La règle sur le décumul wallon restera inchangée
 Jeudi en début de soirée, soit trente-six heures avant la publication des informations du Soir (lire l’édition de ce mercredi), les présidents du PS, du CDH et du MR ont publié un communiqué dans lequel ils annoncent « la décision (…) de ne pas modifier les règles relatives au cumul des mandats en Wallonie. » Pour rappel, Elio Di Rupo, Benoît Lutgen et Olivier Chastel s’étaient saisis de cette question dans le cadre de discussions plus larges sur diverses dispositions électorales.

La conséquence la plus évidente de cette annonce tient en quelques mots : le décret de 2010 qui instaurait des règles de décumul pour les parlementaires wallons, à la demande d’Ecolo alors dans la majorité, reste d’application. On sait que depuis son entrée en vigueur, cette disposition est très critiquée par l‘opposition MR, qui ne l’avait pas votée à l’époque, mais aussi par de nombreux élus du PS et du CDH qui doivent effectuer des choix difficiles entre leur mandat régional et leur strapontin local.

Plusieurs pistes

Jamais annoncée officiellement, la perspective d’un retour en arrière flottait dans l’air à Namur depuis le début de la législature. En 2014 en effet, Ecolo avait été renvoyé dans l’opposition, laissant la voie libre à d’autres arrangements. Les trois présidents de parti ne nient pas l’évidence : le dossier du décumul était bien sur la table lors de leurs rencontres. « En marge de ces discussions (sur l’évolution de la carte électorale, NDLR), les présidents de parti ont évoqué les questions relatives au décumul. Dans ce contexte, plusieurs pistes ont été abordées », y lit-on.

L’idée de travailler sur les rémunérations des élus a ainsi été évoquée au plus haut niveau. Mais la piste retenue ces derniers temps et qui était « en voie de finalisation », comme nous l’avons écrit, était bien celle d’un nouveau décret conservant le principe du décumul partiel, mais sur base d’un autre critère que le taux de pénétration électoral : la population de la commune d’origine du député. Au-dessus de 50.000 habitants, les élus souhaitant siéger au parlement régional devraient se déclarer empêchés dans leur ville, tout en conservant un statut de bourgmestre ou d’échevin en titre. En Wallonie, on compte neuf villes de plus de 50.000 habitants sur 262 communes…

Mercredi matin au parlement wallon, les mines réjouies de la plupart des députés étaient nombreuses, saluant une perspective plus claire et moins contraignante que le décret de 2010. Jusqu’au président de l’assemblée, André Antoine, qui se réjouissait devant la presse de l’évolution à venir de la législation qui « mettrait fin à une forme d’hypocrisie »…

Un élu libéral soucieux d’anonymat nous a ainsi résumé l’ambiance parmi ses troupes : « Je peux vous dire que beaucoup d’élus locaux ont ouvert le champagne en apprenant la décision des présidents. Même si d’autres craignaient déjà pour leur avenir, dans les grandes villes… »

Partiellement injuste

Les « autres » en question sont « les ténors » dont on nous a parlé côté socialiste. La publication dans la presse de l’état des réflexions présidentielles a « suscité beaucoup de remous » chez des élus importants. Pourtant, le scénario avait été ouvertement évoqué lundi matin lors de deux bureaux de parti au moins. « L’information du Soir n’était pas fausse, il était impossible de la démentir », nous explique-t-on côté socialiste. « Ce que Le Soir annonçait était ce qui était convenu entre présidents », nous précise-t-on au MR cette fois.

Mais dans la journée de mercredi, les réseaux sociaux se sont déchaînés sur le personnel politique wallon. Ce n’était que partiellement justifié : la règle imaginée par les présidents assouplissait le décumul, mais elle ne l’abolissait pas. Et il faut toujours rappeler que la Wallonie est la seule entité de ce pays à avoir été aussi loin en matière de gouvernance. « Mais au bout du compte, les critiques et les éditos assassins ont fait mouche », nous explique-t-on encore.

Au sommet du PS, du CDH et du MR, on a aussi très mal pris les commentaires d’Ecolo, donnant la leçon en matière de gouvernance. « Des députés de chez eux violent leurs règles internes en remplissant des mandats les uns après les autres et ils viennent nous critiquer », dit un responsable CDH qui estime que l’incident laissera des traces dans les rapports avec les Verts.

En attendant, Ecolo jubile. Même s’il n’instaurait pas le décumul intégral, le décret de 2010 portait sa griffe. Il survivra à cet épisode. « C’est un retour à la raison dont nous nous réjouissons », commente Patrick Dupriez. Avec un peu de malice, le co-président en rajoute : « Nous sommes preneurs de toute discussion ouverte visant à améliorer la démocratie et le fonctionnement de nos institutions, qu’il s’agisse des cumuls, de la limitation des conflits d’intérêts, de la participation citoyenne et plus largement de la régénération démocratique. » Ce n’est pas bien de se moquer…

Le taux de pénétration restera la référence

Le communiqué tombé jeudi soir est limpide : « La décision des trois présidents de parti est de ne pas modifier les règles relatives au cumul des mandats en Wallonie. » En clair, le décret voté en 2010 par la majorité PS, CDH, Ecolo restera d’application. Sous-entendu, imagine-t-on, jusqu’à la fin de l’actuelle législature, en 2019.

Le texte prévoyait une phase transitoire jusqu’aux élections communales de 2018. Elle a permis aux députés qui n’étaient pas protégés par le taux de pénétration, de ne pas devoir trancher entre leur mandat de député et leur fonction exécutive locale. Il leur suffisait de se déclarer empêché d’un côté ou de l’autre. Cet intermède arrivera donc à extinction en octobre 2018. La règle de base prévaudra : « Pour les trois quarts des membres de chaque groupe politique, le mandat de membre du parlement est incompatible avec un mandat au sein du collège communal. »

Par Michel Deffet

A lire sur lesoir.be (24/11/2016)