Corruption : le patron des JO de Rio sous les verrous
U n mois après les premières perquisitions à son domicile, Carlos Nuzman, président du comité d’organisation des Jeux de Rio, a été arrêté ce jeudi au Brésil, soupçonné d’avoir participé à un réseau international d’achats de voix ayant permis à la ville de décrocher les JO-2016.

Nuzman, 75 ans, également président du Comité olympique brésilien, est accusé de « corruption, blanchiment d’argent et participation à une organisation criminelle », selon le communiqué publié par la police fédérale. L’arrestation du « Monsieur JO du Brésil » braque les projecteurs sur un réseau international de corruption qui aurait permis à la cité carioca d’obtenir les premiers JO d’Amérique du Sud, salués par le CIO comme un succès à la fois sur le plan sportif et en termes d’organisation. Elle s’ajoute à une interminable liste de scandales à ramifications internationales entachant l’image du Brésil.

Rio avait décroché les JO lors d’un vote des membres du CIO, le 2 octobre 2009 à Copenhague, au détriment de Chicago, Madrid et Tokyo. Jeudi, une vingtaine de policiers ont procédé aux premières heures de la matinée, dans le quartier chic de Leblon, à Rio, à l’arrestation « à titre temporaire » à son domicile de M. Nuzman, ordonnée par un juge fédéral, dans le cadre de la deuxième phase de l’opération « Unfair play » (« jeu déloyal »). La police a également arrêté son bras droit, le directeur général des opérations du comité d’organisation des JO, Leonardo Gryner. Il est visé par les mêmes accusations que Nuzman.

Le CIO suspend le comité olympique brésilien
Le Comité international olympique (CIO) a annoncé vendredi avoir suspendu provisoirement le comité olympique brésilien (COB) en raison de l’implication de son ancien président, Carlos Nuzman, dans une affaire d’achat de voix dans le but d’attirer les jeux Olympiques 2016 à Rio. Le CIO a également suspendu M. Nuzman de toutes ses fonctions et droits de membre honoraire, l’excluant notamment de la commission de coordination des JO-2020 à Tokyo.
Concernant le COB, la commission exécutive du CIO a justifié sa décision (prise sur recommandation de sa commission d’éthique présidée par l’ancien secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon) par le fait que « le COB et son président, Carlos Nuzman, étaient responsables de la candidature de Rio de Janeiro en 2009 ». Par conséquent, le COB n’est plus en capacité de recevoir des subventions de la part du CIO mais l’intérêt des athlètes brésiliens sera préservé : « le CIO acceptera l’inscription d’une délégation brésilienne aux Jeux d’hiver de PyeongChang 2018 et à toutes les autres compétitions auxquelles le COB serait invité », indique le CIO.
Le parquet de Rio a ordonné le gel de 1 milliard de réais (270 millions d’euros) d’avoirs au total des deux hommes. « La prison temporaire de Nuzman et Gryner est essentielle non seulement pour garantir l’ordre public mais encore pour permettre de geler leur patrimoine et empêcher que (ces deux personnes n’interfèrent) dans la production de preuves », a expliqué le parquet en charge de l’enquête tentaculaire anticorruption « Lavage express ».

Lingots d’or
Les procureurs assurent que Nuzman – président du Comité olympique brésilien depuis 1995 – a augmenté son patrimoine de 457 % ces dix dernières années et qu’il a tenté de dissimuler des avoirs aux autorités. Il n’a par exemple déclaré que le mois dernier, après son interrogatoire, la possession de 16 lingots d’or de 1 kilo chacun. 
A Lausanne, le CIO a d’abord réagi sobrement à l’arrestation de M. Nuzman, indiquant simplement en « prendre note » et rappelant la « présomption d’innocence », avant de suspendre le comité olympique brésilien (lire plus haut). Les soupçons de corruption pesant sur l’octroi des JO de Rio avaient obscurci la réunion du CIO à Lima début septembre, consacrée à l’annonce de l’attribution des JO de 2024 et 2028 à Paris et Los Angeles. La commission d’éthique du CIO avait « demandé à ses avocats brésiliens de prendre contact avec les autorités judiciaires brésiliennes » pour obtenir des informations sur cette affaire.

« L’élément central » d’un vaste réseau de corruption
Le 5 septembre, pour la première phase de « Unfair play », Carlos Nuzman avait été interrogé durant plusieurs heures par la police fédérale qui le soupçonne d’avoir été « l’élément central » d’un réseau présumé de corruption ayant permis à la « ville merveilleuse » d’obtenir les jeux Olympiques. La résidence de Nuzman avait été perquisitionnée, de même que le siège du Comité olympique brésilien et de nombreuses entreprises cariocas, et son passeport confisqué. A cette opération participaient des représentants français de la police et de la justice, dont le célèbre juge anticorruption Renaud Van Ruymbeke.
Simultanément, les autorités françaises avaient passé au crible le domicile d’un intermédiaire brésilien installé en France, dans le cadre d’une enquête ouverte en 2015 en France sur les soupçons de corruption dans les élections de Rio-2016 et de Tokyo-2020.
Papa Massata Diack, encore…

La justice brésilienne soupçonne l’ex-gouverneur de Rio, Sergio Cabral – qui purge actuellement une peine de 14 ans de prison pour corruption passive et blanchiment d’argent – d’avoir été le cerveau de cette opération qui aurait eu pour objet le versement de pots-de-vin pour un montant de deux millions de dollars au Sénégalais Papa Massata Diack, fils de l’ancien président de la Fédération internationale d’athlétisme et ex-membre du CIO, Lamine Diack. Papa Massata Diack, qui aurait reçu 1,5 million de dollars de pots-de-vin de l’homme d’affaires brésilien Arthur Soares, connu sous le nom de « roi Arthur », les aurait ensuite redistribués en échange de voix. Les procureurs de « Lavage express » ont indiqué avoir collecté de nouveaux éléments apportant des « preuves irréfutables » sur ces versements.

A lire sur anti-k.org (07/10/2017)