Déboisement en Indonésie: condamnation historique d'une société d'huile de palme
La justice indonésienne a condamné une société d'huile de palme pour déboisement illégal, dans un verdict considéré comme «historique».

Le tribunal de Meulaboh, sur l'île de Sumatra (nord-ouest), a condamné la société indonésienne Kallista Alam à verser des dommages-intérêts de 114 milliards de roupies (près de 10 millions de dollars) ainsi que 251 mds Rps (22,6 millions de dollars) en vue de la réhabilitation du terrain, ont indiqué jeudi les avocats de la défense et du ministère de l'Environnement, parties plaignantes.

Kallista Alam, qui s'est réservée le droit de faire appel, a été reconnue coupable d'avoir brûlé 1000 hectares de tourbières dans la province d'Aceh, dans le nord de Sumatra, afin d'y planter des palmiers à huile.

Les tourbières sont considérées comme essentielles à la préservation des forêts primaires et leur destruction dégage de très importantes quantités de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, responsable du réchauffement climatique.

La région brûlée est protégée notamment par un moratoire sur le défrichement décrété en 2011 par le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono, mais largement considéré comme un échec.

Elle fait partie de «l'Écosystème Leuser», ainsi baptisé en raison de sa biodiversité unique et qui abrite la densité la plus élevée d'orangs-outans au monde, gravement menacés.

L'attribution d'une licence de déboisement à Kallista Alam par le gouverneur de la province d'Aceh en 2011 avait suscité l'indignation internationale: plus d'un million et demi de personnes avaient signé une pétition.

Le jugement représente «un moment historique dans la mise en oeuvre des lois environnementales en Indonésie», a déclaré à l'AFP l'avocat du ministère, Syafruddin (un seul nom).

«C'est un message clair adressé aux sociétés dans la province d'Aceh qui croient qu'elles peuvent détruire les forêts protégées sans être inquiétées», a estimé dans un communiqué Muhammad Nur, président de Friends of the Earth en Indonésie.

Les organisations écologiques accusent régulièrement les plantations de palmiers à huile de ne pas respecter la législation en vigueur protégeant les forêts indonésiennes, pointant du doigt la corruption endémique qui sévit dans l'archipel.

«Le jugement représente une menace pour le secteur national de l'huile de palme», a réagi l'avocat de Kallista Alam, indiquant qu'un appel était envisagé.

L'Indonésie possède le troisième bassin de forêts équatoriales dans le monde, après le Brésil et la République démocratique du Congo.

La moitié des forêts indonésiennes ont disparu en cinquante ans, selon les ONG, souvent pour faire place aux exploitations d'huile de palme, dont l'Indonésie est le premier producteur mondial.

La surface plantée en palmiers a été multipliée par près de 27 dans l'archipel en une vingtaine d'années, selon des chiffres officiels. Et le pays a pour ambition d'augmenter de plus de 60 % sa production d'huile de palme d'ici à 2020.

Agence France-Presse
MEULABOH, Indonésie

Lire sur le site de la presse.ca (09/01/2014)