La justice allemande fait trembler les grands patrons
Les mises en cause de dirigeants d'entreprise se multiplient outre-Rhin. La justice doit faire face à une hausse de la délinquance économique. La justice allemande remet en cause la probité des dirigeants d'entreprise. Fraude fiscale, abus de confiance, manipulation de cours, information financière trompeuse... Les griefs ne manquent pas ces mois-ci pour les procureurs de Francfort, Munich ou Stuttgart, décidés à partir à la « chasse au gros gibier », comme le quotidien « Handelsblatt » en faisait récemment sa manchette.

La dernière illustration spectaculaire a été la mise en examen du coprésident de Deutsche Bank, Jürgen Fitschen. Les reproches faits au banquier à la tête de la première banque allemande, comme au directeur financier, Stefan Krause, portent sur un délit supposé de fraude fiscale lié au marché des droits d'émissions de CO2. L'enquête s'est accompagnée d'une perquisition au siège de la banque comme Francfort n'en a jamais connu. Des dizaines de camions de police avec 500 hommes en tenue, dont certains armés, ont littéralement pris d'assaut les tours jumelles comme s'il s'agissait du quartier général d'une organisation criminelle.

Dans le Land voisin du Bade-Wurtemberg, le parquet de Stuttgart vient de demander le renvoi devant un tribunal de l'ex-patron de Porsche, Wendelin Wiedeking, de même que de Holger Härter, l'ancien directeur financier. Le procureur général à l'origine de cette décision, Hans Richter, soixante-quatre ans, se revendique comme un ancien « soixante-huitard » qui veut que le droit passe partout. Outre les dirigeants de Porsche, il inquiète aussi le patron de feu l'empire de la droguerie Schlecker, l'ancien banquier à la tête de la banque régionale LBBW, et une ancienne star de la banque d'investissement, Dirk Notheis, de Morgan Stanley.
Hausse de la délinquance

A Munich, le parquet a dans le viseur l'ancien directeur général de BayernLB, Michael Kemmer, comme l'ancien président de Deutsche Bank, Josef Ackermann, soupçonné de faux témoignage lors du procès civil lié à la faillite du groupe Kirch.

La délinquance économique a gagné du terrain en Allemagne ces dernières années. Le nombre d'affaires détectées est passé de quelque 85.000 à plus de 103.000 entre 2008 et 2010, selon la direction fédérale de la police judiciaire. En face, « les parquets sont mieux armés. Des unités spécialisées se sont mises en place avec des enquêteurs ayant une très bonne compréhension des délits économiques », analyse un avocat d'un grand cabinet francfortois, qui préfère garder l'anonymat.

S'ajoute dans bien des cas la recherche d'une responsabilité en haut de la pyramide. « Quel que soit l'échelon où est commise une irrégularité, celle-ci sera attribuée à la direction de l'entreprise », poursuit la même source. Or une plainte d'un dirigeant au pénal peut emporter des conséquences sur des procès civils en cours. Après la mise en cause de Wendelin Wiedeking, les investisseurs floués trouvent un appui supplémentaire à leurs demandes de dommages et intérêts contre Porsche et Volkswagen.

Correspondant à Francfort Jean-Philippe Lacour

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