Forêt en Amazonie : l’Allemagne, fatiguée par Bolsonaro, suspend ses subventions
L’Allemagne suspend une partie de ses subventions à des projets de protection de l’Amazonie. Les chiffres de la déforestation au Brésil, combinés aux déclarations provocatrices du président Bolsonaro, commencent à faire des dégâts

Les déclarations intempestives de Jair Bolsonaro, le président du Brésil, semblent fatiguer la communauté internationale. 24 heures après l’avoir entendu préconiser de "faire caca un jour sur deux" pour préserver l’environnement, le gouvernement allemand a annoncé le 10 août suspendre une partie de ses subventions dévolues à la protection de l’Amazonie.

En réponse, dimanche 11 août, "Ils peuvent utiliser cet argent comme bon leur semble. Le Brésil n’en a pas besoin", a déclaré le chef de l’Etat à des journalistes à Brasilia.

La première étape consiste à bloquer une subvention de 35 millions d’euros aux projets de conservation des forêts et de la biodiversité au Brésil. L’Allemagne continuera néanmoins de contribuer au Fond de préservation de la forêt amazonienne, crée en 2008 et dont le plus généreux donateur, la Norvège, menace de se retirer. De 2008 à 2019, le gouvernement allemand a fourni une enveloppe totale de 95 millions d’euros pour différents projets de sauvegarde environnementale au Brésil.

La déforestation explose

Autant voire plus que les propos outrageux de Bolsonaro, ce sont les chiffres de la déforestation au Brésil qui ont poussé l’Allemagne à bouger. Il y a dix jours, le président brésilien a limogé le directeur de l’Institut national de recherche spatiale (INPE) qui avait eu le malheur de rendre public le rebond du déboisement. Jusqu’en avril, la déforestation se maintenait à un niveau similaire à celui des dernières années. Mais elle a augmenté de façon exponentielle ces derniers mois : 738 km2 en mai (+34% par rapport au même mois en 2018), 932 km2 en juin (+91%) et 2255 km2 en juillet (+278%).

Ceci n’a rien d’une surprise quand on sait que Bolsonaro, climato-sceptique notoire, est très proche de l’agrobusiness qui fait la loi au Brésil. Grâce à la déforestation de l’Amazonie – et de la savane du Cerrado, un immense territoire dont on parle beaucoup moins en Europe – le pays est devenu le deuxième producteur mondial de viande bovine. Il est également incontournable sur le marché du soja qui alimente, entre autres, le bétail européen.

C’est avec un sens aigu de la litote que Svenja Schulze, la ministre allemande de l’Environnement, a justifié la décision de son pays. "La politique du gouvernement brésilien en Amazonie soulève des doutes quant à la poursuite d’une réduction soutenue des taux de déforestation", a-t-elle déclaré. Cette timide sortie témoigne cependant de l’agacement des partenaires du Brésil face au comportement de son président qui semble emprunter le chemin tracé par Donald Trump – sans posséder des moyens de pression aussi massifs que lui.

L’accord Europe – Mercosur en débat

Quelques jours après la publication d’un rapport alarmant du GIEC (le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sur l’usage des sols, la communauté internationale peut difficilement rester inerte face au saccage de la forêt amazonienne. Ce poumon vert planétaire est à 65% compris dans les limites territoriales du Brésil. "Capitaine tronçonneuse", comme il se désigne lui-même, Jair Bolsonaro en vient à inquiéter ses plus précieux soutiens domestiques. Les exportateurs de biens agricoles craignent des mesures de rétorsion qui leur porteraient préjudice.

Le débat sur l’accord de libre-échange signé à la fin juin entre l’Union Européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) semble leur donner raison. Alors que les néo-libéraux européens ne voient rien à redire sur le principe d’une suppression des barrières douanières, les éructations répétées du président brésilien rendent leur position intenable. Au point de menacer l’adoption d’un tel accord par le Parlement européen auquel il devrait être soumis l’an prochain ? A voir. En tous les cas, le troc politique évoqué en juin par Emmanuel Macron – le respect de l’Accord de Paris sur le climat par le Brésil contre l’adoption du traité UE/ Mercosur – paraît de plus en plus acrobatique.

par Jean-Denis Renard (avec AFP) ( 11/08/2019)

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