Des anarcho-punks aux finances publiques à Reykjavík
Quand des punks quittent leurs squatts et leurs lieux alternatifs, ils sont aussi capables de gérer une ville, voire une capitale d’Europe.

De 2010 à 2014, Reykjavík a vécu une expérience unique en son genre : avec son maire, Jón Gnarr ancien comédien et des artistes se disant anarcho-surréalistes, totalement novices en politique, la capitale de l’Islande allait être administrée… avec succès !

Celui qui tournait dans des séries télévisées avec la chanteuse Björk, qui désignait les banques comme les responsables de la crise, qui faisait des propositions pour « Un Disneyland à la place de l’aéroport » ou « De la bonté envers les malheureux », qui fut qualifié de « clown » mais qui se présentait comme une antidote aux "politiques" pour gérer une ville de 300.000 habitants, allait administrer la ville et gérer un budget de 12 millions d’euros pendant 4 ans avec les membres de son "Meilleur Parti", en majorité des stars du rock et presque tous des ex-punks. En fin de mandat, il laisse la capitale islandaise en pleine forme.

Les punks ont assaini les finances

Tout au long de sa mandature, Gnarr a mis en pratique les convictions qu’il a toujours revendiquées dans son parti, fondé à la hâte en 2009 : justice sociale, égalitarisme avec les individus et respect de l’environnement (Vivre en Islande).
Côté finance, elles ont été assainies. Explication d’un (ir)responsable du parti : "En tant qu’artistes, on avait l’habitude de travailler avec de petits budgets, ça nous a aidés". CQFD.
"Ils ont également tenu quelques discours réussis, construit plusieurs dizaines de kilomètres de pistes cyclables, conçu un plan d’urbanisme, réorganisé les écoles, développé les petits ateliers d’art et fait de la capitale une ville agréable à vivre et en plein essor. Le tourisme a enregistré une croissance de 20 % . Le prix de l’immobilier recommence à grimper, des hôtels sortent de terre un peu partout, les costumes ne sont toujours pas revenus à la mode mais on voit beaucoup plus de Range Rover dans les rues".
 [1]

Celui dont l’objectif était : "de me démettre moi-même de mes fonctions." à tenu ses promesses. Il a "passé la main" le 12 juin 2014.
Aujourd’hui, à 47 ans, Jón Gnarr souhaite redevenir un simple conseiller municipal… "l’exercice du pouvoir a un temps, et cette chance doit aussi échoir à d’autres hommes de qualité."

A-Gnarr-chie vaincra

On connait la vie fragile des groupes musicaux ou des collectifs, les hésitations ou l’opportunisme en milieu militant. On connait également la bénéfique utilité du "retour d’expérience" de ceux qui peuvent en faire bénéficier les autres.
Alors, en réponse aux ex-patrons, aux ex-présidents de la République ou aux ex-rois de la finance qui "tournent" de séminaires en colloques pour faire bénéficier les participants de leurs expériences moyennant des rémunérations exorbitantes, Jón Gnarr et son équipe pourraient, pour faire avancer "la cause", s’adresser aux "anarcho-surréalistes", aux "anarcho-punks" ou aux "anarcho-partis" d’Europe pour les aider à mieux organiser et gérer des collectes-concerts de soutiens, les conseiller sur le montage de fêtes populaires ou de sauvegarde de quartiers face à "l’invasion gentrificatrice", guider les "anarcho-hobereaux" à s’orienter sur les chemins escarpés de la "lutte des classes" ou, pourquoi pas, coacher des partis ou des collectifs pour qu’ils puissent sortir des impasses (physiques ou politiques) dans lesquelles certains s’enferment.

Si après avoir démontré leur capacité à gérer des budgets, une ville capitale de 300.000 habitants et mis en pratique leurs valeurs, Jón Gnarr et ses "anarcho-surréalistes" s’arrêtent là, c’est un peu Durruti et Sham 69 [2] qu’on crucifie.

Par Lucie Heymé - 17 septembre 2014

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