L’usine Vio.Me. commence sa production sous contrôle ouvrier !
«Nous sommes ceux qui pétrissent et nous n’avons pourtant pas de pain,
nous sommes ceux qui extraient le charbon et nous avons pourtant froid.
Nous sommes ceux qui ne possèdent rien
et nous arrivons pour prendre le monde»

Tassos Livaditis (poète grec, 1922-1988)

Au cœur de la crise, les travailleurs de Vio.Me. [1] visent le cœur de l’exploitation et de la propriété. Alors que le taux de chômage atteint 30% en Grèce,alors que le revenu des travailleurs est nul, fatigués et irrités par des phrases pompeuses, des promesses et de nouveaux impôts, sans salaire depuis mai 2011 et sans travail du fait de l’abandon de l’usine par leurs employeurs, les travailleurs de Vio.Me, à la suite d’une décision prise lors de leur assemblée générale, ont fait part de leur détermination à ne pas devenir les proies d’un chômage permanent mais plutôt de lutter afin de s’approprier l’usine et de la faire fonctionner eux-mêmes. En octobre 2011, par le biais d’une proposition officielle, ils ont revendiqué la constitution d’une coopérative ouvrière, demandant une reconnaissance légale pour leur propre coopérative ainsi que pour celles qui suivront. Ils ont revendiqué, en parallèle, l’argent nécessaire pour faire fonctionner l’usine. Cet argent leur appartient quoi qu’il en soit puisque se sont eux qui produisent la richesse de la société. Le plan qu’ils ont établi n’a rencontré qu’indifférence de la part de l’Etat et des bureaucraties syndicales. Il a toutefois rencontré l’enthousiasme au sein des mouvements sociaux, lesquels ont lutté au cours des derniers six mois pour répandre le message de Vio.Me. à l’ensemble de la société, cela par la création de l’Open Initiative of Solidarity à Thessalonique, puis par la mise sur pied d’initiatives identiques dans beaucoup d’autres villes.

Le temps du contrôle ouvrier de Vio.Me. est venu !

Les travailleurs ne peuvent attendre plus longtemps que l’Etat en banqueroute réalise ses promesses creuses de soutien (même l’aide d’urgence de 1000 euros promise par le ministre du Travail – actuellement Yannis Vroutsis – n’a jamais été approuvée par le ministre des Finances – actuellement Yannis Stournaras). Il est temps que Vio.Me. reprenne son activité, non pas par ses anciens patrons ou même par de nouveaux, mais par les travailleurs eux-mêmes. Cela devrait aussi bien être le cas d’autres usines qui sont en train d’être fermées, qui se déclarent en faillite ou qui licencient des travailleurs. La lutte ne peut se limiter à Vio.Me. Pour qu’elle puisse être victorieuse, elle doit être généralisée et s’étendre à toutes les usines et à tous les commerces qui sont en train d’être fermés. C’est seulement par la constitution d’un réseau d’entreprises autogérées que Vio.Me. sera capable de prospérer et d’éclairer le chemin d’une organisation différente de la production et de l’économie, sans exploitation, sans inégalité et sans hiérarchie.

Alors que les usines ferment les unes après les autres, alors que le nombre de chômeurs et chômeuses en Grèce approche les 2 millions et que l’immense majorité de la population est condamnée à la pauvreté et à la misère par le gouvernement de coalition du PASOK, de la Nouvelle Démocratie et des Démocrates de gauche – lequel poursuit les politiques des gouvernements précédents – la revendication de faire fonctionner les usines sous contrôle ouvrier est la seule réponse sensée au désastre auquel nous faisons face chaque jour. C’est la seule réponse au chômage. Pour cette raison, la lutte de Vio.Me. est la lutte de tout le monde.

Nous sollicitons toutes les travailleuses et tous les travailleurs, les chômeuses et les chômeurs, ainsi que toutes celles et ceux qui sont touchés par la crise de faire front avec les travailleurs de Vio.Me. et de les soutenir dans leur volonté de mettre en pratique leur conviction que les travailleurs peuvent produire sans patrons! Nous appelons à la participation à une caravane de lutte et de solidarité à travers tout le pays, culminant par trois jours de lutte à Thessalonique. Nous les appelons à s’associer à ce combat et à organiser leurs propres luttes sur leurs lieux de travail, avec un fonctionnement de démocratie directe, sans bureaucrates. Nous les appelons enfin à participer à une grève politique générale afin de dégager ceux qui détruisent nos vies!

Tout cela contribuera à l’établissement d’un contrôle ouvrier sur les usines et sur l’ensemble de la production ainsi que d’organiser l’économie et la société que nous voulons, une société sans patrons!

C’est le temps de Vio.Me. Mettons-nous au travail! Pavons la voie à une autogestion générale des travailleuses et des travailleurs!Pavons la voie d’une société sans patrons!  (Traduction A l’Encontre)

[1] Viomichaniki Metaleftiki est une entreprise produisant des minéraux industriels pour la construction et intégrée au groupe Philkeram-Johnson SA. La firme a été créée en 1961, par la famille Philippou, depuis longtemps active dans le domaine de la céramique. Le nom Philkeram vient de la combinaison du nom de famille Philippou et karemika, céramique en grec. Une opération de fusion s’est opérée en 1969, qui a donné le nom de Philkeram-Johnson SA. La crise qui a explosé en 2008, en particulier dans le secteur de la construction, a frappé la firme, d’autant plus que les crédits bancaires s’asséchaient et qu’augmentait le prix du fioul et de l’électricité. (Réd. A l’Encontre).

Viomichaniki Metaleftiki (Vio. Me. : Βιομηχανική Μεταλλευτική) est une entreprise spécialisée dans la production de matériaux de construction, d’aménagement et d’isolation. Filiale de Philkeram-Johnson (le plus ancien et le plus important producteur de matériaux de construction en Grèce) appartenant à Giorgos Filipou, elle est basée à Thessalonique et emploie entre 60 et 70 travailleurs.

Sur la période 2000-2006, Vio.Me. était une entreprise florissante affichant une progression du chiffre d’affaires de 139% et des profits de 118%. Cette tendance s’est retourné en 2010 à la suite du transfert d’une dette de près de 2 millions d’euros de l’entreprise-mère vers la filiale. En mai 2011, l’entreprise-mère dépose le bilan, ce qui n’est pas le cas de sa filiale. Pourtant, la direction de Vio.Me. décide la cessation de paiement des salaire et le lock-out de l’usine, sous le prétexte d’un manque des fonds. Depuis cette date (mai 2011), les revenus (indemnisations) des travailleurs / ouvriers en arrêt de travail s’élèvent à 359 euros/mois.

En juillet 2012, ils décident d’explorer la piste de l’autogestion sous le mot d’ordre « Vous ne le pouvez pas ? Nous, nous le pouvons ! » en réponse à la direction ayant déclaré qu’elle ne peut pas procéder à la réouverture du site..

Le communiqué de presse après leur Assemblée Générale du 11 juillet 2012 :

« La direction de Viomichaniki Metaleftiki, une filiale de Filkeram-Johnson, a abandonné l’usine et ses travailleurs depuis mai 2011. En réponse, les travailleurs de l’usine ont cessé le travail depuis septembre 2011. Le syndicat de l’entreprise a organisé une équipe de 40 ouvriers, ayant pour mission d’empêcher l’enlèvement des machines par la direction ou le vol de celles-ci. L’ensemble de travailleurs participe à l’Assemblée Générale.

La proposition du syndicat afin de briser le statut quo actuel (alors que la direction a clairement déclaré que l’usine ne redémarrerait pas compte tenu de l’absence de fonds) est que l’usine passe sous contrôle direct des travailleurs. Cette proposition a été adoptée par 98 % des participants à l’Assemblée générale. Plus précisément, ils ont demandé que l’usine soit transférée aux travailleurs et que tous les membres de la direction et les travailleurs participant au Conseil d’administration démissionnent sans aucune exigence vis-à-vis de la future administration ouvrière.

En ce qui concerne le capital initial, qui est indispensable pour le fonctionnement de l’usine, la proposition des travailleurs est que l’Organisme national de l’emploi (le Pôle Emploi grec) leur verse par avance les allocations auxquelles ils auraient droit en tant que repreneurs d’entreprise.

Enfin, les travailleurs de Vio.Me. exigent l’introduction dans la législation d’un statut légal régissant les entreprises coopératives, afin que leur initiative (ainsi que toute initiative semblable future) puisse disposer d’un cadre de couverture légale.

Nous, travailleurs en lutte, en dehors de l’évidente valeur que nous voyons d’être dans la lutte et les demandes exprimées par tous les travailleurs, reconnaissons également une valeur additionnelle qui se résume parfaitement dans la proposition d’autogestion. Nous pensons que l’occupation et la reprise d’activité des entreprises impulsée par les travailleurs est l’unique proposition alternative réaliste pour lutter contre l’exploitation croissante de la classe ouvrière. L’auto-organisation des usines qui ferment est l’unique proposition qui a le pouvoir de mobiliser la classe ouvrière, qui vivant sous la menace constante du chômage, ne voit plus aucun moyen de résister.

Nous savons que les difficultés auxquelles nous sommes confrontées dans la lutte pour l’autogestion de l’usine sont nombreuses, que l’Etat et le Capital s’y opposeront de toutes leurs forces dans la mesure où une victoire pourrait créer un précédent et un exemple pour n’importe quelle autre lutte dans le pays. Cependant, la question de savoir dans quelles mains se retrouve la production, se transforme aujourd’hui en une question de vie ou de mort pour une classe ouvrière qui est poussée vers le dénuement. Pour cette raison, les luttes des travailleurs qui s’orientent dans cette direction, de même que les forces solidaires, doivent se préparer à affronter l’Etat et l’employeur pour réaliser l’occupation des moyens de production et la gestion ouvrière.

Nous lançons un appel à tous les syndicats, les organisations et les travailleurs pour que s’exprime la solidarité avec la lutte des ouvriers de Viomijanikí Metaleftikí et entreprendre un soutien actif aux travailleurs à la fois financièrement et politiquement. »

Lire sur le site initiativegrecqueaparis.wordpress