La justice italienne demande des comptes à Standards & Poor's et Fitch

Le parquet de Trani (sud de l'Italie) a demande le renvoi en justice de dirigeants de Standard and Poor's et Fitch pour « manipulation de marché », estimant qu'ils ont abaissé la note de la Péninsule à des fins spéculatives

Pour le parquet de cette petite ville des Pouilles (sud), doivent être jugés Deven Sharma, président de Standard and Poor's entre 2007 et 2011, le directeur opérationnel du rating chez Fitch, David Michael Willmoth Riley, et cinq autres dirigeants des deux agences de notation (quatre pour SP, un pour Fitch).

Cette requête doit maintenant être examinée par un juge des audiences préliminaires, une étape qui peut durer plusieurs mois, à l'issue de laquelle ce magistrat décidera, le cas échéant, de l'ouverture d'un procès contre les deux agences.

S'ils étaient jugés et condamnés, les analystes et dirigeants de SP et Fitch risqueraient jusqu'à trois ans de prison.

« Ces accusations sont totalement infondées (...). Nous continuerons à travailler sans peur et sans favoritisme (...) et à défendre nos actions, notre réputation et celle de nos employés », a réagi Standard and Poor's dans un communiqué.

Règles de loyauté violées

Pour le procureur de Trani, Michele Ruggiero, ces deux agences ont « violé la réglementation européenne sur les activités de notation (...), les règles de loyauté et de transparence ainsi que les paramètres de qualité et d'efficacité fixés par les règlements européens ».

Standard and Poor's « a fourni de manière intentionnelle aux marchés financiers une information tendancieuse », assène-t-il dans les motivations de sa requête.

Le parquet de Trani avait ouvert fin 2010 une enquête pour manipulation de marché à la suite d'une plainte déposée par des associations de consommateurs contre un rapport de Moody's, datant de mai 2010. Ce document avait eu un effet négatif sur les cours de Bourse des banques italiennes.

Des informations tendancieuses

Mais, lundi, le parquet de Trani a indiqué avoir classé sans suite les poursuites intentées contre Moody's car l'enquête n'a pas permis de conclure à « l'intention des auteurs » de ce rapport de « fournir aux marchés financiers des informations tendancieuses et pouvant provoquer une manipulation des marchés ».

L'enquête avait ensuite été élargie à Standard and Poor's après la publication de communiqués sur l'Italie au printemps et pendant l'été 2011, le parquet estimant qu'ils contenaient des jugements infondés sur la péninsule ayant eu un effet négatif sur les marchés. L'agence Fitch était aussi entrée dans le collimateur de la justice en janvier 2012 pour des raisons semblables.

En janvier 2012, les enquêteurs italiens ont procédé à des perquisitions et des saisies de documents et courriels aux sièges respectifs de Fitch et Standard and Poor's à Milan (nord).

Dans un courriel du 13 janvier 2012, jour où Standard and Poor's a abaissé la note italienne, la faisant passer d'A à BBB+, un analyste de l'agence écrit à un autre collègue qu'à son avis la notation négative du secteur bancaire italien « n'est pas correcte ».

Selon les associations italiennes de consommateurs, les dégâts subis sont de l'ordre de 120 milliards d'euros, soit le montant cumulé des mesures d'austérité depuis que la crise de la dette a touché l'Italie, rendant son financement sur les marchés internationaux plus onéreux.

Une première dans le monde

Si cette procédure judiciaire débouchait sur un renvoi en justice, ce serait probablement l'un des premiers procès de ce genre au monde.

En Australie, la justice a condamné Standard and Poor's début novembre à verser des compensations à des collectivités locales ayant englouti des millions de dollars dans des titres très bien notés par l'agence américaine qui s'étaient effondrés à l'approche de la crise financière de 2008.

« Les agences de notation qui sont sous enquête font partie de la clique internationale qui a manipulé pendant des années, avec les banques d'affaires et les grands fonds d'investissements, le marché de la dette souveraine », a déclaré à l'AFP Elio Lanutti, sénateur et président d'une association de consommateurs, l'ADUSBEF.

Les agences de notation sont vivement critiquées pour avoir surévalué certains actifs à risque avant la crise financière et avoir trop vite abaissé les notes de plusieurs pays, ce qui a accentué la panique sur les marchés.

SOURCE AFP

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