La Cour pénale internationale se penche enfin sur les crimes environnementaux
Le tribunal basé à La Haye, aux Pays-Bas, peut maintenant traiter des affaires où la destruction de l'environnement est liée à des violations des droits de l'homme.

C'est une belle victoire pour les défenseurs de l'environnement. Jeudi, la procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a annoncé l'élargissement de son champ d'action, pour la première fois, à certains crimes environnementaux. Désormais, la Cour, qui juge entre autres des affaires de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, s'intéressera également aux crimes liés à «l'exploitation illicite de ressources naturelles», à «l'appropriation illicite de terres ou à la destruction de l'environnement».

Pour Gillian Caldwell, directrice de l'ONG Global Witness, «cette décision montre que l'âge de l'impunité arrive à sa fin. Les dirigeants d'entreprises et les politiciens complices de l'expropriation de terres, de la destruction des forêts tropicales ou de la pollution de sources d'eaux pourraient bientôt se trouver assignés en justice à la Haye, aux côtés de criminels de guerre et de dictateurs. L'aide de la Cour pénale internationale pourrait permettre d'améliorer la vie de millions de personnes et de protéger des écosystèmes dans un état critique.»

Trois personnes tuées chaque semaine

Selon l'ONG, en 2015, plus de trois personnes ont été tuées chaque semaine pour avoir défendu leurs terres. Ces données en font l'année la plus meurtrière depuis le début de leurs rapports. Les conflits sur l'extraction minière sont la première cause de ces assassinats, suivie par l'agrobusiness, la construction de barrages hydroélectriques et la déforestation.

La décision de la CPI pourrait permettre à une affaire déposée en 2014 d'aboutir. Une dizaine de Cambodgiens ont dénoncé les violations massives des droits de l'homme causées par les saisies systématiques de terres par des entreprises soutenues par le gouvernement, dans ce pays d'Asie du Sud-Est. 350 000 personnes ont été ainsi évincées depuis 2002.

Le dossier a été déposé par l'avocat des droits de l'homme Richard Rogers et le cabinet d'avocats Global Diligence LLP. Selon lui, s'ils gagnent cette affaire, cela permettrait de faire pression sur certaines entreprises, qui n'oseraient ensuite plus être impliquées dans de telles pratiques. «Les entreprises qui veulent investir dans certaines régions risqueraient de se rendre complices de crimes contre l'humanité, a-t-il indiqué. Lutter contre les expropriations permettra aussi d'aider de s'attaquer aux causes du changement climatique, notamment la déforestation.»

Pour Alice Harrisson de Global Witness, le principal enjeu de la décision de la procureure Fatou Bensouda est qu'«elle reconnaît que les violations massives des droits de l'homme commises en temps de paix, par profit, peuvent être aussi graves que des crimes de guerre traditionnels. Les politiciens kleptocrates et les entrepreneurs corrompus peuvent être arrêtés et inculpés pour ces crimes.»

La Cour pénale continuera également à traiter les affaires tenant au trafic d'armes, à la traite d'êtres humains, au terrorisme et à la criminalité financière. Pour qu'un crime puisse être jugé par le tribunal de La Haye, il doit avoir eu lieu après le 1er juillet 2002 dans un des 139 pays qui ont ratifié le Statut de Rome, ou que le prévenu soit originaire d'un de ces pays, ou encore que l'affaire soit transférée par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Par Aude Massiot

A lire sur liberation.fr (16/09/2016)