Un ancien banquier condamné à cinq ans de prison pour blanchiment
Un ancien de chez Delta Lloyd, Crelan et ING avait monté un système d'hommes de paille autour de sociétés de transport et d'importation de voitures allemandes. Près de 30 millions d'euros ont été blanchis.

Juger une organisation criminelle conduit souvent les enquêteurs à ne pas pouvoir composer le puzzle entier de son fonctionnement. C'est le cas du dossier dit "Blanchitrans", qui a vu, ce mercredi matin, la condamnation de cinq personnes pour des faits de blanchiment pour une somme estimée à 29 millions d'euros.

L'argent venait-il du trafic de drogue? Où est-il parti, sachant que des virements ont été effectués vers la Chine, Hong Kong et l'Arabie saoudite? Le tribunal n'a pas pu répondre à ces questions pourtant centrales dans la compréhension d'un phénomène criminel en plein essor en Belgique. Mais il a tancé "une délinquance qui se développe de manière internationale et porte gravement atteinte à la sécurité des affaires".

Revenons à "Blanchitrans". À la base du dossier se trouve un homme, Olivier L., originaire de Braine-le-Château. Âgé de 39 ans, il a connu une carrière dans la banque et l'assurance, chez Delta Lloyd, Crelan et ING, a résumé le juge Jean-Luc Vander Goten. Il a ensuite créé une batterie de sociétés actives dans le transport et l'import/export – 25 au total – et s'est adjoint les services de toute une série de personnages lui servant d'hommes de paille, de transporteurs ou de paravent, dont certains étaient déjà très défavorablement connus de la justice. "Olivier L. est l'intellectuel, l'homme des chiffres, celui qui a la maîtrise des mouvements financiers", résume le juge Vander Goten.

Véhicules de luxe venus d'Allemagne

L'enquête a débuté par une série de dénonciations de la CTif, de 2016 à 2018, entraînant l'ouverture d'une instruction judiciaire par le parquet fédéral. Si les enquêtes de patrimoine auprès des suspects n'ont rien donné de fondamental, l'étude des flux financiers des 25 sociétés a permis de mettre en lumière des "opérations financières colossales", selon le juge. "Ces sociétés plus que filandreuses se retrouvent avec des transferts de plusieurs millions qui ne correspondent à aucune base légale, même s'il y a derrière de vrais travailleurs et des caisses de légumes que l'on transporte", a expliqué le juge.

Le dossier a finalement été scindé en deux parties, l'une spécifiquement dédiée au trafic de stupéfiants, qui a abouti à plusieurs condamnations devant la chambre du grand banditisme du tribunal correctionnel de Bruxelles. Elles ont fait l'objet d'un appel. L'autre partie s'est intéressée au blanchiment des fonds issus d'un trafic de véhicules arrivant d'Allemagne. La méthode: dédouaner des véhicules de luxe – Audi, Mercedes, etc. – à l'origine douteuse en gommant tout lien avec leur immatriculation d'origine via toute une chaîne de fausses factures.

Corruption à la zone de police

L'enquête s'est poursuivie par une série d'écoutes téléphoniques qui ont mis au jour un système de corruption. C'est ainsi qu'une écoute a relié Olivier L. à un policier de la zone Bruxelles-Midi qui lui donnait des informations sur des véhicules. D'autres écoutes suggèrent des "complicités sur le contrôle technique des voitures", a poursuivi le juge.

Le jour de la perquisition est finalement arrivé en 2018. Interpellé à son domicile, Olivier L. a tenté de détruire une clé USB devant les enquêteurs. En vain: ceux-ci ont pu découvrir dessus toute une série de documents compromettants. Au même moment, un autre suspect, interpellé chez lui au quatrième étage de son immeuble, a sauté par la fenêtre pour tenter de s'échapper, finissant par être rattrapé par la police après s'être blessé...

Le juge a cependant acquitté plusieurs suspects pour une série de préventions telles que l'organisation criminelle ou l'escroquerie en droit pénal social, faute d'éléments. Olivier L. a été condamné à cinq ans de prison dont une partie avec sursis. Les complices et hommes de paille sont relativement épargnés et devront purger, pour la plupart, une peine de travail obligatoire. Au total, 20 millions d'euros ont été confisqués par le tribunal, 10 millions à l'encontre d'Olivier L. et 5 millions à deux autres condamnés.

Par Julien Balboni (publié le 15/06/2022)
A lire sur le site L'Echo