Manifeste d'Oviedo : un front contre la dette illégitime se met en place en Espagne
Plus de 580 personnalités politiques élu-e-s, dont des conseiller-e-s, député-e-s et eurodéputé-e-s ont signé le Manifeste d’Oviedo : un front contre la dette illégitime qui a été présenté ce mercredi 19 octobre au Parlement à Madrid.

Parmi les signataires figurent plus de 40 maires de tous les territoires de l’État espagnol, des centaines de conseiller-e-s, des dizaines de député-e-s provinciaux, nationaux et européens de différents partis politiques.

La liste des signataires s’ouvre désormais avec enthousiasme aux activistes, aux mouvements sociaux, aux personnalités qui veulent appuyer, ou mieux encore, être actif dans ce processus en construction.


Nous, conseiller-e-s, député-e-s, activistes et citoyen-ne-s, conscient-e-s de la nécessité d’un changement politique tangible englobant tous les échelons, des municipalités jusqu’à l’État, rejetons l’endettement illégitime et l’austérité entravant le respect de nos droits fondamentaux, notre accès à des services de qualité et l’amélioration de nos conditions de vie.

Nous dénonçons le caractère profondément injuste de l’amendement en 2011 de l’article 135 de la Constitution |1|, de la Loi sur la stabilité budgétaire et de la ’Loi Montoro’ sur l’administration locale |2|, imposés sans aucune légitimité démocratique. La ’Loi Montoro’ a d’ailleurs été déclarée partiellement inconstitutionnelle. L’application de ces normes qui sapent l’autonomie des élus municipaux et des gouvernements autonomes |3| constitue une atteinte aux droits des citoyens.

La socialisation des pertes due au sauvetage des banques espagnoles ayant provoqué l’explosion de la dette et du déficit en 2012 se poursuit actuellement au travers de mesures comme le Plan de Paiement des Fournisseurs des municipalités (FFPP) |4| ou le Fonds de Liquidité Autonome (FLA) qui, loin de servir l’intérêt général, ont profité aux banques en leur permettant de convertir des dettes commerciales en dettes financières et d’imposer aux administrations publiques des taux d’intérêt exorbitants, jusqu’à 26 fois supérieurs à ceux réclamés par la BCE aux banques elles-mêmes. Les municipalités et les communautés ploient sous le fardeau de la dette en conséquences d’une série de décisions illégitimes : des travaux pharaoniques et inutiles, des spéculations urbanistiques, des surfacturations, des pots-de-vin et d’autres manœuvres de corruption. En général, même dans les administrations considérées comme assainies, le Plan de Paiement des Fournisseurs et le FLA sont venus alourdir la dette publique en toute illégitimité.

Le gouvernement a pourtant démontré qu’il est en mesure d’alléger la dette s’il y trouve un intérêt. Ainsi, en 2015, année électorale, le gouvernement Rajoy a reporté d’un an les intérêts dus par les municipalités aux banques et imposé une baisse des intérêts réclamés par ces dernières pendant une durée de sept ans, reconnaissant ainsi le caractère manifestement abusif des taux et des sommes exigées.

Depuis 2010, nous subissons des coupes budgétaires et des atteintes à nos droits sans précédent. L’an passé, le gouvernement, malgré le fait d’être démissionnaire |5|, a continué d’appliquer la cure d’austérité préconisée par l’Union Européenne, avec pour cobayes favoris les municipalités, l’échelon le plus proche du peuple, et les communautés autonomes, chargées de répondre à des besoins fondamentaux comme l’enseignement ou la santé, alors même qu’elles constituent les administrations publiques les moins endettées. Au deuxième trimestre 2016, la dette publique nationale représentait 101% du PIB.


Pour toutes ces raisons, nous exigeons :

- Une alternative aux antipodes de la politique d’asphyxie financière imposée actuellement par le gouvernement central aux municipalités et aux communautés autonomes.
- Le retrait pur et simple de la réforme de l’article 135 de la Constitution de 2011, de la Loi sur la stabilité budgétaire et la viabilité financière et de la Loi de rationalisation et de durabilité de l’administration locale.
- La restitution des intérêts abusifs déjà perçus par les banques.
- L’arrêt immédiat des coupes budgétaires et de l’austérité, la réparation de leurs conséquences, l’identification des responsables et l’indemnisation des victimes.

Et nous nous engageons à :
Soutenir la création d’un front espagnol des municipalités, des communautés autonomes et des nationalités qui remet en cause la dette illégitime et œuvre à son annulation ; un front qui brise l’isolement et la division ; un front qui prend des initiatives conduisant à un changement positif du rapport de force avec le gouvernement ; un front au sein duquel les municipalités puissantes soutiennent les plus affaiblies et les plus concernées par les dettes illégitimes ; un front à l’initiative de démarches et d’actions concrètes pour se libérer du joug de la dette illégitime et trouver des sources de financement légitimes garantissant aux citoyens la pleine jouissance de leurs droits économiques, sociaux, culturels, civiques et politiques.

Nous appelons au lancement d’audits des dettes de nos administrations publiques avec la participation des citoyen-ne-s afin de réclamer l’annulation des dettes identifiées comme illégitimes car ayant servi les intérêts particuliers d’une minorité privilégiée et non ceux des citoyen-ne-s.

A lire sur cadtm.org (21/10/2016)