Comment ces fermes sortent du glyphosate
À Saint-Clément-de-la-Place (Maine-et-Loire), Jean-Paul Pichaud, sa femme Sophie et leur fils Thomas ont appelé leur ferme Le rêve des vaches. Cette exploitation laitière bio porte bien son nom. Elle déroule sur ses 80 ha un paysage bocager verdoyant, qui fait le bonheur des soixante vaches montbéliardes et jersiaises du troupeau... et le malheur des adventices, ces plantes concurrentes des cultures, communément appelées mauvaises herbes, expression que l'écologie bannit désormais.

La ferme Le rêve des vaches fait partie des 250 exploitations pilotes en Pays de la Loire (on en compte 3 000 en France) du plan national Écophyto. Leur objectif : au-delà de leurs propres haies, transmettre aux autres agriculteurs des solutions alternatives aux produits phytosanitaires. Jeudi, la ferme accueillait l'une des vingt-deux journées techniques de la campagne « Cap sans glypho », animée par la chambre régionale d'Agriculture.

Les adventices étouffées

Chez les Pichaud, les adventices se font discrètes. Non pas parce qu'elles sont matraquées à coups d'herbicide. Jean-Paul a définitivement remisé le « pulvé » (pulvérisateur) il y a dix ans. Mais parce qu'elles sont étouffées, privées de lumière et d'espace par la densité et la diversité du couvert végétal.

« Avoine, trèfle d'Alexandrie, trèfle de perse, colza... Nous avons ici une très belle architecture de couvert. La biomasse est homogène. Il n'y a pas de trous. Les adventices ne peuvent pas se développer », commente Florence Léon, conseillère agricole à la chambre régionale d'agriculture, avec des accents de guide face à une cathédrale. La parcelle a été semée par Jean-Paul après la moisson dans le double objectif de couvrir les sols et de fournir un fourrage à pâturer pour ses vaches.

« On met l'agronomie et l'autonomie alimentaire du troupeau au centre, présente Florence Léon. En conventionnel, on sent bien que l'on arrive au bout des phytos. Il y a de moins en moins de molécules autorisées. Il y a forcément une remise en cause, une envie de changer de pratiques. » Dans les prairies, semées en graminées et légumineuses, la régulation des adventices est aisée : le pâturage et la fauche empêchent les montées en graines.

Jean-Paul ajoute sa touche personnelle. « Je sème mes prairies sous couvert d'avoine de printemps, ce qui les protège de la sécheresse et leur permet un démarrage plus rapide. » Impossible pour les adventices de se frayer leur chemin !

Diversification des méteils

Côté céréales, Jean-Paul sème des méteils. À l'origine, le terme désigne un mélange de blé et de seigle. Les mélanges sont aujourd'hui diversifiés. Jean-Paul a, lui, opté principalement pour un mélange de féverole, pois, triticale et avoine.

Là encore, la couverture efficace du sol fait barrage aux adventices. La diversité des espèces évite la répétition trop rapide des mêmes cultures sur la même parcelle, et son corollaire, la sélection d'un cortège de mauvaises herbes et de maladies. « Le méteil, c'est le passage obligé quand on est bio et qu'on veut cultiver des céréales pour l'alimentation du troupeau, » résume Olivia Tremblay, animatrice du Civam 49 (1).

Et le maïs ? Ce n'est pas la technique du couvert qui fait le boulot mais un important travail de désherbage mécanique, avant et après le semis. « Il faut passer le déchaumeur, la herse et le cultivateur avant le semis. Puis la herse étrille avant la levée ainsi qu'au stade de trois/quatre feuilles. Puis deux passages de bineuse, énumère Thomas. Beaucoup de temps passé sur le tracteur. Et, selon la météo, il ne faut pas se louper ! »

(1) Centre d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural du Maine-et-Loire.

Par Xavier Bonnardel (publié le 04/11/2019)
A lire sur le site Ouest France