Bahamas Leaks: 175.000 sociétés offshores démasquées
L’enquête du « Soir » révèle que Neelie Kroes, l’ex vice-Présidente de la Commission européenne, a été administratrice d’une société offshore.

Moins de six mois après les Panama Papers, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont fait partie Le Soir, remet le couvert. Cette fois, le nom de code est « Bahamas Leaks ». Et – surprise- c’est l’île des Caraïbes qui est au centre des débats.

Nos confrères allemands du Süddeutsche Zeitung ont reçu 1,3 million de fichiers issus du registre des sociétés bahaméen. Comme à l’accoutumée, ils ont partagé leur trouvaille avec les membres de l’ICIJ, déjà à l’origine des LuxLeaks, SwissLeaks et Panama Papers. Le travail collectif de l’ICIJ a permis d’identifier plus de 175.000 sociétés offshores bahaméennes, créées entre 1990 et 2016.

Certes, la fuite est plus petite que dans le cas des Panama Papers. Son contenu est également moins riche. Mais on ne va tout de même pas cracher dans la soupe : 38 gigaoctets de données, c’est énorme !

Dès ce mercredi, 20 heures, ces nouvelles données ont été rendues publiques sur le site de l’ICIJ. Ceci crée – et c’est une grande première- une base de données gratuite, en ligne, qui permet d’aller naviguer dans le registre bahaméen. Cette base de données sera combinée à celle des Panama Papers et Offshore Leaks, et deviendra le plus grand registre de sociétés offshores ouvert à tout un chacun.

L’équipe de journalistes belges (De Tijd, Knack et Le Soir) a identifié deux-trois histoires bien de chez nous. Elles seront publiées dans les prochains jours.

Les règles européennes imposent en effet aux commissaires de déclarer tous les rôles de dirigeant, administrateur, superviseur ou conseil qu’ils ont occupé au cours des dix dernières années. Or, dans les déclarations d’intérêts de Neelie Kroes, il n’est aucunement fait mention du rôle d’administratrice dans Mint Holdings Ltd, la société bahaméenne en question.

Au-delà des Caraïbes, cette affaire a aussi un petit parfum d’Orient. Parmi les autres administrateurs de Mint Holdings, on retrouve l’homme d’affaires jordanien Amin Badr-El-Din. Contrairement à Neelie Kroes, Badr-El-Din occupait toujours cette fonction dans la société en juillet 2015, selon les documents en notre possession. Mint Holdings est d’ailleurs toujours une société active à l’heure actuelle.

Neelie Kroes rencontre pour la première fois Badr-El-Din en 1994. Les Emirats veulent acheter six frégates à un constructeur néerlandais. C’est Kroes qui négocie le deal pour nos voisins. Et Badr-El-Din pour sa société. Sauf que ce deal n’aboutira jamais (« l’affaire des frégates » a fait couler beaucoup d’encre à l’époque, aux Pays-Bas).

Mais, malgré tout, Kroes et l’homme d’affaires jordanien vont rester proches. En juin 1994, elle le fera par exemple rentrer dans le « conseil d’administration international » de l’université de Nyenrode, dont elle est la présidente.

Par la voix de son avocat, Neelie Kroes plaide la « bonne foi » et déplore une « erreur administrative ».

Par Xavier Counasse 

A lire sur lesoir.be (21/09/2016)