La Haute Cour australienne interdit l’expulsion d’Aborigènes
C’est une décision historique. Les Aborigènes d’Australie ne sont pas concernés par la législation sur l’immigration, a tranché mardi 11 février la Haute Cour, la plus haute juridiction australienne. Selon cette décision, le pays ne peut pas expulser les indigènes, même s’ils sont nés à l’étranger.

En vertu de lois permettant d’annuler le visa d’un criminel condamné, l’Australie avait tenté d’expulser deux hommes – Daniel Love, citoyen de Papouasie-Nouvelle-Guinée, et Brendan Thoms, citoyen de Nouvelle-Zélande. Tous deux s’identifient comme des Aborigènes australiens. Ayant chacun un parent indigène, ils vivent en Australie depuis leur enfance.

Daniel Love, qui a purgé une peine de prison pour agression, et Brendan Thoms, emprisonné pour violences familiales, ont saisi la justice en demandant de pouvoir rester en Australie, arguant que même s’ils n’en étaient pas « citoyens », ils n’étaient pas non plus des « étrangers ».

Les sept juges de la Haute Cour se sont prononcés à 4 contre 3 pour trancher que les Aborigènes australiens ne sont pas concernés par la législation frappant les ressortissants étrangers.

C’est la première fois que la justice australienne était appelée à trancher la question de savoir si le gouvernement peut expulser des Aborigènes. Les indigènes peuplent le continent depuis plus de soixante mille ans alors que la Constitution de la nation moderne n’a été adoptée qu’en 1901. L’affaire a permis également d’évoquer l’épineuse question de la définition légale de la qualité d’Aborigène.

« Il ne s’agit pas de citoyenneté, mais de savoir qui est australien »

La Cour a reconnu Thoms, propriétaire terrien traditionnel, comme un Aborigène. Mais elle n’a pu se mettre d’accord en ce qui concerne Love après avoir examiné tant son ascendance biologique que son auto-identification et la reconnaissance communautaire. L’avocate des deux hommes, Claire Gibbs, a salué à Canberra une décision « significative pour les Aborigènes australiens ».

« Il ne s’agit pas de citoyenneté, mais de savoir qui appartient à ce pays, qui est australien et qui fait partie de la communauté australienne. »

« La Haute Cour a conclu que les Aborigènes australiens sont protégés de l’expulsion. Ils ne peuvent plus être renvoyés du pays qu’ils connaissent et du pays avec lequel ils entretiennent une relation étroite. »

Par ailleurs, Mme Gibbs s’est dite « confiante » de voir valider le statut de M. Love, selon elle « accepté par sa communauté en tant qu’Aborigène » et qui dispose d’une « preuve biologique ».

Le ministre en exercice chargé de l’immigration, Alan Tudge, a pour sa part évoqué une décision « significative », avec des « implications sur nos programmes pour les migrants ». « Cela crée une nouvelle catégorie de personnes ; ni citoyen australien aux termes de la législation australienne sur la citoyenneté, ni non-citoyen », a-t-il affirmé dans un communiqué. Le gouvernement étudie cette décision de la Haute Cour et ses implications, a-t-il ajouté.

Les deux hommes, qui avaient été placés en rétention en vertu des lois sur l’immigration, vont réclamer des dommages et intérêts, selon leur avocate. M. Love avait été relâché en septembre 2018 et M. Thoms a été remis en liberté après le jugement.

Par Le Monde avec AFP (publié le 11/02/2020)
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