Islande, Espagne, Japon… A l’étranger, vers les 32 heures sans heurts
L’idée séduit plusieurs pays, mais ce sont les Islandais qui sont allés le plus loin. Entre 2015 et 2019, la semaine de quatre jours y a été testée par 2 500 employés, soit plus de 1% de la population. L’expérimentation a été menée dans le service public (crèches, hôpitaux, bureaux, etc.), instaurant une semaine de 35 ou 36 heures à la place de 40. Pilotée par deux think tanks, islandais et britannique, elle a cloué le bec à de nombreuses idées reçues, selon leur rapport publié le 4 juillet : non seulement, la baisse du temps d’activité n’a pas entraîné de réduction de salaire, mais elle n’a pas provoqué une surcharge de travail.

Afin de maintenir le même niveau de service, l’organisation du travail s’est adaptée pour devenir plus efficace. Exit les réunions à rallonge et les longues pauses café au profit d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. La productivité s’est même parfois améliorée. En majorité, les salariés qui ont participé ont admis qu’ils se sentaient mieux, étaient moins stressés et épuisés, et qu’ils disposaient de plus de temps pour les tâches domestiques, leurs hobbies, et leur famille. Après cette expérimentation, les syndicats islandais ont engagé des négociations dans le cadre d’accords collectifs pour élargir la mesure à d’autres travailleurs. Aujourd’hui, selon le rapport des think tanks, 86 % de la population bénéficie d’une réduction du temps de travail ou de ­contrats plus flexibles permettant cet aménagement.

Petite révolution

D’autres pays se laissent tenter. En Espagne, une expérience similaire va être instaurée à l’automne, à l’initiative du parti de gauche Más País. Celle-ci durera trois ans, concernera 200 entreprises et entre 3 000 et 6 000 employés qui passeront aux 32 heures sans baisse de salaires. «Avec la semaine de quatre jours, nous nous lançons dans le véritable débat de notre époque. […] Je maintiens que travailler plus d’heures ne signifie pas travailler mieux», explique le député Inigo Errejon Galvan. En Nouvelle-Zélande, la multinationale néerlando-britannique Unilever a ­décidé en décembre de tester la semaine de quatre jours, payés cinq. Seuls 81 employés pour l’heure sont concernés, mais en cas de succès, le groupe pourrait étendre la mesure au niveau mondial. «Nous espérons que cet essai fera d’Unilever la première entreprise mondiale à adopter des méthodes de travail qui présentent des avantages tangibles pour le personnel et pour l’entreprise», précise Nick Bangs, le directeur général d’Unilever dans le pays.

Plus inattendu, le gouvernement japonais s’est aussi laissé séduire après une expérimentation réalisée par Microsoft Japon. Durant l’été 2019, 2 300 employés du groupe se sont retrouvés en week-end dès le jeudi soir. Ils ont aussi vu leurs réunions limitées à trente minutes et cinq participants. L’objectif de la direction consistait à calculer le taux de productivité en cas de réduction du nombre d’heures. Résultat : 40% de productivité supplémentaire et un sentiment de bien-être au travail pour 92% d’entre eux. Face à ce constat, le gouvernement japonais souhaite promouvoir la mesure, qui apparaît dans son rapport annuel de recommandations économiques publié fin juin. Et ce afin de permettre aux salariés de poursuivre leurs études, de s’occuper de leurs aïeux, de passer davantage de temps en famille. Et même de rencontrer des gens et de se marier, alors que le taux de natalité du pays est en baisse. Une petite révolution dans un pays où un mot spécifique a été créé pour évoquer la mort par surmenage : le karoshi.

Enfin, au Royaume-Uni et en Californie, des élus se sont emparés du sujet. En mai, une quarantaine de députés britanniques ont déposé une motion pour demander au gouvernement de se pencher sur la semaine de quatre jours. En Californie, l’élu démocrate à la Chambre des Représentants Mark Takano a présenté, fin juillet, un projet de loi en faveur d’une réduction du temps de travail hebdomadaire de 40 heures à 32. Ce qui serait «bénéfique tant pour les employeurs que pour les employés, argumente-t-il. Aujourd’hui, plus que jamais, les gens continuent de travailler de plus en plus longtemps alors que leur salaire stagne. Nous ne pouvons pas continuer à accepter cela comme notre réalité.»

Par Margot Davier (publié le 23/08/2021)
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