Le pied de nez de l'athlète Allyson Felix à Nike
En mai dernier, Allyson Felix, sextuple championne olympique, publiait une carte blanche dans le New York Times dans laquelle elle dénonçait une décision de Nike, son sponsor et équipementier depuis plus de dix ans. Elle venait d’apprendre que la marque à la virgule avait décidé de diminuer ses rémunérations de 70% en raison de sa grossesse.

    Être enceinte, c’est le baiser de la mort pour une femme athlète. En aucun cas, je ne voudrais avoir à le dire à Nike si jamais j’étais enceinte

Raison invoquée ? Selon la marque, l’athlète allait forcément être moins performante durant les mois qui suivraient son accouchement. Cette clause de performance formulait qu’après avoir donné naissance à un enfant, chaque athlète sous contrat voyait sa rémunération liée à son niveau de performance durant douze mois. Dénonçant "des règles en grande partie par des hommes et pour les hommes", Felix avait dans la foulée annoncé rompre son contrat avec Nike. Plusieurs femmes avaient déjà révélé cette clause, l’une d’entre elle déclarant "Être enceinte, c’est le baiser de la mort pour une femme athlète. En aucun cas, je ne voudrais avoir à le dire à Nike si jamais j’étais enceinte".

Allyson Felix est, elle, allée un cran plus loin en quittant son sponsor, lequel fut contraint et forcé de faire machine arrière. À la mi-août, John Slusher, un haut responsable des accords sponsoring de la marque, publiait un communiqué dans lequel il affirmait que "si une athlète tombe enceinte, Nike ne peut appliquer aucune réduction liée à la performance pendant une période de 10 mois". Une belle victoire pour cette "lanceuse d’alerte" qui est avant tout une athlète au palmarès impressionnant mais aussi une mère et une militante féministe

Une victoire bien plus significative pour une athlète

En novembre dernier, à cause d’une pré-éclampsie, elle a dû subir une césarienne d’urgence et a donné naissance à un bébé prématuré. Pied de nez extraordinaire à toutes les clauses sexistes dans le sport, dix mois après avoir accouché dans ces conditions extrêmement compliquées, Allyson Felix vient de réaliser un exploit aux championnats du monde de Doha. La semaine dernière, victorieuse, avec ses co-équipier·ères du relais 4 X 400 mètres mixte, elle a remporté la douzième médaille d’or de sa carrière aux Mondiaux. Elle est ainsi devenue l’athlète la plus titrée, hommes et femmes confondu·e·s, dans cette compétition, détrônant Usain Bolt. Le sprinteur jamaïcain ne détient lui "que" onze victoires.

Un rêve un peu fou

"Durant toute ma vie, je n’ai été concentrée que sur une chose : gagner des médailles. J’ai été douée pour ça. À 32 ans, j’étais l’une des athlètes les plus médaillées de l’histoire : six médailles d’or olympiques et onze médailles d’or aux Mondiaux. Mais, l’année dernière, mon horizon s’est élargi : je voulais être une athlète professionnelle et une mère. D’une certaine manière, ce rêve était fou". Fou, il l’était lorsque l’on sait l’implication et le travail qu’imposent une carrière d’athlète de haut niveau. Il y a quelques semaines, Allyson Felix avait annoncé avoir conclu un accord avec un nouveau sponsor, Athleta, actant définitivement sa rupture avec Nike. Les sponsors sont une source importante de revenus pour tout athlète de haut niveau.

Ce combat, si important soit-il, ne doit toutefois pas faire oublier la situation de tou.te.s ces athlètes qui se battent au quotidien pour simplement joindre les deux bouts entre le coût des voyages, les inscriptions aux meetings et le matériel nécessaire aux entraînements et aux compétitions.

Par July Robert (publié le 07/10/2019)
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