De jeunes Israéliens désertent l'armée pour protester contre l'occupation des territoires palestiniens
Cinquante-huit jeunes Israéliens assument publiquement de ne pas faire l'armée. Ils dénoncent "les violations des droits de l'homme en Cisjordanie".

Ils sont 58 jeunes Israéliens entre 17 et 20 ans, de milieux parfois très différents. Mais tous ont signé une lettre ouverte au Premier ministre, Benyamin Netanyahou, dans laquelle ils annoncent leur refus de faire l'armée pour, disent-ils, "ne pas cautionner l'occupation des territoires palestiniens". Ils dénoncent "les violations des droits de l'homme en Cisjordanie, la construction des colonies, les détentions administratives, la torture, les punitions collectives et une répartition injuste de l'eau et de l'électricité". Pour eux, et ils l'écrivent, "tout service militaire perpétue la situation actuelle et de ce fait nous ne pouvons prendre part à un système qui se livre à de tels actes".

Publié d'abord sur le site en ligne de Yesh Gvul ("Il y a une limite", en français), une organisation anti-occupation qui soutient les objecteurs de conscience, le texte et ses signataires ont très vite suscité de vives réactions. Au sein de la majorité gouvernementale, on n'a pas du tout apprécié. Du côté de la droite libérale, Yaïr Lapid, le ministre des Finances et patron du parti de Yesh Atid ("Il y a un avenir"), a qualifié ces nouveaux "refuzniks" de "tire au flanc trop gâtés", avant d'ajouter : "J'ai honte de vous."
"Nous voulons ébranler la pensée consensuelle"

Sur un plateau de télévision, un des signataires de la lettre a été interpellé en ces termes : "Lavette, tu porteras la marque de Caïn jusqu'à la fin de tes jours", "ton refus, pour moi, c'est comme l'assassinat de Rabin". Les signataires répondent que le but de leur démarche est d'abord fondé sur la nécessité de provoquer un débat public : "Nous voulons questionner, défier et ébranler la pensée consensuelle, conventionnelle." Et, pour cela, ils sont prêts à en subir les conséquences. Aujourd'hui, refuser de faire l'armée est passible d'un an de prison.

Ce n'est pas la première fois qu'Israël est confronté à ce genre d'initiative. Il y a 44 ans, une première lettre de refus était adressée par des lycéens au chef du gouvernement de l'époque. Depuis, trois autres ont suivi, en 1979, 2001 et 2005. En janvier 2004, cinq jeunes ont été condamnés à un an de détention. En février dernier, Omar Saad, un jeune Druze de Galilée, s'est vu infliger par un tribunal militaire une peine de prison de vingt jours. Sa cinquième condamnation en dix-huit mois, depuis qu'il a reçu son ordre de marche et a annoncé son refus d'obéir.
Les ultra-othodoxes, ces autres refuzniks

Selon un professeur de l'université de Tel-Aviv, spécialiste du dossier, depuis le début du mouvement dans les années 1970, on a enregistré en Israël entre 600 et 1 000 objecteurs de conscience. À l'exception du quotidien indépendant Haaretz, ce phénomène est quasiment ignoré des médias qui préfèrent publier les listes des lycées qui envoient le plus de jeunes à l'armée.

Pourtant, ces dernières semaines, les médias n'ont pas lésiné sur la couverture d'autres refuzniks bien plus nombreux. Les dizaines de milliers d'ultra-orthodoxes qui refusent de porter l'uniforme de Tsahal. Articles, reportages, éditoriaux ont été consacrés au bras de fer entre les rabbins ultra-orthodoxes et la majorité gouvernementale. Il s'est achevé sur le vote, mercredi dernier, d'une loi obligeant les jeunes des écoles talmudiques à faire un service militaire ou civil. À partir de 2018, en cas de refus, ceux qui correspondent aux critères définis par la législation seront passibles de prison. Les responsables ultra-orthodoxes ont fait savoir à Benyamin Netanyahou qu'ils ne lui pardonneraient jamais.

Par Danièle Kriegel (17/03/2014)

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