La justice suspend la vente de VOO en la considérant comme une fraude
Nethys a fait savoir qu'elle n'ira pas en appel de la suspension de la vente de VOO à Providence. A priori, un nouveau processus de vente sera relancé après les vacances d'été.

Le tribunal de l'entreprise de Liège, saisi en référé, vient d'ordonner la suspension de la vente de VOO par Nethys au fonds américain Providence. C'est un fameux coup de massue!

Orange, défendu par Olivier Clevenbergh et Sébastin Ryelandt (Strelia), estimait avoir été évincé de la procédure de vente qu'il jugeait non transparente et discriminatoire, raison pour laquelle l'opérateur de téléphonie avait fini par introduire un recours en suspension de la convention de vente du 24 décembre 2019.

Deux conventions de vente

Lorsque l'ancienne direction de Nethys avait décidé de mettre VOO en vente, les offres avaient dû être remises pour le 9 mai 2019. Trois candidats s'étaient faits connaître: un opérateur de téléphonie (Orange) et deux fonds d'investissments (CVC et Providence). Le lendemain de la remise des offres, une task force composée, entre autres, de Stéphane Moreau et de Pol Heyse (anciens CEO et CFO de Nethys), décidait de se lancer dans des négociations exclusives avec Providence. Les deux parties avaient signé une convention le 23 mai 2019.

Dans la foulée des "affaires" et du scandale Publifin, le gouvernement wallon avait, le 6 octobre 2019, cassé les ventes de VOO, Win et Elicio. Entre-temps, on avait également appris que Stéphane Moreau et Pol Heyse avaient un intéressement dans la vente de VOO à Providence.

La nouvelle direction de Nethys, emmenée par Renaud Witmeur, avait alors décidé de renégocier avec Providence. En bout de course, Nethys avait obtenu une amélioration financière de l'offre et la suppression de l'intéressement pour l'ancien management. C'est sur cette base qu'une nouvelle convention avait été signée le 24 décembre 2019. Le closing de la vente était prévu pour ce 30 juin.

" "Les mobiles ayant déterminé Nethys à retenir l'offre de Providence pour des négociations exclusives puis à décider de contracter avec cette société paraissent contraires à l'ordre public". "
Extrait de l'ordonnance

Contraires à l'ordre public

D'entrée de jeu, les conseils d'Orange avaient estimé que la nouvelle convention, calquée sur la première, était illégale. Ils ont été suivis par le tribunal de l'entreprise qui, au passage, a crossé Providence et Nethys. "Les mobiles ayant déterminé Nethys à retenir l'offre de Providence pour des négociations exclusives puis à décider de contracter avec cette société paraissent contraires à l'ordre public; ils réalisent une fraude dans le but de réaliser un gain et concrétisent les effets d'une violation délibérée et non justifiée du principe d'égalité", peut-on lire dans l'ordonnance rendue ce lundi.

La juge a estimé que "Providence ne paraît pas avoir pu raisonnablement ignorer l'intention de se procurer un gain de ses interlocuteurs ni la volonté d'éviter l'application d'une disposition du décret du 29 mars 2018 spécialement destinée à protéger l'intérêt des pouvoirs locaux". Et le juge de poursuivre en estimant que l'ancienne direction de Nethys "a commis une faute en adoptant une attitude passive en approuvant l'ensemble des décisions de vendre du 22 mai 2019".

Ventes frappées de nullité

Fort de ce qui précède, la juge des référés a estimé que la convention du 23 mai 2019 (première vente) paraissait frappée de nullité absolue. Dans son raisonnement, la juge a estimé que le vente du 24 décembre 2019, celle négociée par la nouvelle direction, était une suite directe de la convention du 23 mai. "En concluant la nouvelle convention, sans possibilité pour Orange et/ou CVC d'être intégrés dans le processus de mise en concurrence et sans rétablir l'égalité entre les candidats, Nethys parait avoir purement et simplement poursuivi la fraude", estime encore la juge Aurore Jansen.

Cette dernière a précisé que le fait d'avoir renégocié l'offre à la hausse, et en supprimant l'intéressement prévu pour l'ancien management, ne lavait pas l'opération de son vice, "à savoir le choix d'un partenaire contractuel fondé sur un mobile contraire à l'ordre public".

Logiquement, la juge a donc décidé de suspendre la vente de VOO à Providence. Et, comme le demandait Orange, s'il venait à l'idée de Nethys de se défaire des actions de VOO, elle devrait s'acquitter d'une astreinte de 150 millions d'euros vis-à-vis d'Orange.

Nethys va relancer la vente

En fin de journée, on apprenait que Nethys n'avait pas l'intention d'aller en appel de l'ordonnance de suspension rendue ce lundi matin. En réalité, Nethys devrait relancer une procédure de vente dès le mois de septembre, ce qui devrait permettre à tous les candidats intéressés par VOO de se mettre en ordre de bataille et de faire une offre. Il est possible que Nethys propose même à la vente un package VOO/Brutélé. L'affaire est à l'étude, souffle-t-on du côté de la rue Louvrex, à Liège.

Par Nicolas Keszei (publié le 29/06/2020)
A lire sur le site L'Echo