21 Juil 2016
37 ans de combat et une victoire pour un peuple aborigène d’Australie. Dans une décision historique du gouvernement australien, les Larrakia vont légalement redevenir propriétaires de leurs terres ancestrales, ainsi protégées par le droit.
Le Premier ministre australien Malcom Turnbull a annoncé la semaine dernière la reconnaissance d’un titre de propriété revendiqué depuis 37 ans par les Larrakia, un peuple aborigène. Il met ainsi un terme à une longue bataille judiciaire, la plus longue connue selon Reuters. Sa décision marque un tournant historique : les aborigènes ont été privés de leurs terres depuis le 18ème siècle, lorsque les Anglais ont établi une nouvelle colonie en Australie. Depuis, les populations autochtones continuent de subir de nombreuses injustices, y compris aujourd’hui. Inévitablement, leur combat se poursuit.
Dans un discours dont les mots n’ont pas été choisis au hasard, Malcolm Turnbull a expliqué : « Nous reconnaissons officiellement ce que les aborigènes savent depuis toujours : ceci est une terre aborigène », et d’ajouter : « j’ai conscience que les Larrakia ont pris soin de ces terres depuis plusieurs milliers d’années et que leurs chants ont résonné ici de manière immémoriale. » Ces paroles font écho à des luttes d’autres populations tout autour du globe, notamment en Amazonie ou encore en Ethiopie. Cependant, si le titre a bien été accordé à six représentants (le groupe Tommy Lyons), d’autres membres de la tribu maintiennent leur plainte.
Près de quarante ans de combat
L’affaire remonte à 1979, lorsque les Larrakia font valoir leur droit sur un territoire de 637 km2 situé sur la Péninsule de Cox, dans le Nord de l’Australie. La décision récente signifie donc l’aboutissement d’une longue et fatigante bataille. Cette victoire a été rendue possible par l’évolution du droit : depuis 1993, le Native Title Act donne la possibilité aux aborigènes de faire établir un titre de propriété par les autorités compétentes. Un processus qui n’est visiblement pas rapide ni simple…
Le Native Title Act permet aux populations autochtones de faire prévaloir l’antériorité de leur présence, si elles peuvent prouver l’existence d’un lien ininterrompu avec les terres réclamées. Cependant, à partir de cette date, vingt trois ans ont encore été nécessaires pour que les autochtones aient enfin gain de cause. La décision intervenue la semaine passée marque ainsi la fin de l’un des procès les plus longs de l’histoire australienne et va bénéficier à environ 1600 aborigènes. Au total, pas moins de 2,4 millions d’hectares, soit 31 pour cent de la totalité des terres immergées, font ainsi à l’heure actuelle l’objet d’un titre de propriété aborigène.
À cette occasion, les autorités ont également reconnu le traumatisme et la souffrance imposés aux populations qui ont été spoliées violemment de leurs terres. De manière implicite, il est fait référence au harcèlement subi par les aborigènes dans les années 1980. Parmi les violences, on compte des restrictions à la liberté de mouvement, ou encore le confinement dans des réserves. De la même manière, les enfants ont parfois été séparés de force de leurs parents dans le but de les éduquer selon la culture européenne..
Reconnaissance du droit à vivre autrement
La décision, bien qu’importante, n’est pourtant qu’un pas en avant dans une lutte qui doit continuer. Alors qu’il aura fallu attendre 1992 pour qu’un responsable d’État reconnaisse pour la première fois officiellement la responsabilité des Européens dans le sort réservé aux autochtones, le droit des aborigènes à mener une mode vie différent de celui importé par les colons reste un point essentiel du combat.
En Australie, près de 700.000 aborigènes vivent aux côtés des 23 millions de citoyens Australiens. Les premiers souffrent encore trop souvent de discriminations ainsi que des difficultés d’intégration. Ainsi, un rapport récent portant sur la région de Kimberley, dans l’Ouest de l’Australie, indique que le taux de suicides est sept fois supérieur au sein de la population aborigène que chez le reste de la population, signe d’un grand mal être qui accable ce peuple jusque dans sa chair.
Dans un article paru en mars 2015, le journal Le Monde révélait déjà d’autres aspects du conflit. Les propos du Premier Ministre d’alors, Tony Abbott, sont assez éloquents. Ce dernier précisait que les autorités du pays envisagent la « fermeture » de certains villages aborigènes, dont l’entretien (gaz, eau, électricité) serait trop coûteux pour le reste de la société… Ce projet serait rendu nécessaire et justifié en raison « [des] choix de vie des aborigènes, [qui] ne leur permettent pas de participer pleinement au développement de la société australienne ». En réalité, cette politique discriminatoire exprime l’incapacité des gouvernements successifs à reconnaître la spécificité de la culture aborigène et un glissement silencieux vers des politiques réactionnaires.
Dans un contexte mondiale où la montée des nationalismes et du repli identitaire sont palpables, le combat des aborigènes d’Australie est loin d’être terminé, tout comme celui de nombreuses minorités à travers le monde…
A lire sur le site de mrmondialisation.org (29/06/2016)
Le Premier ministre australien Malcom Turnbull a annoncé la semaine dernière la reconnaissance d’un titre de propriété revendiqué depuis 37 ans par les Larrakia, un peuple aborigène. Il met ainsi un terme à une longue bataille judiciaire, la plus longue connue selon Reuters. Sa décision marque un tournant historique : les aborigènes ont été privés de leurs terres depuis le 18ème siècle, lorsque les Anglais ont établi une nouvelle colonie en Australie. Depuis, les populations autochtones continuent de subir de nombreuses injustices, y compris aujourd’hui. Inévitablement, leur combat se poursuit.
Dans un discours dont les mots n’ont pas été choisis au hasard, Malcolm Turnbull a expliqué : « Nous reconnaissons officiellement ce que les aborigènes savent depuis toujours : ceci est une terre aborigène », et d’ajouter : « j’ai conscience que les Larrakia ont pris soin de ces terres depuis plusieurs milliers d’années et que leurs chants ont résonné ici de manière immémoriale. » Ces paroles font écho à des luttes d’autres populations tout autour du globe, notamment en Amazonie ou encore en Ethiopie. Cependant, si le titre a bien été accordé à six représentants (le groupe Tommy Lyons), d’autres membres de la tribu maintiennent leur plainte.
Près de quarante ans de combat
L’affaire remonte à 1979, lorsque les Larrakia font valoir leur droit sur un territoire de 637 km2 situé sur la Péninsule de Cox, dans le Nord de l’Australie. La décision récente signifie donc l’aboutissement d’une longue et fatigante bataille. Cette victoire a été rendue possible par l’évolution du droit : depuis 1993, le Native Title Act donne la possibilité aux aborigènes de faire établir un titre de propriété par les autorités compétentes. Un processus qui n’est visiblement pas rapide ni simple…
Le Native Title Act permet aux populations autochtones de faire prévaloir l’antériorité de leur présence, si elles peuvent prouver l’existence d’un lien ininterrompu avec les terres réclamées. Cependant, à partir de cette date, vingt trois ans ont encore été nécessaires pour que les autochtones aient enfin gain de cause. La décision intervenue la semaine passée marque ainsi la fin de l’un des procès les plus longs de l’histoire australienne et va bénéficier à environ 1600 aborigènes. Au total, pas moins de 2,4 millions d’hectares, soit 31 pour cent de la totalité des terres immergées, font ainsi à l’heure actuelle l’objet d’un titre de propriété aborigène.
À cette occasion, les autorités ont également reconnu le traumatisme et la souffrance imposés aux populations qui ont été spoliées violemment de leurs terres. De manière implicite, il est fait référence au harcèlement subi par les aborigènes dans les années 1980. Parmi les violences, on compte des restrictions à la liberté de mouvement, ou encore le confinement dans des réserves. De la même manière, les enfants ont parfois été séparés de force de leurs parents dans le but de les éduquer selon la culture européenne..
Reconnaissance du droit à vivre autrement
La décision, bien qu’importante, n’est pourtant qu’un pas en avant dans une lutte qui doit continuer. Alors qu’il aura fallu attendre 1992 pour qu’un responsable d’État reconnaisse pour la première fois officiellement la responsabilité des Européens dans le sort réservé aux autochtones, le droit des aborigènes à mener une mode vie différent de celui importé par les colons reste un point essentiel du combat.
En Australie, près de 700.000 aborigènes vivent aux côtés des 23 millions de citoyens Australiens. Les premiers souffrent encore trop souvent de discriminations ainsi que des difficultés d’intégration. Ainsi, un rapport récent portant sur la région de Kimberley, dans l’Ouest de l’Australie, indique que le taux de suicides est sept fois supérieur au sein de la population aborigène que chez le reste de la population, signe d’un grand mal être qui accable ce peuple jusque dans sa chair.
Dans un article paru en mars 2015, le journal Le Monde révélait déjà d’autres aspects du conflit. Les propos du Premier Ministre d’alors, Tony Abbott, sont assez éloquents. Ce dernier précisait que les autorités du pays envisagent la « fermeture » de certains villages aborigènes, dont l’entretien (gaz, eau, électricité) serait trop coûteux pour le reste de la société… Ce projet serait rendu nécessaire et justifié en raison « [des] choix de vie des aborigènes, [qui] ne leur permettent pas de participer pleinement au développement de la société australienne ». En réalité, cette politique discriminatoire exprime l’incapacité des gouvernements successifs à reconnaître la spécificité de la culture aborigène et un glissement silencieux vers des politiques réactionnaires.
Dans un contexte mondiale où la montée des nationalismes et du repli identitaire sont palpables, le combat des aborigènes d’Australie est loin d’être terminé, tout comme celui de nombreuses minorités à travers le monde…
A lire sur le site de mrmondialisation.org (29/06/2016)