La Wallonie bloque le TTIP canadien!
Paul Magnette a déclaré hier que le gouvernement wallon ne donnerait pas les pleins pouvoirs au ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, pour ratifier le CETA. C'est une première en Europe. Le CETA est un accord de libre-échange qui lie l’Europe et le Canada. Il pourrait être approuvé en septembre, alors qu’il met en danger les fondements même de notre démocratie !

Cela fait plusieurs années déjà que le débat sur le TTIP fait rage entre les forces politiques et la société civile. Cet accord de libre-échange est négocié par l’Union européenne et les États-Unis. Mais pendant ce temps, le CETA, l’autre traité transatlantique, a été conclu dans un silence relatif avec le moins imposant Canada. Pourtant, exactement comme le TTIP, le CETA menace notre démocratie, nos normes ainsi que l’indispensable transition vers l’énergie renouvelable.

La déclaration du ministre-président wallon a suivi une proposition de résolution du PS, du cdH et d'Ecolo au sein de la commission des Affaires générales et des Affaires internationales du Parlement wallon. Les trois groupes estiment impossible de ratifier un tel texte sans garantie de respect des normes sociales et environnementales et surtout sur les très décriés tribunaux privés ISDS (aujourd'hui rebaptisés ICS).

Les terribles tribunaux de l’ICS

Suite à l’accord de Paris et selon les traités fondamentaux de l’UE, il est clair que la réduction drastique des émissions de CO2 et le soutien au développement durable sont des objectifs essentiels auxquels les politiques commerciales européennes doivent se conformer. En ce sens, le CETA devrait encourager les énergies renouvelables.

Or c’est loin d’être le cas. Pire, le CETA les décourage. Notamment via le très critiqué système de l’ISDS. Un mécanisme intégré tant dans le TTIP que dans le CETA et qui permet à des multinationales et à des investisseurs étrangers d’attaquer un État devant un tribunal privé s’ils craignent une mise en danger de leurs investissements.

Cela peut se révéler un frein très net à des politiques énergétiques ambitieuses, comme certains exemples de mécanisme similaire l’ont malheureusement déjà montré :
  • L’affaire Vattenfall : Cette entreprise suédoise d’énergie réclame 4,7 milliards d’euros à l’Allemagne en raison de sa décision de sortir du nucléaire.
  • TransCanada : Cette entreprise canadienne réclame 15 milliards de dollars aux États-Unis suite à la décision d’Obama d’interdire la construction du très polluant pipeline Keystone XL.
Les sévères critiques qu’a essuyées l’ISDS, tant de la part des ONG que d’initiatives citoyennes, d’hommes politiques et d’universitaires, a conduit la Commission européenne à le remplacer par le ICS. Un nouvel acronyme pour un mécanisme qui n’a presque rien changé. Tant avec le TTIP qu’avec le CETA, les États courent toujours le risque de devoir payer des milliards de dollars à des investisseurs étrangers à cause de l’ICS.

Le renouvelable moins important que les investisseurs

Les partisans du traité avancent que le texte du CETA contient également des chapitres sur le développement durable et sur l’environnement. Toutefois, ces chapitres ne sont pas contraignants, contrairement à ceux relatifs à la protection des investisseurs (via le ICS). Dans un conflit entre une nouvelle politique énergétique durable et un investisseur étranger, il est clair que c’est ce dernier qui l’emportera. Le CETA ne stimulera donc pas du tout l’énergie renouvelable.

Ne respectant ni l’Accord de Paris ni les traités fondamentaux européens, le CETA va compliquer la transition indispensable vers l’énergie renouvelable, au lieu de l’encourager. Si le Conseil des ministres et le Parlement européen veulent rester fidèles aux engagements de l’UE, ils ne peuvent que rejeter cette vilaine petite sœur du TTIP, du moins dans sa forme actuelle. La déclaration de Magnette et la proposition de résolution au Parlement wallon vont dans ce sens. Nous les appuyons !

Par Arne Joye

Lire sur le site Greenpeace (14/04/2016)