16 Avr 2014
« En 2008, le patron a décidé de fermer notre entreprise de fenêtre à Goose Island (Illinois, États-Unis) et a mis à la porte tout le monde. En 2012, nous avons décidé d’acheter l’entreprise et de licencier le patron. Nous détenons ensemble l’usine et la dirigeons démocratiquement. Voila notre histoire… », peut-on lire sur le site internet de New Era Windows, une entreprise pas comme les autres. Récit d’une reprise en main par les salariés de leur outil de travail.
Fin 2008, la crise financière et bancaire fait de nombreuses victimes. Les 250 salariés de l’entreprise Republic Windows and Doors, qui produit des portes coulissantes et des fenêtres à Goose Island, près de Chicago, ont vu le ciel leur tomber sur la tête. Ils sont licenciés, du jour au lendemain, sans préavis et au mépris des lois sociales, sans indemnités ni paiement de leur salaire. À ce moment de la crise qui secoue le capitalisme mondialisé, on estime à 500 000 le nombre de licenciements mensuels qui frappent les salariés américains. La direction de l’entreprise prétexte que la Bank of America lui a coupé le robinet des crédits. Mais les salariés soupçonnent très vite une faillite organisée pour cacher une délocalisation.
Le 5 décembre 2008, le syndicat de l’entreprise, la section 1110 de l’United Electrical Workers décide très vite une occupation du site de production. Celle-ci dure six jours et attire l’attention des médias nationaux. Le président Obama, élu un mois plus tôt, déclare que les travailleurs de Republic Windows and Doors ont raison de se battre pour leurs droits. La machine démocrate se met alors en marche : le gouverneur de l’État de l’Illinois, dans lequel se situe l’entreprise, annonce l’interdiction de toute activité financière de l’État avec la Bank of America en raison de son abandon de la société. Mais un mois plus tard, cette même banque bénéficiera de 20 milliards de dollars de renflouement du gouvernement fédéral démocrate pour la sauver de la catastrophe financière (précédemment, Republic Windows and Doors avait touché 10 millions de dollars de subventions...).
Nouvelle fermeture, mêmes méthodes
De son côté, le procureur général Lisa Madigan lance une enquête, non aboutie à ce jour, sur les violations du droit du travail dans l’entreprise. Des rassemblements militants pour dénoncer la banque prédatrice ont lieu devant les agences de la Bank of America dans une douzaine de villes. Le 10 décembre, les salariés votent la fin de l’occupation : un accord a été conclu entre le syndicat, la direction de l’entreprise, Bank of America et la banque JPMorgan Chase, selon lequel chaque travailleur recevra huit semaines de salaires plus le paiement des congés payés et l’obtention d’une couverture maladie pendant deux mois. Sous la pression de la mobilisation, la Bank of America accepte également des délais de paiement, le temps que l’entreprise trouve un repreneur. Elle rétablit momentanément les lignes de crédits à Republic Windows and Doors.
Deux mois plus tard, un fabricant californien de fenêtres, Serious Materials (aujourd’hui Serious Energy) rachète l’entreprise pour 1,45 million de dollars et ré-ouvre le site avec pratiquement la même convention sociale pour les salariés. En avril 2009, le vice-président Joe Biden visite l’usine et rencontre la direction ainsi que les dirigeants syndicaux, se félicitant de cette issue. Parmi les investisseurs du projet de reprise figurent Mesirow Financial, une société de Chicago, qui a des liens étroits avec Rham Emmanuel (démocrate qui sera élu maire de Chicago en 2011) et qui apporte 15 millions de dollars à Serious Energy. L’avenir s’annonce radieux puisque des promesses de commandes de l’État fédéral ou de municipalités se multiplient… sans qu’aucune ne se soit matérialisée à ce jour.
En février 2012, la direction de Serious Energy annonce subitement la fermeture immédiate de la société et la vente du matériel de production. Cette décision inattendue emprunte les mêmes méthodes que quatre ans plus tôt. Le 23 février 2012, les travailleurs et leur section 1110 occupent de nouveau l’entreprise pendant onze heures. Immédiatement, un réseau de mouvements plante ses tentes autour de l’entreprise pour soutenir les travailleurs, dont les militants d’Occupy Chicago alors en plein développement.
« Si personne n’achète la société, nous pouvons créer une coopérative »
Lire la suite sur le site de Basta
Par Patrick Le Tréhondat (31 mars 2014)
Fin 2008, la crise financière et bancaire fait de nombreuses victimes. Les 250 salariés de l’entreprise Republic Windows and Doors, qui produit des portes coulissantes et des fenêtres à Goose Island, près de Chicago, ont vu le ciel leur tomber sur la tête. Ils sont licenciés, du jour au lendemain, sans préavis et au mépris des lois sociales, sans indemnités ni paiement de leur salaire. À ce moment de la crise qui secoue le capitalisme mondialisé, on estime à 500 000 le nombre de licenciements mensuels qui frappent les salariés américains. La direction de l’entreprise prétexte que la Bank of America lui a coupé le robinet des crédits. Mais les salariés soupçonnent très vite une faillite organisée pour cacher une délocalisation.
Le 5 décembre 2008, le syndicat de l’entreprise, la section 1110 de l’United Electrical Workers décide très vite une occupation du site de production. Celle-ci dure six jours et attire l’attention des médias nationaux. Le président Obama, élu un mois plus tôt, déclare que les travailleurs de Republic Windows and Doors ont raison de se battre pour leurs droits. La machine démocrate se met alors en marche : le gouverneur de l’État de l’Illinois, dans lequel se situe l’entreprise, annonce l’interdiction de toute activité financière de l’État avec la Bank of America en raison de son abandon de la société. Mais un mois plus tard, cette même banque bénéficiera de 20 milliards de dollars de renflouement du gouvernement fédéral démocrate pour la sauver de la catastrophe financière (précédemment, Republic Windows and Doors avait touché 10 millions de dollars de subventions...).
Nouvelle fermeture, mêmes méthodes
De son côté, le procureur général Lisa Madigan lance une enquête, non aboutie à ce jour, sur les violations du droit du travail dans l’entreprise. Des rassemblements militants pour dénoncer la banque prédatrice ont lieu devant les agences de la Bank of America dans une douzaine de villes. Le 10 décembre, les salariés votent la fin de l’occupation : un accord a été conclu entre le syndicat, la direction de l’entreprise, Bank of America et la banque JPMorgan Chase, selon lequel chaque travailleur recevra huit semaines de salaires plus le paiement des congés payés et l’obtention d’une couverture maladie pendant deux mois. Sous la pression de la mobilisation, la Bank of America accepte également des délais de paiement, le temps que l’entreprise trouve un repreneur. Elle rétablit momentanément les lignes de crédits à Republic Windows and Doors.
Deux mois plus tard, un fabricant californien de fenêtres, Serious Materials (aujourd’hui Serious Energy) rachète l’entreprise pour 1,45 million de dollars et ré-ouvre le site avec pratiquement la même convention sociale pour les salariés. En avril 2009, le vice-président Joe Biden visite l’usine et rencontre la direction ainsi que les dirigeants syndicaux, se félicitant de cette issue. Parmi les investisseurs du projet de reprise figurent Mesirow Financial, une société de Chicago, qui a des liens étroits avec Rham Emmanuel (démocrate qui sera élu maire de Chicago en 2011) et qui apporte 15 millions de dollars à Serious Energy. L’avenir s’annonce radieux puisque des promesses de commandes de l’État fédéral ou de municipalités se multiplient… sans qu’aucune ne se soit matérialisée à ce jour.
En février 2012, la direction de Serious Energy annonce subitement la fermeture immédiate de la société et la vente du matériel de production. Cette décision inattendue emprunte les mêmes méthodes que quatre ans plus tôt. Le 23 février 2012, les travailleurs et leur section 1110 occupent de nouveau l’entreprise pendant onze heures. Immédiatement, un réseau de mouvements plante ses tentes autour de l’entreprise pour soutenir les travailleurs, dont les militants d’Occupy Chicago alors en plein développement.
« Si personne n’achète la société, nous pouvons créer une coopérative »
Lire la suite sur le site de Basta
Par Patrick Le Tréhondat (31 mars 2014)