Election de Lula au Brésil : un soulagement planétaire
La démocratie a parlé au Brésil. Dimanche 30 octobre, elle a congédié le président sortant, Jair Bolsonaro, après un mandat de tumulte et de fureur, illustré par une gestion catastrophique de la pandémie de Covid-19, le saccage de l’Amazonie, les attaques contre la démocratie et un flot continu de déclarations racistes, sexistes et homophobes. Il reste désormais à ce responsable d’extrême droite, muet au soir de l’élection, une dernière obligation due à son pays : reconnaître publiquement sa défaite et préparer une alternance pacifique au sommet de l’Etat.

Le plus tôt sera le mieux, il ne faudrait pas que celui qui fut souvent comparé à l’ancien président des Etats-Unis Donald Trump l’imite une dernière fois en se lançant dans une contestation des résultats qui mettrait à l’épreuve les institutions. Le temps d’une campagne délétère et particulièrement virulente est passé. Place désormais à celui des défis qui attendent le vainqueur, Luiz Inacio Lula da Silva.

L’étroitesse de la victoire de ce dernier, qui effectue, à 77 ans et après un passage en prison, l’un des plus spectaculaires retours au pouvoir jamais réalisés dans une puissance de la taille du Brésil, dit combien la tâche est immense. Alors qu’un triomphe lui avait été prédit initialement, l’ancien syndicaliste a dû se battre bec et ongles pour arracher les voix qui lui ont permis finalement de devancer Jair Bolsonaro.
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Lula avait pourtant cru avoir mis de nombreux atouts dans son jeu, à commencer par la volonté de dépasser son ancrage politique d’origine, la gauche identifiée au Parti des travailleurs dont il a été l’un des fondateurs et la figure de proue. Face au président sortant, il se présentait de fait à la tête d’une large coalition ouverte à des centristes et même à des conservateurs, un front élargi qui a reçu de nouveaux soutiens entre les deux tours de scrutin.
Bolsonarisme institutionnel

Ce dépassement était sans doute indispensable, mais il n’a pas empêché l’enracinement d’un populisme agressif et le passage d’un bolsonarisme militant à un bolsonarisme institutionnel, ce que confirme ce second tour de l’élection.

Alors que la campagne présidentielle a mis en évidence la vulnérabilité du pays aux contre-vérités véhiculées par les réseaux sociaux et l’influence de pasteurs évangéliques ultraconservateurs, ce bolsonarisme est désormais présent en force au Congrès du Brésil, ainsi que dans de nombreux Etats du géant sud-américain, à commencer par le plus riche, celui de Sao Paulo, qui sera désormais dirigé par un ancien ministre du président battu.
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Dans son discours, Lula a promis de restaurer la « paix » et l’« unité », mises à mal par le mandat en cours, qui s’achèvera le 1er janvier 2023. Il s’est également engagé à lutter contre une pauvreté grandissante et contre la faim qui a fait son retour, à replacer le respect de l’environnement au cœur de son action et à redonner au Brésil toute sa place sur la scène internationale. Sa grande expérience politique ne sera pas de trop pour surmonter les obstacles.

A son crédit, il sera à l’unisson d’un continent sud-américain où le progressisme de gauche a effectué des percées historiques au cours des derniers mois, du Chili à la Colombie. Lula pourra également compter sur le soutien de nombreux pays, des Etats-Unis à l’Europe, particulièrement préoccupés par le sort d’une Amazonie que Jair Bolsonaro a livrée à une exploitation sans limite. A quelques jours de la conférence sur le climat prévue en Egypte, son élection sonne en effet comme un soulagement planétaire.

Par Le Monde (publié le 31/10/2022)
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