Après le départ de Monsanto, les paysans burkinabè veulent reconquérir leur autonomie semencière
Si Monsanto a décidé de quitter le Burkina Faso, les sociétés cotonnières maintiennent leur main-mise sur les semences de coton. Des milliers de producteurs de coton burkinabè entrent aujourd’hui en résistance pour reconquérir leur autonomie. Troisième et dernier volet de notre enquête.

Les paysans burkinabè ne parlent pas tous négativement de Monsanto et du coton transgénique, mais tous regrettent le monopole des sociétés cotonnières et de l’Union des producteurs sur le business des semences. Les premiers résultats de la thèse du burkinabè Edouard Sanou concernant l’impact socio-économique du coton OGM sur la population agricole, confirment nos impressions [1] : la quasi-totalité des paysans disent n’avoir jamais été consultés ni informés sur l’introduction des OGM tout en déclarant avoir des expériences positives avec ces variétés. Le coton transgénique requiert moins de traitements de pesticides – deux aspersions sur les six nécessaires en conventionnel – et son rendement n’est pas inférieur au coton conventionnel.

Pourtant, si rien ne change, les paysans devront continuer à travailler jour après jour sous un soleil de plomb, sans aucune emprise sur la semence. Même une fois Monsanto parti. Avec le maïs, le coton est en effet la seule culture de rente au Burkina Faso : elle permet aux paysans d’épargner pour payer l’école et les soins de santé. Un « luxe » auquel n’ont pas accès ceux qui pratiquent la seule agriculture dite « de subsistance ». « Avec l’argent du coton, je peux envoyer les seize enfants à ma charge à l’école », illustre Bazabo Bognana.

Les paysans obligés de racheter leurs propres graines

Face à des paysans « condamnés » à produire du coton, les entreprises cotonnières se sont appropriées tout un système de multiplication des semences. Traditionnellement, les paysans au Burkina Faso produisent et améliorent eux-mêmes leurs graines pour des cultures comme le maïs, les haricots, le sésame et le sorgho. Mais pour le coton c’est impossible. Les semences ne sont pourtant pas « terminator », c’est à dire impossibles à resemer. Mais les entreprises cotonnières abusent de l’impossibilité à séparer manuellement les graines de la fibre – toutes contenues dans la capsule de la plante – pour le faire elles-mêmes dans leurs usines d’égrenage. Elles commercialisent ensuite le coton sur le marché, et expédient une partie des graines vers des usines d’huile. Le reste est revendu aux agriculteurs comme semences.

« Ils reçoivent les meilleures semences issues de leur production, assure Georges Yameogo de la société burkinabè des fibres textiles (Sofitex). Le processus de la multiplication des semences est sûr et correct, garanti par l’Institut national d’expérimentation et de recherche agricole (INERA). » Mais la séparation industrielle de la fibre et de la graine donne lieu à beaucoup de corruption et d’abus. Certains paysans travaillant dans les usines de la Sofitex concluent un accord avec les chefs de l’usine et reçoivent gratuitement, à la fin de leur période de travail, des semences de bonne qualité.

De plus, contrairement à ce que dit Georges Yameogo, le cycle de reproduction de la semence ne recommence pas chaque année. « Si je reçois des semences de 1ère ou 2ème génération, j’ai de la chance : il y aura beaucoup de graines dans mon coton et le poids par hectare sera bon, détaille Mohamed Traore. Mais souvent je reçois des semences de 3ème, 4ème voire même 5ème génération. Ces semences produisent toujours de la fibre, mais presque plus de graines. Vu que la Sofitex paie mon coton au poids, je suis perdant puisque j’ai travaillé et investi autant que si j’avais eu des bonnes semences. » [...]

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Par Abdul Razac Napon, Mien de Graeve & Wouter Elsen (13/03/2017)