France : La victoire au bout de 214 jours de grève
Les douze postiers du centre de distribution de Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales, ont obtenu l’arrêt d’une réorganisation, la levée de menaces de sanction et le paiement de jours de négociation.

C’est la tête haute que ces postiers reprendront le travail aujourd’hui. Au bout de sept mois de grève acharnée, les douze facteurs du centre de distribution de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), en lutte, ont enfin obtenu satisfaction, vendredi. À l’origine du conflit : un projet de réorganisation des tournées pour les facteurs des six communes rattachées au bureau de Rivesaltes, et qui devait se traduire par des suppressions d’emplois.

Mais, alors que les grévistes obtiennent, en avril, le report de cette réorganisation, La Poste laisse planer la menace de sanctions disciplinaires pour les agents impliqués dans le mouvement. L’un d’eux, le délégué CGT Alexandre Pignon, accusé d’avoir agressé un directeur d’établissement, a même écopé d’une suspension de deux mois après être passé en conseil de discipline, fin mai. Si le cégétiste n’a pas pu échapper à cette sanction, ses collègues, en revanche, ont gagné la garantie de ne pas être réprimés à l’avenir.

« On avait une dette vis-à-vis de La Poste ! »

Mais l’enjeu de la bagarre était aussi financier. Alors que les 214 jours de grève ont pesé lourd sur le porte-monnaie des postiers, ceux-ci auraient connu une situation de double peine s’ils n’avaient pas arraché des concessions dans le protocole de fin de conflit. « Non seulement, on se retrouvait avec des bulletins de paie à zéro euro à cause de la grève, mais en plus, on avait une dette vis-à-vis de La Poste ! » explique Laura Sanchez, postière depuis vingt-sept ans et syndiquée SUD. D’après elle, son employeur lui aurait réclamé 1 400 euros et des montants variables à ses collègues. « Au terme de trois ou quatre jours de discussions intenses, on a réussi à obtenir le paiement de quarante-neuf jours dits de négociation, ce qui permet d’apurer cette dette et d’aider les grévistes qui en ont le plus besoin », précise-t-elle.

Bénéfice collatéral inattendu de ce mouvement de longue haleine, La Poste aurait même été contrainte d’embaucher douze personnes. Si, à la base, ces postes avaient été pourvus pour remplacer les grévistes, « une fois la période d’essai de trois mois passée, ils ont dû les embaucher en CDI ! » souligne Laura Sanchez, qui ne cache pas sa satisfaction d’avoir participé à une grève qui « crée des emplois ».

Un mouvement marqué par un fort élan de solidarité

Exemplaire par sa durée, le mouvement de grève des douze postiers a également été marqué par un fort élan de solidarité. « Beaucoup de structures syndicales au niveau local et national les ont aidés, mais aussi des usagers et des particuliers qui ont fait des dons », souligne Fabrice Fourmantel, secrétaire départemental SUD Poste dans les Pyrénées-Orientales. « On s’est débrouillé : on a fait des tombolas, des repas et des concerts de soutien. Des associations comme le Secours populaire et les Restos du cœur ont notamment aidé les familles avec enfants », raconte Laura Sanchez, qui précise que si toutes ces initiatives n’auront évidemment pas permis de combler leurs pertes de salaires, celles-ci ont néanmoins « minimisé les dégâts ».

Au-delà de cette victoire pour le service public postal, l’obstination des facteurs résonne évidemment comme un formidable encouragement à l’ensemble du mouvement social, à l’heure où le gouvernement reste toujours aussi raide dans sa volonté de faire passer la loi travail.

« La Loi El Khomri, ça fait des années qu’on la subit à La Poste. Quand on arrive à dépasser le problème financier, le combat devient plus facile. On ne s’est pas laissé intimider malgré les menaces de sanction, on ne s’est pas laissé diviser malgré les discours de La Poste qui nous disaient du mal de la CGT ou de SUD. Si jamais La Poste veut à nouveau nous imposer une réorganisation, je suis prête à repartir en grève », conclut Laura Sanchez.

Par Nguyen Loan

Lire sur le site Humanite.fr ( 04/07/2016)