Le Front national de Marine Le Pen condamné dans l'affaire des kits de campagne
JUSTICE - Le tribunal correctionnel de Paris a rendu son jugement ce mardi 16 juin dans l’affaire des kits de campagne du FN aux législatives de 2012 et il est  sévère pour la formation politique, rebaptisée depuis Rassemblement national et présidée par Marine Le Pen.

Le Front national est ainsi condamné pour “recel d’abus de biens sociaux” (et non pour “complicité d’escroquerie” de l’Etat comme nous l’avions écrit précédemment par erreur) à une amende de 18.750€, soit le maximum encouru pour une personne morale, a précisé le tribunal.

Le tribunal a en revanche relaxé le parti de la principale accusation dans ce dossier, celle d’avoir mis en place une escroquerie de surfacturation des kits de campagne de ses candidats remboursés par l’Etat. Les magistrates estiment ne pas avoir trouvé de “manoeuvres frauduleuses” ni de preuves de surfacturations derrière la fourniture obligatoire et uniforme de kits de campagne - tracts, affiches, sites internet... - aux candidats du parti, pour un montant estimé en 2012 à 9 millions d’euros.

Le tribunal a toutefois condamné un proche de Marine Le Pen et un député européen pour une escroquerie aux prêts fictifs réalisée en marge de ce système.

La justice n’épargne pas en effet les cadres du RN. Le trésorier Wallerand de Saint-Just est condamné à 6 mois de prison avec sursis tandis que le député européen Jean-François Jalkh écope de 2 ans de prison, dont 18 mois avec sursis, et une peine de 5 ans d’inéligibilité.

Contre Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen qu’il présidait et qui a servi à ces manoeuvres, le tribunal a fixé une amende de 300.000 euros, dont la moitié avec sursis. Dans le volet des prêts fictifs, le tribunal a estimé le préjudice de l’Etat à quelque 860.000 euros, qui doivent être dédommagés solidairement par Frédéric Chatillon et Jean-François Jalkh, le micro-parti Jeanne, et deux autres protagonistes.

Frédéric Chatillon, très proche conseiller de Marine Le Pen, est quant à lui condamné à 30 mois de prison, dont 20 avec sursis, et 250.000€ d’amende pour escroquerie. A 52 ans, cet ancien président du Gud, le syndicat étudiant d’extrême droite, était accusé de s’être enrichi frauduleusement en détournant les bénéfices juteux engrangés par ses sociétés.

“Montages fumeux”, “prêts fictifs”

Les sept protagonistes et trois personnes morales, dont le FN, jugés dans cette affaire avaient pourtant balayé les accusations lors du procès en novembre 2019, qui a décortiqué, trois semaines durant, les coulisses du financement du parti, rebaptisé depuis Rassemblement national (RN).

A son terme, le parquet de Paris avait requis une amende de 500.000 euros contre le FN, tandis que l’avocat de l’Etat avait réclamé 11,6 millions d’euros de dommages et intérêts, correspondant aux dépenses électorales remboursées par l’argent public. Sur ce point, la justice s’est montrée clémente pour le parti de Marine Le Pen.

Tenant pour responsable le président Emmanuel Macron et le Premier ministre Edouard Philippe, le RN avait dénoncé sur Twitter une “volonté de ces politiciens de tuer le RN plutôt que de le laisser gagner dans les urnes !”

Le parquet avait estimé que le parti d’extrême droite s’était rendu complice de “montages fumeux” et de “prêts fictifs” qui visaient, selon lui, à “transformer une structure” - la société de communication Riwal de Frédéric Chatillon, proche conseiller de Marine Le Pen et homme central du dispositif - “en une machine à faire de l’argent” et à “détourner de l’argent public de manière systémique”.

Or, pour l’accusation, le FN aurait joué “un rôle de premier plan” dans la mise en place de ce système de kits - tracts, affiches, site internet, prestations comptables... - vendus aux candidats par Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, et fournis par Riwal.

Des kits “obligatoires” remboursés par l’Etat

Ces kits “obligatoires”, “identiques”, “non-modulables”, “surfacturés”, cachaient, selon le ministère public, une manoeuvre frauduleuse “pour constituer des fonds à partir des remboursements prévus de l’Etat”, qui couvre les dépenses des candidats ayant dépassé 5% des voix.

Le micro-parti Jeanne, dont le parquet a demandé la dissolution, prêtait en effet le montant du kit et les intérêts du prêt aux candidats qui lui rendaient immédiatement l’argent en achetant le matériel. Cet “aller-retour comptable” permettait au micro-parti, quasi dénué de fonds propres, d’avancer presque 9 millions d’euros.

Il attendait ensuite le remboursement étatique pour payer Riwal, son unique intermédiaire auprès des imprimeurs.

Les représentants du parquet ont aussi appelé à sanctionner des opérations suspectes lors de la présidentielle de 2012 et d’autres campagnes électorales jusqu’en 2015.

Pendant trois semaines, la défense, en bloc, a tenté de justifier la légalité et l’ingéniosité de ce système, imaginé pour pallier les difficultés de financement du FN après les déroutes électorales de 2007.

L’argument principal des prévenus ? La validation intégrale des dépenses des candidats par la Commission nationale des comptes de campagne en 2012.

Plaidant la relaxe, les avocats avaient dénoncé “l’entrée de la politique dans le prétoire” pour “éliminer la concurrence de l’échiquier politique”.

Par HuffPost avec AFP (publié le 16/06/2020)
A lire sur le site HuffPost