17 Oct 2013
Sujets de harcèlements policiers et de discriminations, rejetés avant même d’être accueillis, les roms migrants voient leurs séjours en France rythmés par les expulsions et des conditions de vie précaires. Certaines collectivités décident cependant d’intervenir. Une prise en charge qui est souvent trop limitée. Des « villages d’insertion » au relogement durable, petit panorama des initiatives mises en œuvre en Île-de-France.
Originaires de différents pays d’Europe, les « roms migrants » ont choisi de venir en France, majoritairement pour des raisons économiques et pour y séjourner pendant des périodes plus ou moins longues, voire pour tenter de s’y installer définitivement. La présence de Roms migrants en Île–de–France est très ancienne. Les premiers arrivés, dès les années 1960, venaient des pays de l’ex-Yougoslavie. Une partie d’entre eux parait maintenant intégrée ou, en tous cas est devenue invisible, au sein d’autres communautés tsiganes à Montreuil et aux alentours.
Environ 6 000 roms en Île-de-France
Depuis 1989, ont commencé à arriver des Roms originaires de Roumanie d’abord, puis quelques années plus tard, de Bulgarie. Initialement, ils traversaient clandestinement la frontière. A partir de 2002, les accords de Schengen ont facilité leur venue, même si une pratique illégale de demande d’argent était demandée aux douanes. En 2007, à la suite de l’élargissement de l’Union européenne (UE) à la Roumanie et la Bulgarie, les contrôles aux frontières ont disparu. Comme l’ensemble des ressortissants européens, ces Roms ont bénéficié de la libre circulation. Certes ils sont venus plus nombreux mais leur nombre total reste très faible comparativement à d’autres migrants. Il est difficile à évaluer mais on peut l’estimer à 5 000 ou 6 000 personnes en Île–de–France [1].
Peu nombreux mais visibles… car ce sont eux qui en grande majorité peuplent les bidonvilles qui sont apparus – ou réapparus – un peu partout en Île–de–France, dans les friches industrielles voire rurales selon les départements. En effet, n’ayant en pratique pas d’accès aux hébergements auxquels la loi sur le Droit au logement opposable (DALO) leur donnerait pourtant droit, ils s’installent sans droits, ni titres, sur des terrains où ils rejoignent souvent une partie de leur famille ou des concitoyens originaires du même village. Ils bâtissent des cabanes et vivent dans des conditions sanitaires extrêmement précaires.
Les bidonvilles dérangent… Les voisins sont choqués. Certains se mobilisent pour qu’on les chasse afin de ne plus voir cette misère. Ou s’indignent que des familles – les femmes et les enfants constituent la moitié des populations migrantes – doivent vivre dans de telles conditions. Des accidents, en particulier des incendies, surviennent régulièrement, plusieurs enfants sont morts ces dernières années. Cette situation interpelle les élus territoriaux, certains sont indignés, beaucoup se disent impuissants et rejettent les responsabilités sur l’État ou l’Europe.
« Aide à l’éradication des bidonvilles » et village d’insertion
Les premières actions en faveur des Roms migrants ont été engagées par les collectivités locales, souvent sous la pression et parfois avec la contribution des associations et des collectifs de soutien. Elles peuvent consister à apporter une aide minimale aux personnes en situation précaire pour améliorer les conditions sanitaires : ouverture d’un point eau,
installation de toilettes provisoires (sanitaires de chantier), mise à disposition de bennes à ordures. Mais beaucoup d’élus restent encore réticents à apporter ce qui devrait être considéré comme un minimum de dignité, au prétexte que cela pourrait pérenniser la présence des familles roms dont ils ne veulent pas sur leur territoire.
Trois grandes étapes ont marqué l’implication des collectivités dans la région :
2000–2005 : des initiatives en ordre dispersé
A Saint–Denis (93), le maire a signé le 16 juin 2003 une convention directement avec les habitants d’un terrain appelé Hanul [2]. Cet accord direct restera une exception. Il s’agissait d’une convention d’occupation [3] à titre provisoire, permettant aux familles de se stabiliser, d’établir des contacts avec l’environnement social et économique et aux associations engagées sur le terrain, d’envisager un accompagnement sur la durée. Mais le 6 juillet 2010, la préfecture de Seine Saint Denis procédait à l’expulsion de ce terrain devenu mythique.
Dans le Val de Marne, le Conseil général s’est très fortement mobilisé dès 2003 pour mettre à l’abri des groupes de famille présentes depuis longtemps dans plusieurs bidonvilles du département, en les logeant dans des immeubles de voirie [4] et une ancienne gendarmerie dont il était propriétaire à Saint–Maur. Les associations locales se sont fortement mobilisées autour de ce projet en promouvant une très forte participation des familles roms à la gestion de l’habitat et l’accompagnement social.
2005 : l’engagement de la région et la mise en place des « villages d’insertion »
Résultat aussi bien de l’implantation des migrants dans les marges urbaines que des évacuations de terrain, qui se sont progressivement intensifiées, la multiplication des bidonvilles et des campements est indéniable dans les années 2000. Ce phénomène, ainsi que la passivité fréquente des collectivités locales et les difficultés de financement rencontrées par d’autres qui, au contraire, se sont engagées aux côtés des anciens squatteurs
(Bagnolet, Aubervilliers), ont favorisé l’implication de la région Île–de–France à partir de 2005. Cette dernière a en effet voté une « aide à l’éradication des bidonvilles », soit une participation aux frais d’équipement des sites d’hébergement à hauteur de 500 000 Euros, à condition que les projets présentés respectent les conditions suivantes : relogement provisoire hors site dans des constructions modulaires ou des bâtiments désaffectés ; seuil maximum de personnes hébergées fixé à 80 personnes ; accompagnement social.
Si, dans l’ensemble, la politique régionale n’a pas eu les effets escomptés car peu de collectivités locales ont présenté des projets, les conditions d’éligibilité ont constitué le gabarit des opérations engagées les années suivantes. C’est notamment le cas des « villages d’insertion » mis en place par l’État et par les collectivités locales à partir de 2007, d’abord à Aubervilliers puis à Bagnolet, à Saint–Denis et à Saint–Ouen, dans le
cadre de la démolition des grands bidonvilles qui se sont développés aux portes de Paris [5].
Les acteurs locaux à la recherche d’alternatives aux « villages »
Après la victoire des écologistes aux élections municipales de 2008, la municipalité de Montreuil fait partie des premières collectivités à envisager d’autres modes d’intervention avec la mise en place de deux MOUS (Maîtrise
d’œuvre urbaine et sociale) [6].
Plus récemment, la Mairie de Saint–Denis s’est engagée dans une voie alternative au « village ». Suite à l’évacuation du terrain du Hanul par les
forces de l’ordre en juillet 2010, une partie des anciens squatteurs s’est réfugiée sur des parcelles, visiblement abandonnées au passage Dupont, dans la cité Federico Garcia, à quelques centaines de mètres du Stade de France et de sa station RER. Plutôt que d’expulser les squatteurs, la municipalité s’est engagée dans un nouveau projet d’hébergement, avec le soutien de plusieurs associations mobilisées auprès des familles (Rajnawak et Voix des Rroms). Avec les familles, les associations et les élus intéressés doivent définir un projet de relogement « pérenne », rompant ainsi
avec l’idée d’hébergement provisoire, fondement des projets antérieurs, à commencer par les « villages ».
Récemment, le Conseil général du 94, à l’initiative des collectifs de soutien, a mis en place un « lieu d’accueil et d’insertion des populations marginalisées » dans la ville d’Orly. 74 personnes auparavant installées dans deux bidonvilles à Villeneuve le Roi et Orly ont été sélectionnées suivant plusieurs critères (la durée de la présence sur le territoire, la volonté de s’insérer dans ce dispositif et la scolarisation des enfants) pour participer à ce projet. 17 cabanes en bois montées par les familles ont vu le jour en décembre 2011. Il n’y a pas de système de gardiennage. Une association est en charge de l’accompagnement social des familles pour les démarches pour l’accès à l’emploi, à la santé, etc. Le projet s’inscrit dans une durée de 3 à 5 ans.
Si les regroupements sont toujours d’actualité, il semble qu’en fonction du possible, on favorise désormais des projets dans des logements « en dur », c’est–à–dire dans le parc social existant. Cette solution prévaut également dans d’autres régions (Lille, Lyon, Marseille, etc.).
Quel bilan de ces initiatives ?
En conclusion de ce panorama rapide et loin d’être exhaustif des expériences d’hébergement et d’insertion engagées en Île–de–France depuis la fin des années 1990, il est nécessaire de souligner la diversité des actions engagées sur le terrain, ce qui s’explique peut–être par la multiplicité des acteurs impliqués dans les différents projets : collectivités territoriales ; représentants locaux de l’État ; acteurs historiques de l’intervention en bidonville ; associations conventionnées spécialisées dans l’insertion par le logement ; comités et associations de soutien ; associations roms ; organisations humanitaires ; etc.
Si la diversité des actions d’hébergement et d’insertion est indiscutable, il existe cependant des points communs. D’abord, l’entrée par l’habitat est récurrente. De fait, les acteurs institutionnels comme les acteurs associatifs semblent avant tout chercher à résoudre un problème d’hébergement ou de place. Comment expliquer cette insistance ? S’agit–il de suppléer l’absence de l’État, qui en maintenant les mesures transitoires rend quasi impossible toute insertion par l’emploi ? Ou alors d’en finir avec la présence des bidonvilles et la vision de la pauvreté, toujours source de troubles à l’échelle du voisinage ? A moins que le contexte urbain marqué par la raréfaction des ressources foncières et immobilières oblige les acteurs locaux à régler avant tout le problème de la place en ville des migrants roms qui sont presque toujours perçus comme des indésirables ?
Un deuxième point commun réside dans le fait que les initiatives locales sont fréquemment des bricolages ou des arrangements, qui sont effectués dans l’urgence, le plus souvent suite à un incendie ou à un autre évènement dramatique de ce genre.
Il n’y a pas de planification ou de vision d’ensemble même si l’aide pour l’éradication des bidonvilles votée par la Région Île–de–France en 2005 a probablement constitué un moment important dans la construction des politiques actuelles du bidonville en région parisienne. Aujourd’hui, la vision d’ensemble s’impose néanmoins, ne serait–ce qu’en raison des mobilités qui, largement déterminées par les évacuations de terrain, se réalisent
le plus souvent dans le cadre du territoire francilien.
C’est ainsi que l’on peut interpréter l’implantation de nombreuses familles roms à Montreuil à partir de 2009. Loin d’être arrivées de Roumanie comme on l’a souvent entendu, ces familles arrivaient en fait des villes voisines (Aubervilliers, Saint–Denis...) qu’elles avaient dû quitter suite aux évacuations par les forces de l’ordre. « L’appel d’air » souvent dénoncé par les détracteurs de la politique montreuilloise mérite donc d’être relativisé.
Enfin, la politique de rejet (expulsions des personnes, évacuation des terrains, renforcement des procédures d’exclusion juridique et discriminatoires) constitue toujours l’arrière–plan des initiatives des acteurs locaux, car elle détermine les possibilités effectives d’insertion des migrants et de réussite des projets.
Après une dizaine d’années d’actions aux côtés des migrants roms en situation précaire dans les villes d’Île–de–France, le bilan reste à faire. C’est même une priorité, si l’on tient compte des progrès des discours anti–roms non seulement dans les pays voisins, comme l’Italie ou l’Espagne, ou encore en Europe centrale, mais aussi en France. Si elle doit s’appuyer sur des aspects permettant d’avoir une connaissance de l’efficacité de ces dispositifs (accès au logement de droit commun [7] par la procédure DALO, scolarisation, accès à l’emploi, à la protection de la santé), cette évaluation doit absolument tenir compte de l’avis des intéressés, car les migrants sont toujours les premiers à amorcer le processus d’intégration. Et ce, sans perdre de vue le contexte global, en particulier le renforcement des politiques de rejet qui contribue à accroître la précarité de la très grande majorité des migrants roms présents sur le territoire francilien.
Lire l'article sur le site de: Bastamag (27/09/2013)
Originaires de différents pays d’Europe, les « roms migrants » ont choisi de venir en France, majoritairement pour des raisons économiques et pour y séjourner pendant des périodes plus ou moins longues, voire pour tenter de s’y installer définitivement. La présence de Roms migrants en Île–de–France est très ancienne. Les premiers arrivés, dès les années 1960, venaient des pays de l’ex-Yougoslavie. Une partie d’entre eux parait maintenant intégrée ou, en tous cas est devenue invisible, au sein d’autres communautés tsiganes à Montreuil et aux alentours.
Environ 6 000 roms en Île-de-France
Depuis 1989, ont commencé à arriver des Roms originaires de Roumanie d’abord, puis quelques années plus tard, de Bulgarie. Initialement, ils traversaient clandestinement la frontière. A partir de 2002, les accords de Schengen ont facilité leur venue, même si une pratique illégale de demande d’argent était demandée aux douanes. En 2007, à la suite de l’élargissement de l’Union européenne (UE) à la Roumanie et la Bulgarie, les contrôles aux frontières ont disparu. Comme l’ensemble des ressortissants européens, ces Roms ont bénéficié de la libre circulation. Certes ils sont venus plus nombreux mais leur nombre total reste très faible comparativement à d’autres migrants. Il est difficile à évaluer mais on peut l’estimer à 5 000 ou 6 000 personnes en Île–de–France [1].
Peu nombreux mais visibles… car ce sont eux qui en grande majorité peuplent les bidonvilles qui sont apparus – ou réapparus – un peu partout en Île–de–France, dans les friches industrielles voire rurales selon les départements. En effet, n’ayant en pratique pas d’accès aux hébergements auxquels la loi sur le Droit au logement opposable (DALO) leur donnerait pourtant droit, ils s’installent sans droits, ni titres, sur des terrains où ils rejoignent souvent une partie de leur famille ou des concitoyens originaires du même village. Ils bâtissent des cabanes et vivent dans des conditions sanitaires extrêmement précaires.
Les bidonvilles dérangent… Les voisins sont choqués. Certains se mobilisent pour qu’on les chasse afin de ne plus voir cette misère. Ou s’indignent que des familles – les femmes et les enfants constituent la moitié des populations migrantes – doivent vivre dans de telles conditions. Des accidents, en particulier des incendies, surviennent régulièrement, plusieurs enfants sont morts ces dernières années. Cette situation interpelle les élus territoriaux, certains sont indignés, beaucoup se disent impuissants et rejettent les responsabilités sur l’État ou l’Europe.
« Aide à l’éradication des bidonvilles » et village d’insertion
Les premières actions en faveur des Roms migrants ont été engagées par les collectivités locales, souvent sous la pression et parfois avec la contribution des associations et des collectifs de soutien. Elles peuvent consister à apporter une aide minimale aux personnes en situation précaire pour améliorer les conditions sanitaires : ouverture d’un point eau,
installation de toilettes provisoires (sanitaires de chantier), mise à disposition de bennes à ordures. Mais beaucoup d’élus restent encore réticents à apporter ce qui devrait être considéré comme un minimum de dignité, au prétexte que cela pourrait pérenniser la présence des familles roms dont ils ne veulent pas sur leur territoire.
Trois grandes étapes ont marqué l’implication des collectivités dans la région :
2000–2005 : des initiatives en ordre dispersé
A Saint–Denis (93), le maire a signé le 16 juin 2003 une convention directement avec les habitants d’un terrain appelé Hanul [2]. Cet accord direct restera une exception. Il s’agissait d’une convention d’occupation [3] à titre provisoire, permettant aux familles de se stabiliser, d’établir des contacts avec l’environnement social et économique et aux associations engagées sur le terrain, d’envisager un accompagnement sur la durée. Mais le 6 juillet 2010, la préfecture de Seine Saint Denis procédait à l’expulsion de ce terrain devenu mythique.
Dans le Val de Marne, le Conseil général s’est très fortement mobilisé dès 2003 pour mettre à l’abri des groupes de famille présentes depuis longtemps dans plusieurs bidonvilles du département, en les logeant dans des immeubles de voirie [4] et une ancienne gendarmerie dont il était propriétaire à Saint–Maur. Les associations locales se sont fortement mobilisées autour de ce projet en promouvant une très forte participation des familles roms à la gestion de l’habitat et l’accompagnement social.
2005 : l’engagement de la région et la mise en place des « villages d’insertion »
Résultat aussi bien de l’implantation des migrants dans les marges urbaines que des évacuations de terrain, qui se sont progressivement intensifiées, la multiplication des bidonvilles et des campements est indéniable dans les années 2000. Ce phénomène, ainsi que la passivité fréquente des collectivités locales et les difficultés de financement rencontrées par d’autres qui, au contraire, se sont engagées aux côtés des anciens squatteurs
(Bagnolet, Aubervilliers), ont favorisé l’implication de la région Île–de–France à partir de 2005. Cette dernière a en effet voté une « aide à l’éradication des bidonvilles », soit une participation aux frais d’équipement des sites d’hébergement à hauteur de 500 000 Euros, à condition que les projets présentés respectent les conditions suivantes : relogement provisoire hors site dans des constructions modulaires ou des bâtiments désaffectés ; seuil maximum de personnes hébergées fixé à 80 personnes ; accompagnement social.
Si, dans l’ensemble, la politique régionale n’a pas eu les effets escomptés car peu de collectivités locales ont présenté des projets, les conditions d’éligibilité ont constitué le gabarit des opérations engagées les années suivantes. C’est notamment le cas des « villages d’insertion » mis en place par l’État et par les collectivités locales à partir de 2007, d’abord à Aubervilliers puis à Bagnolet, à Saint–Denis et à Saint–Ouen, dans le
cadre de la démolition des grands bidonvilles qui se sont développés aux portes de Paris [5].
Les acteurs locaux à la recherche d’alternatives aux « villages »
Après la victoire des écologistes aux élections municipales de 2008, la municipalité de Montreuil fait partie des premières collectivités à envisager d’autres modes d’intervention avec la mise en place de deux MOUS (Maîtrise
d’œuvre urbaine et sociale) [6].
Plus récemment, la Mairie de Saint–Denis s’est engagée dans une voie alternative au « village ». Suite à l’évacuation du terrain du Hanul par les
forces de l’ordre en juillet 2010, une partie des anciens squatteurs s’est réfugiée sur des parcelles, visiblement abandonnées au passage Dupont, dans la cité Federico Garcia, à quelques centaines de mètres du Stade de France et de sa station RER. Plutôt que d’expulser les squatteurs, la municipalité s’est engagée dans un nouveau projet d’hébergement, avec le soutien de plusieurs associations mobilisées auprès des familles (Rajnawak et Voix des Rroms). Avec les familles, les associations et les élus intéressés doivent définir un projet de relogement « pérenne », rompant ainsi
avec l’idée d’hébergement provisoire, fondement des projets antérieurs, à commencer par les « villages ».
Récemment, le Conseil général du 94, à l’initiative des collectifs de soutien, a mis en place un « lieu d’accueil et d’insertion des populations marginalisées » dans la ville d’Orly. 74 personnes auparavant installées dans deux bidonvilles à Villeneuve le Roi et Orly ont été sélectionnées suivant plusieurs critères (la durée de la présence sur le territoire, la volonté de s’insérer dans ce dispositif et la scolarisation des enfants) pour participer à ce projet. 17 cabanes en bois montées par les familles ont vu le jour en décembre 2011. Il n’y a pas de système de gardiennage. Une association est en charge de l’accompagnement social des familles pour les démarches pour l’accès à l’emploi, à la santé, etc. Le projet s’inscrit dans une durée de 3 à 5 ans.
Si les regroupements sont toujours d’actualité, il semble qu’en fonction du possible, on favorise désormais des projets dans des logements « en dur », c’est–à–dire dans le parc social existant. Cette solution prévaut également dans d’autres régions (Lille, Lyon, Marseille, etc.).
Quel bilan de ces initiatives ?
En conclusion de ce panorama rapide et loin d’être exhaustif des expériences d’hébergement et d’insertion engagées en Île–de–France depuis la fin des années 1990, il est nécessaire de souligner la diversité des actions engagées sur le terrain, ce qui s’explique peut–être par la multiplicité des acteurs impliqués dans les différents projets : collectivités territoriales ; représentants locaux de l’État ; acteurs historiques de l’intervention en bidonville ; associations conventionnées spécialisées dans l’insertion par le logement ; comités et associations de soutien ; associations roms ; organisations humanitaires ; etc.
Si la diversité des actions d’hébergement et d’insertion est indiscutable, il existe cependant des points communs. D’abord, l’entrée par l’habitat est récurrente. De fait, les acteurs institutionnels comme les acteurs associatifs semblent avant tout chercher à résoudre un problème d’hébergement ou de place. Comment expliquer cette insistance ? S’agit–il de suppléer l’absence de l’État, qui en maintenant les mesures transitoires rend quasi impossible toute insertion par l’emploi ? Ou alors d’en finir avec la présence des bidonvilles et la vision de la pauvreté, toujours source de troubles à l’échelle du voisinage ? A moins que le contexte urbain marqué par la raréfaction des ressources foncières et immobilières oblige les acteurs locaux à régler avant tout le problème de la place en ville des migrants roms qui sont presque toujours perçus comme des indésirables ?
Un deuxième point commun réside dans le fait que les initiatives locales sont fréquemment des bricolages ou des arrangements, qui sont effectués dans l’urgence, le plus souvent suite à un incendie ou à un autre évènement dramatique de ce genre.
Il n’y a pas de planification ou de vision d’ensemble même si l’aide pour l’éradication des bidonvilles votée par la Région Île–de–France en 2005 a probablement constitué un moment important dans la construction des politiques actuelles du bidonville en région parisienne. Aujourd’hui, la vision d’ensemble s’impose néanmoins, ne serait–ce qu’en raison des mobilités qui, largement déterminées par les évacuations de terrain, se réalisent
le plus souvent dans le cadre du territoire francilien.
C’est ainsi que l’on peut interpréter l’implantation de nombreuses familles roms à Montreuil à partir de 2009. Loin d’être arrivées de Roumanie comme on l’a souvent entendu, ces familles arrivaient en fait des villes voisines (Aubervilliers, Saint–Denis...) qu’elles avaient dû quitter suite aux évacuations par les forces de l’ordre. « L’appel d’air » souvent dénoncé par les détracteurs de la politique montreuilloise mérite donc d’être relativisé.
Enfin, la politique de rejet (expulsions des personnes, évacuation des terrains, renforcement des procédures d’exclusion juridique et discriminatoires) constitue toujours l’arrière–plan des initiatives des acteurs locaux, car elle détermine les possibilités effectives d’insertion des migrants et de réussite des projets.
Après une dizaine d’années d’actions aux côtés des migrants roms en situation précaire dans les villes d’Île–de–France, le bilan reste à faire. C’est même une priorité, si l’on tient compte des progrès des discours anti–roms non seulement dans les pays voisins, comme l’Italie ou l’Espagne, ou encore en Europe centrale, mais aussi en France. Si elle doit s’appuyer sur des aspects permettant d’avoir une connaissance de l’efficacité de ces dispositifs (accès au logement de droit commun [7] par la procédure DALO, scolarisation, accès à l’emploi, à la protection de la santé), cette évaluation doit absolument tenir compte de l’avis des intéressés, car les migrants sont toujours les premiers à amorcer le processus d’intégration. Et ce, sans perdre de vue le contexte global, en particulier le renforcement des politiques de rejet qui contribue à accroître la précarité de la très grande majorité des migrants roms présents sur le territoire francilien.
Lire l'article sur le site de: Bastamag (27/09/2013)