Le milliardaire Nicola Bulgari condamné pour délit d’initié
Costume sombre, baskets noires, un vieux monsieur au port altier s’avance à la barre. Dans la petite salle d’audience du tribunal judiciaire de Paris, ce mardi 14 février, l’homme s’exprime avec l’aide d’une interprète. Nicola Bulgari, 82 ans, membre de la célèbre famille de joailliers italiens, s’est fait pincer pour délit d’initié. Une tache disgracieuse sur la biographie du milliardaire, qui avait jusqu’ici uniquement été inquiété dans une affaire d’évasion fiscale en Italie.

C’est l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui a levé le lièvre début 2017, avant que le Parquet national financier (PNF) ne se saisisse du dossier en 2019. Nicola Bulgari a visiblement bénéficié d’un tuyau en or massif, juste avant que le groupe LVMH annonce des résultats en forte croissance, en juillet 2016.

En quelques jours, il achète 20 000 titres LVMH pour son compte personnel, par l’intermédiaire de trois établissements bancaires. Dans le même temps, sa holding familiale, Tara, en acquiert 82 600. Deux semaines après, le soir même de l’annonce des excellents résultats de LVMH, qui a entraîné une hausse du cours de l’action, il passe des ordres de vente. Résultat : 292 400 euros de plus-value pour lui-même, et 1,415 million d’euros pour la société familiale.

Quelle mouche a piqué cet homme richissime, qui avait revendu l’entreprise Bulgari à LVMH en 2011, devenant un actionnaire important du groupe de luxe, et dont la fortune est estimée par Forbes à 2 milliards d’euros ? Est-ce le goût du risque ? Un fol appât du gain ? Toujours est-il que l’opération, effectuée très opportunément, et en un temps record, n’est pas vraiment discrète.

Après de longues négociations par avocats interposés, Nicola Bulgari a fini par accepter une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), qui trouve son épilogue ce mardi.

« J’ai consulté mes avocats, et j’en ai conclu qu’il fallait que j’admette les faits », explique sobrement le vieil homme. La présidente de la 32e chambre correctionnelle lui demande d’expliquer les mécanismes de ce délit d’initié. « J’ai 82 ans, j’ai très peu de mémoire. Je ne me souviens pas des personnes qui m’ont conseillé de faire ça », élude le milliardaire. On n’en saura pas plus. « Je ne me rappelle rien, mais je reconnais ce que j’ai fait », répond-il à une dernière question, avec une moue agacée.

La peine négociée entre le PNF et les avocats du milliardaire est homologuée par la présidente du tribunal. Nicola Bulgari est condamné à neuf mois de prison avec sursis, une amende de 1,2 million d’euros à titre personnel, ainsi qu’une amende de 5,5 millions pour la société Tara. Les amendes représentent quatre fois le montant de la plus-value illicite. Une goutte d’eau pour le milliardaire.

Par Michel Deléan (publié le 14/02/2023)
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