Procès de l'amiante : la victoire du travail sur le capital
La condamnation à seize ans de prison des deux anciens dirigeants de la société Eternit, responsables de la mort de 3 000 personnes victimes de l'amiante, rappelle qu'on ne peut impunément sacrifier la santé des travailleurs dans une pure logique de profit, se réjouit le quotidien de gauche Il Manifesto.
 
Une femme tient une pancarte "M. Stephan Schmidheiny votre place est en prison", au cours du procès à Turin, le 13 février.

Une femme tient une pancarte "M. Stephan Schmidheiny votre place est en prison", au cours du procès à Turin, le 13 février.AFP
Personne ne ramènera à la vie les milliers de victimes de l’amiante, ouvriers et citoyens dont le seul tort est d’avoir travaillé dans les usines de la mort, d’avoir lavé les bleus de travail imprégnés de poison de leurs camarades, d’avoir respiré chez eux ou au café ces maudites fibres. Un massacre perpétré par le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny et le baron belge Jean-Louis de Cartier de Marchienne [les deux anciens dirigeants de la société Eternit ont été condamnés par contumace à seize ans de prison] au nom du profit, baigné du sang de pauvres gens tués et intoxiqués, selon un principe criminel qui réduit la santé et la vie des travailleurs en variables d’ajustement de la plus-value, ce pilier de l’entreprise capitaliste.


La condamnation à seize ans de prison pour "catastrophe sanitaire et environnementale permanente" et infraction aux règles de sécurité au travail (dans les usines de produits à base d’amiante-ciment) prononcée hier par le tribunal de Turin a un immense mérite : elle restitue à une communauté entière, victime de l’amiante, le respect qui lui est dû et, ainsi, la confiance sinon dans l’avenir, désormais intimement compromis, du moins dans la justice.

Cette fois-ci les assassins ne se sont pas tiré d’affaire, ils tuaient en connaissance de cause et ont été condamnés pour leurs actes. Les larmes d’émotion des familles qui se sont battues pour la vérité et la justice témoignent du fait de se réapproprier le droit de vivre et le travail de deuil pour des milliers de personnes, forts de la certitude que leur combat civil n’a pas été mené en vain.

Elle vient s’ajouter à la récente victoire remportée par le Comité familial des victimes de l’amiante aux dépens du maire et de l’administration municipale de la ville de Casale Monferrato [où Eternit avait son usine, dans le Piémont], contraints de revenir sur leur décision intolérable d’accepter l’argent du bourreau, Mr Eternit, le magnat de l’amiante Stephan Schmidheiny, à condition de renoncer à se porter partie civile. Ce maire de droite, cynique et inhumain, était doublé d’un mauvais comptable puisque la justice a ordonné un dédommagement supérieur à "l’offre" du milliardaire pour prix du silence. 


Espérons que la condamnation de Turin sème le doute dans l’esprit de tous ceux qui, dans les usines comme dans les couloirs du pouvoir ou comme au sein des grandes directions, veulent profiter de la crise pour s’attaquer aux droits et à la dignité des travailleurs. Dont la sécurité, aujourd’hui, est sacrifiée sur l’autel du profit. La sentence interpelle tous ceux qui, au nom de la crise, s’attaquent au contrat de travail national, au Code du travail, aux normes de sécurité. Nos vies valent plus que leurs profits.

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