La justice enquête sur le Crédit suisse
Le parquet de Paris s’intéresse au Crédit suisse, à la suite d’une plainte déposée pour «abus de faiblesse». Hier, UBS a été mise en examen.

Zurich. Du personnel du Crédit suisse viendrait illégalement en France recueillir des instructions de la part de possesseurs de comptes en Suisse.
Après les banques UBS (mise en examen hier en France pour « démarchage illicite ») et HSBC, le Crédit suisse se trouve dans le collimateur de la justice française. Au point que des parlementaires commencent à se poser de sérieuses questions sur la déontologie de cette banque.

Dans une question écrite, le rapporteur général de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, Christian Eckert, a pointé la semaine dernière les « pratiques scandaleuses » de « certaines banques étrangères, en particulier suisses, sur notre territoire national ».

« Ces banques dépêchent de façon illégale en France des agents chargés de recueillir auprès des clients de leurs filiales françaises des instructions pour gérer leurs avoirs », constate-t-il, avant de demander au ministre du Budget quelles mesures il compte prendre.

Au Sénat, le rapporteur de la commission d’enquête sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale, Eric Bocquet, a de son côté prévu d’entendre un ancien responsable du Crédit suisse.

Conflit familial autour d’un compte ancien

A l’origine de ces inquiétudes : un conflit entre un frère et sa sœur, Claude-Louis et Monique, autour du contenu du coffre de leurs parents, les époux Richard. Ouvert il y a fort longtemps auprès du Crédit suisse, ce coffre, non déclaré, abritait, selon une estimation faite par le frère, près de 5M€ en lingots de platine et d’or. Avec la complicité d’au moins un ex-employé du Crédit suisse, son contenu serait passé, il y a trois ans, entre les mains de sa sœur. Saisi en novembre 2012 d’une plainte pour « abus de faiblesse » déposée par Claude-Louis, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire qu’il a confiée à la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA). Elle vise notamment Monique, deux employés de la banque, mais aussi la banque Crédit suisse elle-même.

Les faits remontent à 2010. Maxime Richard, le patriarche, est alors âgé de 95 ans. Son épouse Jacqueline, 87 ans, souffre d’un « déclin cognitif et d’une perte d’autonomie définitifs », selon son médecin traitant. Tous deux habitent à Paris, près de la place des Ternes (XVIIe), et reçoivent régulièrement la visite de Monique. Claude-Louis, depuis des déboires judiciaires liés à l’affaire Elf, s’est installé en Israël.

En juin 2010, avec l’aide de l’avocat de sa mère, Monique demande à un tribunal d’instance de placer ses parents sous protection juridique. L’état de santé de Jacqueline « s’est dégradé au fil des ans et ne lui permet plus aujourd’hui de pouvoir réaliser dans des conditions de sécurité normale les actes de la vie civile », indique sa requête.

Un mois auparavant, le 25 mai 2010, Monique a fait venir à Paris Bruno C., un employé du Crédit suisse chargé de gérer la fortune de ses parents. « Pour quel motif? » lui demandera un juge suisse saisi par Claude-Louis d’une plainte qui n’aboutira pas. « J’avais le sentiment que nous pouvions développer nos relations bancaires », répond l’employé, qui regagne la Suisse avec l’autorisation de transférer les avoirs des époux Richard sur le compte de leur fille. Les 20 et 21 août 2010, c’est chose faite.

En dépit des protestations du frère de Monique, Bruno C. remet la totalité du coffre à cette dernière. Contacté par nos soins, le Crédit suisse n’a « rien à dire d’une affaire judiciaire en cours ». « Nous respectons toutes les règles et réglementations applicables dans chaque pays où nous opérons. »

Lire sur le site du Parisien.fr (08/06/2013)