Arbitrage : Bernard Tapie placé en garde à vue
Bernard Tapie a été placé en garde à vue lundi matin à l'Hôtel-Dieu dans le cadre de l’enquête sur l’arbitrage qui lui avait octroyé en 2008 plus de 400 millions d’euros dans son litige avec le Crédit lyonnais sur la vente d’Adidas, selon une source proche de l’enquête.

A deux pas du Palais de Justice, l’Hôtel-Dieu abrite les urgences médico-judiciaires et dispose d’une salle spécialisée, la salle Cusco, pouvant accueillir des gardés à vue nécessitant une surveillance médicale.

Toujours selon cette source proche de l'enquête, Jean Bruneau, ancien président de l’association des petits porteurs de BTF (Bernard Tapie Finances, ancienne société cotée en Bourse), a également été placé en garde à vue.

Depuis fin mai, trois personnes ont été mises en examen dans cette affaire pour «escroquerie en bande organisée», un cadre dans lequel la garde à vue peut durer jusqu’à quatre jours.

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Il y a cinq ans, Bernard Tapie, qui a connu fortune, gloire et prison, avait obtenu 403 millions d’euros d’un tribunal arbitral, en règlement du litige avec le Crédit Lyonnais né de la vente en 1993 de l’équipementier sportif Adidas, qu’il avait acquis trois ans plus tôt.

Les juges d’instruction soupçonnent cet arbitrage d’avoir été biaisé à son profit. Ils veulent savoir comment l’homme d’affaires a plaidé sa cause à l’Elysée et au ministère de l’Economie et s’intéressent de près à ses liens avec les arbitres.

Stéphane Richard, le PDG d’Orange et ex-directeur de cabinet de l’ancienne ministre de l’Economie Christine Lagarde, l’ancien patron du Consortium de réalisation (CDR, chargé de gérer l’héritage du Crédit Lyonnais) Jean-François Rocchi, et l’un des juges arbitraux, Pierre Estoup, ont été mis en examen pour «escroquerie en bande organisée» dans ce dossier.

Lors de ces mises en examen, les juges ont estimé que les trois hommes avaient pu participer à «un simulacre d’arbitrage» afin de pousser l’Etat, le CDR et l’EPFR, structure publique chapeautant le CDR, «à accepter un compromis d’arbitrage contraire à leurs intérêts».

Christine Lagarde a elle été placée sous le statut de témoin assisté après deux jours d’audition par les magistrats de la Cour de justice de la république (CJR), instance habilitée à juger des délits imputables aux ministres dans l’exercice de leurs fonctions.

Une réunion clé en 2007

Une date clé de l’affaire paraît être une réunion tenue fin juillet 2007 à l’Elysée en présence, selon Stéphane Richard, du secrétaire général Claude Guéant, du secrétaire général adjoint François Pérol, de Jean-François Rocchi, du conseiller justice de l’Elysée Patrick Ouart, mais également de Tapie.

Lors de cette réunion, Claude Guéant avait tranché: «Nous allons faire l’arbitrage», a rapporté Stéphane Richard aux enquêteurs, se disant «surpris» de s’être retrouvé face à Guéant, Pérol et Tapie. Placé au coeur de l’affaire, Claude Guéant devrait lui aussi être prochainement convoqué par les enquêteurs, qui ont déjà perquisitionné son cabinet et son domicile.

Sur la réunion à l’Elysée, Tapie a multiplié les interviews, laissant entendre qu’il avait pu effectivement prendre part à une telle rencontre. S’il a expliqué à l’AFP «ne pas se souvenir de cette réunion à cette date», il a jugé que sa participation «pour expliquer (sa) position» lui paraîtrait «un processus logique».

L’enquête a également montré que Tapie avait eu plusieurs rendez-vous avec Nicolas Sarkozy à l’Elysée en 2007 et 2008. L’homme d’affaires devrait également s’expliquer sur ses liens avec l’arbitre Pierre Estoup, ancien haut magistrat à la cour d’appel de Versailles.

Les enquêteurs en particulier s’interrogent sur le sens d’une dédicace faite par Tapie, en juin 1998, dans un livre offert à Pierre Estoup. «Votre soutien a changé le cours de mon destin», lui écrivait-il. Comme l’a révélé le Monde, les policiers s’interrogent sur une possible tentative d’intervention de Pierre Estoup en faveur de l’homme d’affaires lors d’un procès sur les comptes de l’Olympique de Marseille. Dans ce procès en appel, l’homme d’affaires avait finalement évité toute peine de prison ferme. Selon Tapie, cette dédicace n’a rien à voir avec ce procès.

Les enquêteurs fouillent également les liens entretenus par deux avocats proches de Bernard Tapie, Me Maurice Lantourne et Me Francis Chouraqui, avec Pierre Estoup. Un arbitre ne doit théoriquement pas avoir de liens avec les parties avant son arbitrage.

Lire l'article sur le site de Libération (24/06/2013)