La Cour de cassation confirme la condamnation de l'Etat pour des contrôles au faciès
Dans une décision de principe, la juridiction suprême de l'ordre judiciaire confirme la responsabilité de l'Etat pour des contrôles de police jugés discriminatoires.

Oui, la police procède à des contrôles d'identité discriminatoires. La Cour de cassation l'a confirmé, dans un arrêt rendu mercredi, rendant ainsi définitive la condamnation de l’Etat pour des contrôles d’identité abusifs. La décision, qui fera jurisprudence, met un terme à la bataille judiciaire de treize plaignants, noirs et arabes, pour voir leur préjudice reconnu. Le Défenseur des Droits salue «une avancée majeure pour la garantie des droits des citoyens».

D’abord déboutés en première instance, puis soutenus par le Défenseur des droits, Jacques Toubon, cinq d’entre eux avaient obtenu satisfaction devant la Cour d’appel de Paris, en mars 2015. L’Etat avait alors été condamné pour «faute lourde» à verser des dommages-intérêts aux plaignants. La Cour de cassation valide donc le raisonnement des juges d’appel, estimant qu’un contrôle d’identité qui a pour seule base des caractéristiques physiques liées à une origine réelle ou supposée constitue une discrimination. Dans ce cas, la responsabilité de l’Etat est engagée.

Dans sa décision, la Cour de cassation précise la méthodologie pour déterminer si un contrôle est abusif ou non. Une personne qui saisit la justice doit apporter des éléments «qui laissent présumer l’existence d’une discirmination». C'est ensuite à l’administration de démontrer, soit une absence de discrimination, soit une différence de traitement «justifiée par des éléments objectifs», comme la correspondance au signalement d’un suspect recherché. Au juge, ensuite, de trancher, en fonction de la situation.

Un camouflet pour Valls

La condamnation de l’Etat est confirmée pour l’instant dans trois des cinq cas retenus par la Cour d’appel. Les deux autres condamnations sont cassées et seront rejugées. Dans un cas, le dossier a été cassé pour vice de forme, mais son caractère discriminatoire devrait être confirmé sans difficultés en appel. Pour l’autre, le juge aura à procéder à un nouvel examen des «éléments objectifs», pour déterminer si le contrôle était effectivement discriminatoire.

Après la condamnation de l’Etat par la Cour d’appel en 2015, la décision d’un pourvoi en cassation avait donné lieu à un arbitrage entre, d’un côté, Manuel Valls qui y était favorable, et de l'autre côté, Christiane Taubira, farouchement opposée. C’est Matignon qui l’avait emporté. Cet arrêt inflige donc une importante défaite symbolique au Premier ministre. Les huit autres personnes contrôlées dont l’appel avait été rejeté s’étaient également pourvues en cassation. Pour elles aussi, la Cour de cassation a confirmé la position de la Cour d’appel: ces contrôles n’étaient pas discriminatoires.

Cette condamnation définitive pourrait conduire à un important contentieux. De nombreux contrôles d'identité ont lieu chaque jour. Combien sont discriminatoires ? Depuis 2011, le collectif d'associations Stop contrôle au faciès, à l'origine de cette procédure contre l'Etat, a été contacté par plus de 2200 personnes.

Par Ismaël Halissat

Lire sur Libération (09/11/2016)