19 Déc 2022
C'est une belle pierre qui vient d'atterrir dans le jardin du gouvernement fédéral, en plein débat autour de la norme salariale: l'Organisation internationale du travail estime que la loi de 96 contrevient à la liberté de négociation collective.
Un élément intéressant vient d'être versé dans le débat autour de la loi qui encadre les évolutions de salaire pour préserver la compétitivité. On parle de la fameuse "loi de 96", dans sa version remaniée en 2017 par le gouvernement Michel, et qui rend impérative la norme fixant les évolutions de salaires dans le secteur privé. On le sait désormais, cette norme est fixée à 0 pour 2023 et 2024, après avoir été de 0,4% ces deux dernières années.
Les syndicats contestent depuis plusieurs années ce qu'ils estiment être un "carcan salarial" et militent pour que l'on en revienne à une marge indicative qui favoriserait une certaine liberté de négociation dans les secteurs où des marges permettraient éventuellement des hausses de salaires.
Mais constatant que le gouvernement De Croo avait exclu dès le départ de modifier cette loi, ils se sont tournés en décembre 2021 vers l'Organisation internationale du travail (OIT) et plus précisément son Comité de la liberté syndicale (CLS).
"Une restriction significative"
En février dernier, le gouvernement fédéral avait transmis ses arguments, justifiant notamment que la loi incriminée n'empêchait pas complètement les hausses de salaires, dès lors que toute une série de mécanismes salariaux (participations bénéficiaires, primes corona...) étaient exclus du calcul de la marge maximale.
Le CLS a examiné la plainte des syndicats et vient de rendre ses conclusions. Celles-ci ont été validées ce mercredi 9 novembre - jour de grève nationale, hasard du calendrier - par le Conseil d'administration de l'OIT, actuellement réuni à Genève. Fait marquant, la Belgique siège actuellement dans cet organe tripartite, syndicats, mais aussi patrons et gouvernement sont représentés.
Dans ses conclusions, l'OIT constate "l'existence d'une restriction significative de la capacité des partenaires sociaux à négocier de manière autonome l'évolution du niveau des salaires du secteur privé". Autrement dit, la loi de 96 est incompatible avec la liberté de négociation collective, consacrée dans la convention 98 de l'organisation internationale, ratifiée en 1953 par la Belgique.
La recommandation de l'OIT
En conséquence de quoi, l'OIT formule la recommandation suivante: "Le comité prie le gouvernement (belge), en pleine consultation avec les partenaires sociaux, de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les partenaires sociaux peuvent décider librement des critères sur lesquels baser leurs négociations sur les évolutions de salaires au niveau intersectoriel et des résultats desdites négociations."
" Ce rapport de l'OIT constituerait un solide argument à faire valoir devant la justice belge, si les syndicats devaient décider à l'avenir de passer par cette voie pour obtenir gain de cause. "
Pour les syndicats, cet avis est évidemment une bonne nouvelle. Il n'a pas de force contraignante. Le gouvernement n'est pas obligé de le suivre, mais la CSC, à l'origine de la plainte, rappelle que le fait que le gouvernement siège actuellement au sein du CA de l'OIT donne à cet avis un poids considérable auquel l'exécutif se doit de donner suite.
"La ministre des Affaires étrangères indiquait récemment au Parlement que la Belgique figure parmi les neuf pays fondateurs de l'organisation et qu'elle a toujours soutenu l'OIT et son système normatif. Le gouvernement doit être cohérent et montrer que c'est bien le cas", souligne Alexis Fellahi, juriste de la CSC.
La CSC s'attend donc à ce que l'avis de l'OIT pèse dans le débat, inextricable jusqu'ici, autour de la norme salariale et fasse pencher la balance en faveur d'une révision de la loi de 96. Si tel n'est pas le cas, ce rapport de l'OIT constituerait un solide argument à faire valoir devant la justice belge, si les syndicats devaient décider à l'avenir de passer par cette voie pour obtenir gain de cause.
Par Corentin Di Prima (publié le 11/11/2022)
A lire sur le site L'Echo
Un élément intéressant vient d'être versé dans le débat autour de la loi qui encadre les évolutions de salaire pour préserver la compétitivité. On parle de la fameuse "loi de 96", dans sa version remaniée en 2017 par le gouvernement Michel, et qui rend impérative la norme fixant les évolutions de salaires dans le secteur privé. On le sait désormais, cette norme est fixée à 0 pour 2023 et 2024, après avoir été de 0,4% ces deux dernières années.
Les syndicats contestent depuis plusieurs années ce qu'ils estiment être un "carcan salarial" et militent pour que l'on en revienne à une marge indicative qui favoriserait une certaine liberté de négociation dans les secteurs où des marges permettraient éventuellement des hausses de salaires.
Mais constatant que le gouvernement De Croo avait exclu dès le départ de modifier cette loi, ils se sont tournés en décembre 2021 vers l'Organisation internationale du travail (OIT) et plus précisément son Comité de la liberté syndicale (CLS).
"Une restriction significative"
En février dernier, le gouvernement fédéral avait transmis ses arguments, justifiant notamment que la loi incriminée n'empêchait pas complètement les hausses de salaires, dès lors que toute une série de mécanismes salariaux (participations bénéficiaires, primes corona...) étaient exclus du calcul de la marge maximale.
Le CLS a examiné la plainte des syndicats et vient de rendre ses conclusions. Celles-ci ont été validées ce mercredi 9 novembre - jour de grève nationale, hasard du calendrier - par le Conseil d'administration de l'OIT, actuellement réuni à Genève. Fait marquant, la Belgique siège actuellement dans cet organe tripartite, syndicats, mais aussi patrons et gouvernement sont représentés.
Dans ses conclusions, l'OIT constate "l'existence d'une restriction significative de la capacité des partenaires sociaux à négocier de manière autonome l'évolution du niveau des salaires du secteur privé". Autrement dit, la loi de 96 est incompatible avec la liberté de négociation collective, consacrée dans la convention 98 de l'organisation internationale, ratifiée en 1953 par la Belgique.
La recommandation de l'OIT
En conséquence de quoi, l'OIT formule la recommandation suivante: "Le comité prie le gouvernement (belge), en pleine consultation avec les partenaires sociaux, de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les partenaires sociaux peuvent décider librement des critères sur lesquels baser leurs négociations sur les évolutions de salaires au niveau intersectoriel et des résultats desdites négociations."
" Ce rapport de l'OIT constituerait un solide argument à faire valoir devant la justice belge, si les syndicats devaient décider à l'avenir de passer par cette voie pour obtenir gain de cause. "
Pour les syndicats, cet avis est évidemment une bonne nouvelle. Il n'a pas de force contraignante. Le gouvernement n'est pas obligé de le suivre, mais la CSC, à l'origine de la plainte, rappelle que le fait que le gouvernement siège actuellement au sein du CA de l'OIT donne à cet avis un poids considérable auquel l'exécutif se doit de donner suite.
"La ministre des Affaires étrangères indiquait récemment au Parlement que la Belgique figure parmi les neuf pays fondateurs de l'organisation et qu'elle a toujours soutenu l'OIT et son système normatif. Le gouvernement doit être cohérent et montrer que c'est bien le cas", souligne Alexis Fellahi, juriste de la CSC.
La CSC s'attend donc à ce que l'avis de l'OIT pèse dans le débat, inextricable jusqu'ici, autour de la norme salariale et fasse pencher la balance en faveur d'une révision de la loi de 96. Si tel n'est pas le cas, ce rapport de l'OIT constituerait un solide argument à faire valoir devant la justice belge, si les syndicats devaient décider à l'avenir de passer par cette voie pour obtenir gain de cause.
Par Corentin Di Prima (publié le 11/11/2022)
A lire sur le site L'Echo