Un pétrolier paiera 5 milliards de dollars pour avoir pollué « durant presque un siècle »
Le groupe pétrolier américain Anadarko a accepté de payer 5,15 milliards de dollars (3,7 milliards d'euros), dont 4,4 milliards pour décontaminer des sites pollués que sa filiale avait abandonnés et tenté de dissimuler à travers une réorganisation frauduleuse.
La société pétrochimique Kerr-McGee, filiale d'Anadarko, « a laissé, durant presque un siècle, un paysage de contamination et de désastre environnemental dans son sillage », a fustigé le procureur fédéral de New York, Preet Bharara.

Kerr-McGee est accusée d'avoir, pendant quatre-vingt-cinq ans, abandonné sans les décontaminer des dizaines de sites d'exploitation dans l'ensemble du pays, certains ayant été « dangereusement » pollués par des substances radioactives comme l'uranium et le thorium, d'autres par des toxines ayant pénétré des terrains et de l'eau.

« DES PILES DE DÉCHETS RADIOACTIFS »

« Il s'agit du plus important redressement judiciaire pour le nettoyage d'une contamination de l'environnement de l'histoire du ministère de la justice », s'est félicité James Cole, ministre adjoint de la justice américain. « Nous croyons à un principe très simple : si vous semez la pagaille, vous nettoyez derrière vous », a ajouté Cynthia Giles, administratrice adjointe de l'Agence fédérale de protection de l'environnement (EPA).

Des travailleurs Navajo dans une mine d'uranium de Kerr-McGee, en 1953.
La nation amérindienne Navajo en porte un lourd tribut, a ajouté le procureur de New York. Kerr-McGee a laissé « des piles de déchets radioactifs » sur les terrains où ils vivent, chassent et organisent leurs cérémonies religieuses. Leur eau potable et celle bue par le bétail sont polluées et les enfants navajos sont alertés des dangers de nager dans les eaux contaminées. Mais au lieu d'honorer ses « responsabilités légales » et de s'engager dans la décontamination, Kerr-McGee a tenté de « laisser une gigantesque note de nettoyage aux contribuables américains », à travers « une réorganisation complexe en plusieurs étapes », a encore expliqué M. Cole.

« DISSIMULATION FRAUDULEUSE »

Dans un premier temps, Kerr-McGee a transmis ses milliards de dettes environnementales à la société Tronox, qui a fini par faire faillite en 2009. Dans le même temps, Kerr-McGee, débarrassée de ses obligations en matière de décontamination, a continué à faire fructifier ses avoirs dans le pétrole et le gaz et a été rachetée en 2006 par Anadarko pour 18 milliards de dollars, ont accusé les autorités. Mais le tribunal des faillites a découvert la « dissimulation frauduleuse », selon M. Cole, et, le 13 décembre, un juge new-yorkais a estimé qu'Anadarko avait orchestré la réorganisation de Kerr-McGee, afin de se défausser sur elle de toutes ses obligations environnementales.

« Cette affaire est bien plus que la résolution d'un simple cas de faillite », a estimé M. Cole, elle représente « une nouvelle étape cruciale dans nos efforts pour combattre la mauvaise conduite des entreprises ».

Pour Anadarko, « cet accord fait disparaître l'incertitude que ce contentieux a engendrée et l'argent va servir à financer les travaux de dépollution », a commenté le PDG du groupe pétrolier, Al Walker, cité dans un communiqué.

Anadarko s'était toujours refusé à assumer ces responsabilités, jugeant que les dommages causés l'avaient été au début des années 2000, soit bien avant qu'il ne mette la main sur Kerr-McGee. Anadarko risquait une amende entre 5 et 14,5 milliards de dollars. Mais le ministre adjoint a assuré que les 5,15 milliards auxquels le groupe est condamné « seront suffisants » pour couvrir tous les dégâts environnementaux.

Le Monde le 4/04/2014

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