En Allemagne , les soignants arrachent 8,7 % d’augmentation de salaire
Le syndicat Verdi a fait prévaloir ses revendications pour l’ensemble des 2,3 millions de salariés de la fonction publique, qu’il représente, en première ligne face au coronavirus.

« Applaudir ne suffit pas. » Avec cette formule, le syndicat Verdi soulignait, depuis plusieurs semaines, l’hypocrisie d’une situation où les personnels soignants, en première ligne dans la pandémie du coronavirus, étaient payés en remerciements citoyens, toujours bons à prendre, mais pas en reconnaissance au bas de la fiche de paie. L’organisation syndicale, qui compte plus de 2 millions de membres, a finalement obtenu gain de cause. Dans le cadre de la convention collective du secteur public, négociée tous les deux ans, est prévue une hausse de salaire de 8,7 % pour le personnel soignant. Des primes spéciales coronavirus, entre 225 et 600 euros, leur seront également versées. La bonne nouvelle n’est pas venue d’un coup de baguette magique, mais en conclusion d’une longue mobilisation.

26 000 salariés à travers le pays ont donné leur avis

La renégociation de la convention collective donne traditionnellement lieu à un processus d’élaboration des revendications qui a pris, en cette année de propagation du Covid-19, un relief particulier. Dès le mois d’août, sollicités par Verdi, 26 000 salariés à travers le pays ont donné leur avis. Les représentants syndicaux ont ensuite transmis les revendications aux employeurs. Le temps que ceux-ci « réfléchissent », des « grèves d’avertissement » ont été lancées. C’est un mode opératoire classique en Allemagne, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Un premier épisode d’arrêts de travail limités à quelques heures mais tournants est intervenu fin septembre avec des débrayages devant les portes de plusieurs hôpitaux, celles des jardins d’enfants, des casernes de pompiers ou des hangars qui abritent les escouades de ramassage des ordures. « Les applaudissements ne suffisent pas, nous voulons des rémunérations dignes ! » lançait alors Volker Hoppmann, dirigeant de Verdi, devant une clinique de la ville de Gütersloh, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Le 9 octobre, un second mouvement a eu des impacts dans les transports, les crèches communales ou les hôpitaux. Un sondage montrait que près des deux tiers des personnes interrogées exprimaient leur accord avec leurs revendications.

Le syndicat a ainsi pu attirer l’attention des Allemands sur les disparités salariales dans le pays : 11,38 euros brut de l’heure pour les conducteurs et conductrices de bus, à peine plus (11,56 euros) pour les assistants et assistants médicaux, 16,88 euros pour les employés des services de traitement des déchets, tandis que « les autres métiers » gagnent en moyenne 19,38 euros brut de l’heure. Verdi réclamait donc une augmentation de 4,8 % (soit 150 euros au minimum) pour les 2,3 millions de salariés de la fonction publique. Ce qu’il a obtenu, avec un coup de pouce supplémentaire donc pour le personnel soignant (8,7 %).

Dans un entretien accordé à Solidaire, quotidien digital du Parti du travail de Belgique, Jutta Markowski, thérapeute dans un hôpital d’Essen, dans la Ruhr industrielle (partie ouest du pays) et déléguée syndicale de Verdi, est revenue sur cette victoire d’autant plus marquante que « les résultats de ces négociations s’appliquent également à de nombreuses entreprises du secteur privé ». Et d’ajouter : « En fin de compte, la question fondamentale est de savoir si ce sera à nous, les travailleuses et travailleurs, de payer la facture de la crise ou si nous allons réussir à mettre à l’ordre du jour la question de la redistribution des richesses. »

Par Christophe Deroubaix (publié le 28/10/2020)
A lire sur le site Anti-K