. Si on était blanches, ce serait autre chose… », observe Mme Keke.
Avec l’arrivée de l’épidémie de Covid-19, le mouvement a été temporairement interrompu. « On était sur une bonne lancée, mais quand le confinement est arrivé, cela nous a un peu découragées… », constate M. Levy. Comme dans tout le secteur, l’hôtel Ibis est resté fermé depuis le mois de mars 2020 et les grévistes ont obtenu de la société STN d’être placées en chômage partiel, ce qui leur a permis de toucher 84 % de leur salaire. Lors de la réouverture de l’hôtel, le 1er septembre dernier, les femmes de chambre ont mené une action pour marquer le coup et reprendre la grève « plus fort que jamais ». Le secteur de l’hôtellerie étant particulièrement touché par la crise sanitaire, le bras de fer avec le groupe Accor sera encore plus difficile à tenir cette année, mais les grévistes ne feront pas marche arrière.
« Cela fait presque 15 mois qu’on est en grève et qu’on se bat, on ne peut plus s’arrêter. Si on reprend le travail maintenant, ils vont nous muter, nous licencier, nous humilier… Ce n’est pas envisageable. La Covid nous a mis un frein, mais nous sommes déterminées et nous tiendrons une année de plus s’il le faut », prévient Mme Keke.
Par Clément Dechamps (publié le 17/09/2020)
A lire sur le site Equal Times